Soutien à l’agriculture, la province bombe le torse

La province Sud veut relancer la machine agricole calédonienne. Grippée, elle est vieillissante et peu productive. L’institution vient de revoir en profondeur son code des aides spécifiques à l’agriculture. Les grands axes sont connus : favoriser l’accès au foncier, réduire les coûts et structurer les filières. Le nouveau code introduit des mesures très incitatives.

Le constat est plutôt sombre. Nous ne parvenons à produire que 15 % des produits agricoles que nous consommons. Un chiffre bien faible quand on connaît le passé agricole calédonien. La population agricole, qui se réduit comme peau de chagrin, est âgée en moyenne de 54 ans et présente les revenus parmi les plus faibles. La surface agricole utile s’est réduite de 66 000 hectares en 10 ans, sans parler du fait que les consommateurs ne sont que moyennement satisfaits de l’offre de produits frais.
Le premier des enjeux est de retrouver une plus grande autosuffisance alimentaire, en passant d’un taux de couverture de 15 % à 30 % à l’horizon 2025. Pour y parvenir, la province Sud s’est fixé des objectifs dans quatre grandes filières, à la base d’autres productions. Les taux de couverture devront augmenter : pour la filière céréales, il est envisagé un passage de 8 % à 30 %, de 62 % à 85 % pour la filière bovine, de 58 à 75 % pour les fruits et légumes et de 9 % à 38 % pour le poulet de chair.

Prix, quantité, qualité
Derrière ces objectifs plutôt ambitieux, la province met en place depuis deux ans les stratégies de développement des filières au travers de schémas directeurs. Des schémas qui ont coûté cher à la collectivité. En contrepartie, l’exécutif provincial espère pouvoir rapprocher la Nouvelle-Calédonie du niveau de La Réunion qui couvre 80 % de ses besoins en mettant en réseau les producteurs, chose que les Calédoniens ont bien du mal à faire.
Le premier levier actionné est celui du foncier. Si ce levier n’est pas proprement provincial, c’est Nicolas Metzdorf, le président de la commission agriculture de la province, qui a porté le projet de loi sur les baux ruraux au Congrès. Ce dispositif territorial, qui avantage fiscalement autant les exploitants que les propriétaires, sera complété par des primes provinciales. Autant dire qu’il deviendra très intéressant de louer sa terre. Le dispositif prévoit d’encadrer les loyers qui seront plafonnés pour éviter les abus. L’idée est de faciliter l’accès à la terre en passant par la location, ce qui présente l’avantage d’éviter l’endettement des jeunes agriculteurs.
Avec cet allégement des charges, la province entend également redonner de la compétitivité aux exploitations et donc permettre un travail sur les prix. Sur ce volet, l’exécutif entend mener une petite révolution, plus particulièrement sur le plan de l’équipement. Jusqu’à présent, l’idée était que chacun reste chez soi et s’équipe, voire se suréquipe et le tout avec la bénédiction de l’administration qui subventionnait à tour de bras. Une hérésie en termes d’économie. Les services veulent désormais inverser la tendance en mutualisant les outils de production.
Les aides seront donc élargies au recours aux prestataires de services, qu’ils s’agissent de groupements ou de sociétés. En matière d’aide individuelle, elles seront orientées vers des projets d’extension, d’équipement novateur ou en vue de produire plus durablement (gestion des déchets, passage aux énergies renouvelables).
Toujours en matière de mutualisation, de grands ouvrages hydrauliques vont être financés dans les années à venir. Sans eau et réseau, pas de culture. Sur cette base, un renforcement est d’ores et déjà à l’étude pour le secteur de Boulouparis, à partir de la Ouenghi, mais ce type de travaux devraient concerner d’autres rivières. Près de 200 millions de francs de travaux en matière agricoles sont envisagés dans futurs contrats de développement.
En marge d’une meilleure compétitivité, les aides visent à améliorer la qualité ainsi que la productivité, en incitant à la certification suivant les signes d’identification de l’origine et de la qualité des produits, mais également en parvenant à passer d’un à deux cycles de production et en favorisant la diversification des productions. En plus du maïs, l’idée est de développer les productions de blé, de riz ou encore de soja.

Les aides plus que doublées
Ces améliorations nécessiteront un accompagnement qui sera renforcé et simplifié, autant sur les plans administratifs, matériels que techniques, en particulier pour les jeunes entreprises. En matière de formation, de nouvelles formules, plus courtes seront proposées et pas seulement aux agriculteurs installés. Le bio n’est pas oublié. Des formations seront notamment dispensées au CFFPPA du Mont-Dore. Autre mesure phare en matière de formation, les stages seront financés par la collectivité qui prendra également en charge le remplacement du salarié au sein de l’exploitation, favorisant la formation du personnel.
Ces quelques mesures sont loin d’être exhaustives. Le plan provincial ne comprend pas moins de 110 articles. Jusqu’à présent, le code des aides en matière d’agriculture apportait annuellement un soutien financier au monde agricole de l’ordre de 150 millions de francs. Le nouveau dispositif de soutien à la politique publique agricole provinciale va porter ce montant à près de 400 millions de francs par. Ces investissements publics devraient pouvoir générer au total des investissements de l’ordre de 1,5 à 2 milliards de francs. Reste à voir si cela permettra de redresser la situation.


Des appels à projets
Le dispositif provincial se donne la possibilité de faire des appels à projets. Une innovation intéressante qui, en cas de manque d’initiative privée, permettra de faire des appels à d’autres acteurs. La province l’envisage notamment pour la production de poulet de chair. Dans ce cas, un appel à projet permettrait de monter une filière locale, avec des retombées en matière d’emploi et permettrait surtout de proposer des poulets d’une meilleure qualité que ceux d’entrée de gamme actuellement importés.

L’agriculture familiale prise en compte
Cette agriculture, souvent oubliée, représente un poids non négligeable dans le secteur. Elle n’a pas été omise par le plan qui propose des aides de 80 % pour des projets allant jusqu’à 300 000 francs. Des contrats d’objectifs peuvent également être passés, donnant lieu à des primes de 500 000 francs si les objectifs sont atteints. Une façon d’encourager ces producteurs à faire le pas pour alimenter une « petite agriculture marchande ». Dans cette optique mais aussi pour les plus grandes productions, le code prévoit des aides spécifiques pour les agriculteurs dans la transition de leur exploitation vers du bio ou de l’agriculture raisonnée.