L’accès difficile à l’hôpital depuis le début des émeutes complique grandement le fonctionnement de l’établissement de santé.
Au CHT, si l’activité est maintenue, la relève des soignants est particulièrement problématique. Certains ont enchaîné une semaine sur place. Les patients guéris sont bloqués et hébergés dans le hall d’accueil. « Les questions d’accès ont un impact dans le fonctionnement. Chaque jour, chaque heure est un défi », raconte un membre du personnel. Mais les équipes sont soudées. « L’hôpital tourne, on fait du mieux qu’on peut. »
La semaine dernière, François Jourdel a remplacé un de ses collègues, qui avait besoin d’être relayé pour s’occuper de ses enfants. Pour rejoindre Dumbéa-sur-Mer, le chirurgien, en moto, a traversé Nouméa. « J’ai passé quelques barrages tendus. » Le pire l’attendait sur la SAV. « Des câbles étaient positionnés sur la route entre deux poteaux, j’ai failli me faire couper en deux. » Retrouvant la sortie de Rivière-Salée, François Jourdel a décidé d’emprunter la voie du Néobus. « Je suis arrivé au pont de Koutio, c’était chaud sur toute la route qui longe les squats jusqu’au CHT, j’ai reçu un parpaing sur la cuisse. »
DES « EFFETS COLLATÉRAUX »
Le chirurgien passe deux jours au bloc. La plupart des opérations concernent des malades blessés lors des évènements de ces derniers jours. « Des plaies hémorragiques par balle, par couteau, par vitre. Certains se sont brûlés en jetant des cocktails molotov, d’autres sont tombés de leur toit en voulant sécuriser leur maison. » Habitué des missions humanitaires, François Jourdel établit un parallèle. « Cela me rappelle des situations que j’ai connues lors de missions humanitaires. Je ne m’attendais pas à vivre cela ici. »
La fatigue gagne du terrain chez le personnel et les soignants. « Ils sont admirables de résilience, tout le monde se serre les coudes, il y a beaucoup de solidarité. Ce n’est pas facile non plus pour les patients qui ne peuvent pas sortir. » La solidarité a également joué pour les besoins en sang. Des poches sont arrivées de Polynésie et de l’Hexagone, ce qui a permis de « reconstituer les réserves », le centre du don du sang étant toujours fermé.
Les problèmes d’accès aux structures de soin auront des conséquences, le transfert de nombreux malades ne pouvant être assurés. « On a opéré des plaies infectées parce qu’elles n’avaient pas pu être traitées avant. Il y aura des effets collatéraux », affirme François Jourdel, des répercussions « graves sur l’état de santé des patients du territoire », selon le CHT.
Anne-Claire Pophillat