Les Centres communaux d’action sociale jouent un rôle de proximité au quotidien auprès des personnes qui rencontrent des difficultés. Mais être démuni à Maré ou Dumbéa ne revêt pas la même réalité. Et leurs actions ne répondent pas forcément à des besoins similaires.
«C’est quoi être pauvre ? C’est difficile à définir dans les Îles, on ne se sent pas démunis », indique Jeanine Waya, responsable du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Maré. Selon la dernière étude de l’Isee, les trois communes des Îles Loyauté affichent pourtant les niveaux de vie parmi les plus faibles de Nouvelle-Calédonie.
Les pourvoyeurs d’emplois sont peu nombreux et les ressources des foyers reposent pour beaucoup sur les allocations. Mais l’organisation, en tribu, y est différente. « On ne paie pas de loyer, seulement les factures d’eau et d’électricité. On achète quelques nécessaires au magasin, et le champ et la pêche pourvoient au reste. Je n’ai jamais vu quelqu’un venir dire qu’il n’avait pas à manger », témoigne Jeanine Waya, qui y travaille depuis 2014.
Surtout, elle dissocie cette situation de l’idée de bien- être. « Pleins de familles vivent avec moins de 97 000 francs par moi et je pense que la plupart sont heureux. » En revanche, l’augmentation du coût de la vie pèse fortement. « Certains la subissent sûrement sans oser en parler, c’est peut-être pour ça qu’on ne voit pas la pauvreté. »
L’amélioration de l’habitat, qui se traduit par une aide pour les matériaux de construction, représente l’essentiel de l’action du CCAS. Rare sont les villas en dur, la majorité des maisons sont fabriquées avec de la tôle. « Les gens veulent de meilleures conditions de vie chez eux. »
L’an dernier, l’aide au kit d’urgence sanitaire est venue s’ajouter aux dispositifs existants, en réponse à une enquête de 2018 qui révélait que seule une maison sur vingt disposait de toilettes.
À OUVÉA, DES BONS ALIMENTAIRES L’AN PROCHAIN
Ouvéa, plus petite commune des Loyauté avec quelques 3 400 habitants, n’est pas dotée d’une telle structure. Maurice Tillewa, le maire UC-FLNKS, craint un afflux de demandes. Il note déjà que « les gens viennent de plus en plus solliciter les services. Certains pensent qu’on a des bons alimentaires, mais ce n’est pas le cas. »
Leur mise en place est prévue l’année prochaine. Jean-Claude Wateou, assistant social, remarque, lui, au moment de la rentrée, qu’« il va manquer de l’argent pour acheter du linge, du matériel scolaire ».
La commune vient donc en support en proposant des bons. Elle participe notamment à la construction et à la fourniture du matériel nécessaire pour l’apport en eau potable en distribuant des cuves aux habitants. En vue d’affiner ses actions, la mairie a fait appel à un bureau d’études pour évaluer la situation des bénéficiaires de l’aide médicale, « au moins les trois quarts de la population », afin de mieux les soutenir.
Comme à Maré, les opportunités d’emploi sont rares. Jean- Claude Wateou reçoit majoritairement des personnes sans salaire fixe. « Ils auront quelques pièces en vendant au marché, puis n’en auront plus quelques jours après, c’est cyclique.
Heureusement qu’il y a le coprah, le santal, la vanille, etc., mais cela ne suffit pas, d’autant que la vie est bien plus chère que sur la Grande Terre. » Ce qui fait tenir le système, c’est l’entraide familiale, « qui joue encore beaucoup », même si elle tend à diminuer, estime Maurice Tillewa. « La solidarité était très forte il y a dix ans, mais avec l’inflation, il y en a moins.»
TRANSPORT, ALIMENTATION, ÉNERGIE : LE PLUS DEMANDÉ
En ville, ceux aux revenus les plus faibles résident parfois en squat, le plus souvent en appartement. Sans lopin de terre à cultiver. Avec un loyer. Et un besoin de sous pour tout : se déplacer, se nourrir, payer ses factures d’eau et d’électricité. Ce sont les trois aides les plus sollicitées au CCAS de Dumbéa. D’où la mise en place d’un partenariat
avec Enercal. L’entreprise donne des clés aux familles pour qu’elles réduisent leur consommation, faisant ainsi baisser leur facture. « On souhaiterait faire pareil avec la Calédonienne des eaux », glisse, en appel du pied, Yvonne Halagahu, la directrice.
Dans une volonté de couvrir davantage le territoire communal, le bus solidaire de Saint-Vincent-de-Paul, qui fonctionne en partie sur la base du troc, sillonne désormais les quartiers plus isolés du nord tous les deux mois environ. Un dispositif que le CCAS envisage de développer à Dumbéa- sur-Mer.
Une place centrale est accordée à l’accompagnement social et, en particulier, à la gestion du budget. L’objectif est d’accéder à l’autonomie en partenariat avec les personnes suivies. « Il faut qu’elles soient actrices de leur quotidien. On signe un contrat avec elles, sinon ça ne peut pas marcher. »
Mireille Leu, vice-présidente, ajoute : « Souvent, les gens ont perdu confiance en eux, il faut qu’on leur dise qu’ils sont capables de le faire, mais cela nécessite qu’ils en aient envie. » Les deux femmes ne manquent pas d’idées pour améliorer la prise en charge et le suivi des personnes, la création d’un guichet social unique et d’un numéro de dossier.
Cela nécessite des moyens financiers, humains et matériels. « Il n’y en a pas assez par rapport aux sollicitations, précise Yvonne Halagahu. On fait avec les moyens du bord pour accompagner au mieux chaque famille. »
Anne-Claire Pophillat