Transport aérien, une situation préoccupante

La crise sanitaire liée à la Covid-19 est loin d’être terminée. Une crise qui perdure et dont les effets sur certains secteurs d’activité comme l’aérien n’ont pas fini de se faire ressentir. Les compagnies aériennes ultramarines sont particulièrement touchées et l’horizon est loin d’être dégagé. C’est ce qui est ressorti de l’audition de leurs représentants par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale.

Les compagnies aériennes ont été entendues par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, présidée par Olivier Serva, le 22 octobre. Ce rendez-vous a permis aux parlementaires de mieux appréhender les problématiques du transport aérien. Sans surprise, la situation de l’ensemble des compagnies est inquiétante, tant au niveau des liaisons internationales que domestiques, en raison de l’effondrement du trafic.

Pour Aircalin, qui était invitée à exposer sa situation, la baisse de trafic est de l’ordre de 90 % pour une diminution du chiffre d’affaires équivalente. Pour rappel, en 2019, la compagnie à l’hibiscus avait transporté 417 000 passagers avec un trafic international représentant près de 40 % et de 60 % pour le régional. Point positif, une bulle a pu être créée entre la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna, à raison de deux liaisons par semaine, mais pour le reste, le tableau est bien sombre. Les autres vols se limitent à trois par semaine vers Tokyo afin d’assurer la connexion avec les vols d’Air France vers Paris et deux par semaine pour Sydney, mais uniquement pour du fret. Aircalin assure les évacuations sanitaires vers Sydney une fois par semaine et une petite activité de charter vers l’Asie du Sud-Est ainsi que vers la Chine.

Des prêts aménagés voire transformés en subventions ?

Ce programme minimum, largement financé par le gouvernement, permet tout juste à la compagnie de couvrir ses charges, mais impose une restructuration qui a déjà été engagée. Sur les 460 postes, une centaine vont être supprimés dont 25 postes ouverts, mais non pourvus qui vont disparaître et 75 au travers du plan de départs volontaires. Un engouement est observé, ce qui traduit l’incertitude du personnel autour de l’avenir d’Aircalin, selon William Le Grand, le directeur général adjoint en charge des affaires commerciales. Outre cette réduction de la masse salariale de l’ordre de 20 %, des mesures conjoncturelles ont également été adoptées telles qu’une baisse des salaires. Des mesures plus structurelles sont à venir comme la révision des accords d’entreprise.

Le prêt garanti par l’État est un autre dossier chaud pour Aircalin, comme pour les autres compagnies qui en ont bénéficié (le PGE accordé à Aircalin s’élève à 4,8 milliards de francs). Cette question est d’ailleurs revenue à plusieurs reprises dans les discussions sur le report du début des remboursements, l’allongement des durées ainsi que sur la possibilité que l’État transforme tout ou partie de ces prêts en subventions. Il a notamment été rappelé que les États-Unis ont privilégié les subventions plutôt que les prêts afin d’éviter de grever les compagnies. Les perspectives étant plutôt sombres pour les trois à quatre ans à venir, les capacités de remboursement des entreprises pourraient être assez limitées.

À cette occasion, les députés ont réaffirmé le caractère stratégique de ces compagnies pour les collectivités d’outre-mer. C’est ce qu’a souligné Philippe Dunoyer, député de la première circonscription, à propos d’Aircalin dont l’horizon de viabilité, dans les conditions actuelles, se situe vers la mi-2021. Il a donc été question de la prorogation du dispositif de chômage partiel (il coûte chaque mois près de 40 millions de francs à la collectivité) et des exonérations des charges fiscales et sociales au moins jusqu’à la fin du premier trimestre 2021.

Des perspectives incertaines

Toute la question est de savoir quand le trafic international pourra reprendre. Une date plus qu’incertaine alors qu’un reconfinement refait surface en Métropole, mais pas seulement. Si la situation du trafic international laisse peu de place à l’optimisme, Aircalin regarde du côté de la région, qui représente près de deux tiers de son trafic, et plus précisément, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui travaillent actuellement à la mise en place d’une bulle. Pour cela, il faudra toutefois donner des gages de sécurité et en particulier au niveau de la fiabilité des tests. En la matière, les tests antigéniques suscitent beaucoup d’espoirs. Cette question est toutefois éminemment politique et la suppression de la quatorzaine ne devrait pas être aussi simple : de nombreux représentants, à l’instar du Sénat coutumier, pourraient montrer quelques réticences face au risque d’introduction du virus.

Les acteurs de l’aérien outre-mer et les députés se sont également interrogés sur l’engagement de l’ancienne ministre des Outre-mer à mettre en place des réunions pour assurer le suivi de la situation. Force est de constater que cet engagement n’a pas été tenu, créant un sentiment d’abandon de certains territoires ultramarins, sans compter que des compagnies renvoyées vers la BPI qui leur a cependant refusé les offres de financement. C’est le cas d’Air Tahiti Nui, du fait que la BPI avait peur de l’aérien, mais surtout n’y connaissant pas grand-chose, selon le directeur de la compagnie. Pour éviter le pire, l’État sera toutefois certainement amené à prendre des décisions importantes.

Remboursement des billets en mars

Malgré l’absence de cadre juridique, Aircalin a pris la décision de ne pas rembourser les billets d’avion qui avait été émis, alors que les vols n’avaient pas pu être assurés en raison de la crise sanitaire internationale. Aux différentes dettes nouvelles de la compagnie, il faut ajouter les 2,6 milliards de francs (dernier chiffre avancé par le directeur général de la compagnie) que représentent ces remboursements de billets. Ils devraient commencer au mois de mars sans que la direction n’ait donné davantage de précisions, expliquant sur le plateau du journal télévisé de nos confrères de NC La 1ère qu’elle attendait encore quelques éléments pour finir l’année dans une situation économique acceptable.

M.D.

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