Sports nautiques : les Cagous, rois de la glisse

Ils sont cinq rideurs du Caillou à avoir décroché le très prestigieux titre de champion du monde cette année, aussi bien en planche à voile avec foil, qu’en kitesurf, en stand-up paddle ou encore en wingfoil. Un résultat exceptionnel qui prouve bien que le lagon calédonien est un terreau plus que favorable à l’émergence de sportifs de haut niveau dans le milieu de la glisse.

Quel est le point commun entre les Calédoniens Nicolas Goyard, Titouan Puyo, Noïc Garioud, Arthur Guillebert et Titouan Galea ? Ils sont tous champions du monde. Ces purs produits du lagon Sud sont en effet montés sur la plus haute marche du podium dans leurs disciplines respectives cette saison, cumulant à eux cinq un total de sept titres mondiaux. Une domination à laquelle on peut aisément joindre Thomas Goyard et sa médaille d’argent en windsurf aux Jeux olympiques de Tokyo. Une réussite qui s’explique par un cadre particulièrement propice à l’accession au haut niveau.

L’école de la mer

S’il y a bien une chose qui réunit ces jeunes champions, c’est leur passion pour le milieu marin et la glisse. Ils ont tous, à l’exception de Noïc Garioud, grandi sur un voilier et passé une grande partie de leur temps libre à naviguer dans le lagon nouméen, à deux pas de chez eux. Des spots qui sont reconnus internationalement pour être parmi les meilleurs de la planète, puisque des étapes de Coupe du monde de kitesurf ou encore de windsurf s’y sont régulièrement déroulées ces dernières décennies. « Le lieu d’entraînement est juste parfait. Ici, on peut naviguer 365 jours par an ou presque. Si l’on devait concevoir un endroit idéal pour pratiquer les sports nautiques, on créerait le lagon de la Nouvelle-Calédonie », assure le vieux « waterman » Jean-Louis Colmas, multiple champion de France et du Pacifique de planche à voile.

En découlent logiquement chez ces Cagous une incroyable compréhension du plan d’eau et de ses variables et une parfaite maîtrise de leurs supports. « C’est certain que nos jeunes ont un volume de navigation beaucoup plus important qu’ailleurs, où la température de l’eau et le manque de vent peuvent faire défaut », analyse Emmanuel Goyard, membre du comité directeur de la Ligue calédonienne de voile. Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : ces quinze dernières années, cette dernière a fourni près de 40 % des athlètes du Caillou inscrits en tant que sportifs de haut niveau sur les listes ministérielles.

Cette passion pour les sports nautiques, elle est partagée par de nombreux Calédoniens, dont beaucoup naviguent à un bon niveau local et n’hésitent pas à prendre part aux diverses compétitions organisées ici. « Ce goût du plaisir sur l’eau est notamment partagé avec les adultes, qui tirent forcément les jeunes vers le haut et tout cela, dans un esprit souvent très joueur. C’est l’une des clés de la réussite », complète le père de la fratrie Goyard.

En wingfoil, Titouan Galea ne connaît pas de concurrence. Une discipline qu’il a été parmi les premiers à populariser localement il y a un peu plus de deux ans.

L’argent, un moteur important

« Ici, ils acquièrent les bases, mais c’est avec la confrontation à l’extérieur qu’ils passent le cap. Très tôt, nos gamins sont envoyés en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en Métropole pour s’aguerrir », explique Michel Quintin, président du CTOS et ancien planchiste olympique. Un point important pour les clubs, les parents, mais aussi les institutions qui n’hésitent à subventionner ces voyages très coûteux pour permettre aux jeunes athlètes de poursuivre leur progression.

« Dès 14 ans, j’ai commencé à faire au moins deux ou trois déplacements pour participer à des compétitions par saison. Il y a des années où je passais limite plus de temps à l’étranger qu’à l’école », raconte, reconnaissant, le double champion du monde en titre de stand-up paddle Noïc Garioud. Des aides qui perdurent également une fois leur carrière internationale lancée. « Je me sens vraiment soutenu par la Calédonie, assure Thomas Goyard. En fonction de tes performances, ils mettent vraiment le paquet pour t’aider. Entre le gouvernement, mon club ou encore la province Sud, je touche près de 500 000 francs par an. Ce n’est pas négligeable. »

Des moyens financiers que l’on retrouve également à travers des infrastructures de qualité – telles que le centre des activités nautiques de la province Sud, la base de voile de la Côte-Blanche ou encore celle de Wé, à Lifou – que de nombreux pays pourraient nous envier. D’autant plus que dans ces sports nautiques, où le matériel joue un rôle important, la Calédonie reste à la pointe avec des équipements dernier cri qui sont largement démocratisés. « On est un pays riche. Nos jeunes sont quand même gâtés, ils naviguent souvent avec du bon matos. Et c’est une motivation supplémentaire, c’est certain. On va plus facilement pédaler quand on a un super vélo en carbone qu’un vieux vélo en aluminium », compare Jean-Louis Colmas qui, grâce à ses prototypes, continue de contribuer à l’innovation dans le milieu de la glisse.

Transformer l’essai en Métropole

« En Calédonie, on a une terre parfaite pour l’accès au haut niveau. Mais pour continuer et faire carrière dans ce milieu, il faut ensuite quitter le territoire, assure Emmanuel Goyard. C’est essentiel pour pouvoir se confronter aux meilleurs mondiaux, multiplier les déplacements et découvrir d’autres plans d’eau. » Titouan Puyo, les frères Goyard, Titouan Galea ou encore Arthur Guillebert, tous sont passés par la Métropole pour poursuivre des études ou des formations, tout en continuant à pratiquer leur discipline sur le circuit international. « C’est une étape très compliquée. Il y a pas mal de Calédoniens qui n’arrivent pas à s’adapter, partage Thomas Goyard. C’est un arrachement à tes racines. Personnellement, j’ai bien mis trois ans à m’adapter. »

Mais une fois l’essai transformé, les compétences nautiques emmagasinées par nos rideurs locaux sur le plan d’eau calédonien, aguerris par une expérience plus approfondie de la compétition au plus haut niveau, deviennent une véritable force qui permet à certains surdoués de se hisser sur le toit du monde. Drapeau rouge et gris sur les épaules.

 


Des exploits en or

Titouan Pouyo et Noïc Garioud.

Le Cagou de 29 ans, Thomas Goyard, est devenu le premier athlète du Caillou à décrocher un podium en individuel aux Jeux olympiques en s’emparant de la médaille d’argent en windsurf sur le plan d’eau japonais, en août.

Quelle année pour Nicolas Goyard. Le windsurfeur de 25 ans a été sacré champion d’Europe et du monde d’IQFoil, la nouvelle planche à voile olympique qui fera son apparition aux prochains JO. Il a également terminé en tête du classement général de la Coupe du monde PWA de slalom, toujours en windfoil. Actuellement aux Açores (Portugal) pour participer aux championnats du monde de Formula Foil aux côtés de son frère, il pourrait bien décrocher un nouveau titre planétaire ce week-end.

Habitué à jouer les premières places du circuit international de stand-up paddle depuis son premier titre mondial en 2014, Titouan Puyo (30 ans) est monté sur le toit du monde lors de l’épreuve de longue distance en Hongrie cette année. Il devance de quelques secondes son compatriote de 19 ans Noïc Garioud qui s’est, quant à lui, adjugé la première place de ces championnats du monde ICF en technical race et en sprint.

Arthur Guillebert s’est illustré au Brésil mi-novembre, en remportant le titre de champion du monde de kitesurf freestyle. Le deuxième seulement gagné par un athlète français.

Invaincu en course sur le circuit mondial de wingfoil cette saison, Titouan Galea, 24 ans, est le premier champion du monde de l’histoire de ce nouveau sport nautique. En tête en freestyle, il a également de grandes chances de truster la couronne mondiale dans cette discipline en Espagne, du 27 au 30 décembre.

 

Titouan Moal (© Carter/PWA et GWA)