Système de santé : Thierry Santa a lancé son plan de sauvetage

Le Ruamm est à l’agonie. Rien de nouveau sous le soleil calédonien, mais à l’occasion des nouveaux soubresauts de cette fin d’année, les acteurs privés de la santé ont poussé un cri d’alarme. Et le gouvernement s’est attelé à trouver une solution pérenne. En charge des comptes sociaux, le président Thierry Santa a présenté les grandes lignes de son plan de sauvetage au Congrès, lundi après-midi. Quelques heures auparavant, il en évoquait certains fondements avec quelques médias.

Les trois piliers

La réforme du système de santé ne peut plus attendre. C’est en substance ce que le plan de sauvetage élaboré par le président du gouvernement signifie. Une stratégie que Thierry Santa est allé présenter aux élus du Congrès en insistant sur trois axes, trois chapitres complémentaires et aux temporalités différentes. D’abord l’apurement de la dette sociale, véritable urgence qui demande néanmoins encore quelques mois, ensuite, à court terme, des mesures de trésorerie pour 2020, enfin à plus long terme, l’évolution de la gouvernance du système de santé.

L’apurement de la dette sociale

Le déficit du Ruamm, devenu structurel depuis près de dix ans, a atteint des sommes colossales et s’établit à quelque 25 milliards de francs. Autour de ce fossé béant dans les comptes du système de santé se cristallise l’urgence : tant que la dette abyssale demeure, il semble impossible d’avancer. Pour en permettre le remboursement et retrouver une situation financière saine, Thierry Santa appelle de ses vœux un établissement calédonien notamment dédié à cet apurement.

« La dette fait l’objet de discussions dans le cadre de ce nouvel établissement calédonien, précisait Thierry Santa, lundi matin. Il fera un emprunt qui permettra de rembourser la vieille dette et une taxe sera affectée à l’établissement pour le remboursement de la nouvelle dette auprès des organismes bancaires et sur un temps aussi court que possible pour ne pas impacter plus que nécessaire les contribuables. » Reste donc à élaborer cette taxe, une garantie de remboursement du prêt sans laquelle les organismes financiers ne s’engageront sans doute pas dans la démarche.

Sécuriser la trésorerie pour 2020

Plusieurs mesures d’urgence ont été évoquées. À commencer par le déblocage, dès le début de l’année, des 2,5 milliards restant sur les 4,5 votés par l’Agence sanitaire et sociale à son budget supplémentaire fin novembre. Près de la moitié avait été débloquée en urgence pour reprendre le paiement des acteurs privés de la santé dont les règlements avaient été suspendus par le Ruamm le 20 novembre.

Autre piste évoquée par Thierry Santa, des prêts internes entre les régimes de la Cafat. Une option qui n’avait jusqu’alors pas eu cours pour préserver une étanchéité salutaire entre les différentes bourses. Reste que l’urgence prime et que la Cafat doit répondre à la demande du président du gouvernement : « C’est le conseil d’administration de la caisse qui choisira les régimes qui seront sollicités. De mon côté, précisait Thierry Santa, j’ai juste annoncé un besoin de financement de cinq milliards afin de ne pas connaître début 2020 de tension de trésorerie comme nous en avons connues en cette fin d’année. L’objectif est que tout fonctionne normalement pendant ces premiers mois et il faut cinq milliards de financement extérieur. Tout cela doit nous permettre de tenir les sept à huit mois nécessaires à la création de l’établissement calédonien et au fonds du financement de l’apurement de la dette. »

Des ressources à plus long terme

Pour compléter les mesures d’urgence, le plan de sauvetage compte actionner d’autres leviers parmi lesquels la généralisation d’un ticket modérateur ou encore un meilleur recouvrement des cotisations. Un point sans aucun doute positif pour les comptes du régime d’assurance maladie, mais qui ne suffit pas à long terme. Et pour améliorer les recettes, le président Santa compte également sur un accroissement annuel des cotisations de 1 % pendant 6 ans. Un objectif qu’il estime réalisable et basé sur une estimation de croissance annuelle calédonienne au même niveau. « Cet objectif est lié à tout ce que ce gouvernement essaie de faire pour relancer l’économie calédonienne, rappelait Thierry Santa à quelques heures de la séance du Congrès. L’idée est donc de se faire confiance ! »

Confiance dans le projet de loi du pays visant à la relance économique, un texte qui a obtenu l’aval du conseil d’État et sera étudié le 30 décembre en séance publique au Congrès. Confiance dans l’efficacité du remboursement des taxes sur les stocks des entreprises permettant de réinjecter 4 milliards dans l’économie. Confiance dans la décision de l’Institut d’émission d’outre-mer de débloquer 17 milliards de francs pour les banques calédoniennes au profit du financement de l’économie par les entreprises ou les particuliers.

« Tous ces éléments-là sont destinés à relancer la machine économique calédonienne et, ainsi, 1 % de croissance ne me paraît pas exagéré pour les années à venir. » À ces ressources ponctuelles s’ajoute la taxe comportementale sur les produits sucrés votée la semaine dernière par le gouvernement dont la recette sera affectée à l’Agence sanitaire et sociale, en partie pour financer la prévention, en partie pour abonder les finances du Ruamm.

Profond lifting de la gouvernance

Dans son rapport daté de juin 2018, l’IGAS, Inspection générale des affaires sociales, recommandait une profonde refonte de l’organisation et de la gouvernance du système de santé calédonien. C’est le troisième pilier du plan de sauvetage défendu par le président du gouvernement et qui vise à moyen terme à pérenniser un système précieux pour l’ensemble des Calédoniens.

Pour orienter les travaux selon la nouvelle donne économique et les réformes déjà engagées, une nouvelle mission de l’IGAS viendra sur le territoire en début d’année. Si les détails sont encore à préciser avec les experts, les grandes lignes de la future gouvernance se dessinent déjà avec la création d’un objectif d’évolution des dépenses de santé et d’une autorité indépendante chargée de la préparation et de la mise en œuvre de cet objectif, l’évolution des missions de la Cafat, de la Dass et de l’Agence sanitaire et sociale et une évolution, enfin, au niveau du pilotage lui-même.  « Pour les régimes qui font appel à la solidarité, notamment le Ruamm, il n’est plus envisageable que le gouvernement n’ait pas son mot à dire. Il ne s’agit pas d’évincer les représentants salariaux et patronaux, mais d’y adjoindre le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sous forme décisionnaire. »

Il est donc probable que l’on se retrouve avec une gouvernance globale à deux têtes, l’une purement paritaire pour tous les régimes strictement paritaires – le chômage, les accidents du travail ou la retraire – et l’autre avec une gouvernance intégrant le gouvernement pour les régimes qui nécessitent de la solidarité au premier rang desquels le Ruamm.


Do Kamo toujours sur les rails

Si certains professionnels de santé s’alarmaient de l’avenir du plan Do Kamo et avaient évoqué leur crainte de le voir disparaitre doucement sous de nombreux autres dossiers, Thierry Santa a profité des explications pour replacer la démarche dans le cadre du plan Do Kamo. Sur le plan de la prévention d’abord : « Même si aujourd’hui, la prévention constitue des dépenses supplémentaires, elle représente les économies de demain. C’est l’un des piliers du plan Do Kamo et tout cela demeure dans le cadre du plan Do Kamo et de ce que le Congrès a voté en 2018. Et dans ce plan, la part de la prévention est fondamentale. » Même remarque sur la question de la gouvernance de notre système de santé : « Les principes de cette future gouvernance sont les mêmes dans le projet que je défends que celles évoquées dans le plan Do Kamo », affirme le président Santa.


Un taux directeur à 3 %

Chaque grand axe, chaque projet, chaque décision s’appuiera sur un texte, délibération ou loi du pays. Celui qui déterminera le taux directeur des hôpitaux sera l’un des premiers soumis au vote début 2020. Le taux doit, comme chaque année, être proposé et approuvé par l’exécutif pour permettre ensuite aux hôpitaux d’élaborer leur budget. « Ce sera un taux réduit à 3 %, précisait Thierry Santa, mais après deux années à 0 précédées par une année à 7 % et une autre à 5 %. » Le texte devrait être présenté dès le début de l’année.

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