Sonia Lagarde « obligée de prendre des mesures » face au risque requin

L’annonce de l’interdiction de la baignade sur les plages de Nouméa a surpris et suscité de nombreux commentaires. La maire estime prendre ses responsabilités et protéger la population en attendant la sécurisation de trois plages de la commune.

QUE DIT L’ARRÊTÉ ?

Le document, signé jeudi 16 mars, est entré en vigueur lundi 20 mars. Il porte interdiction temporaire de la baignade sur l’ensemble du bord de mer nouméen, y compris à l’île aux Canards et aux îlots Maître, Sainte-Marie et Uere, jusqu’au 31 décembre.

Les activités nautiques, ne pouvant être sécurisées, sont, elles, autorisées aux risques et périls des usagers. Un recours devant le tribunal administratif est possible pendant deux mois.

POURQUOI INTERDIRE ?

Trois principales raisons ont motivé le choix de la maire de Nouméa. D’abord, les trois récentes attaques de requins survenues dimanche 29 janvier, samedi 4 février et dimanche 19 février dans la baie de l’anse Vata.

Ensuite, le fait que les campagnes d’abattage vont s’intensifier, il va désormais y en avoir une chaque mois, ce qui implique déjà la fermeture des plages pendant les cinq jours de capture, puis cinq autres jours à cause de l’appâtage. « Il y a énormément de requins, de Magenta à Sainte-Marie, au Château Royal, à la baie des Citrons et jusque dans la grande rade, explique Sonia Lagarde. Les pêcheurs aussi nous font ce retour et nous disent que leurs lignes sont attaquées par des squales. Il faut réguler. »

41 animaux ont été tués depuis le début de l’année. Lors de la dernière campagne (il y en a eu trois), 23 spécimens ont été prélevés, dont trois bouledogues et 20 tigres (14 rien que du côté de l’îlot Maître). Les carcasses sont rejetées derrière la barrière, « au loin, dans le grand bleu ». Et, enfin, la nécessité d’attendre la sécurisation des plages, prévue fin 2023.

« PROTÉGER »

La maire, responsable de la bande littorale des 300 mètres, estime qu’elle n’a pas d’autre possibilité. « J’ai pris mes responsabilités, je suis obligée de prendre des mesures. Sinon, s’il y a un accident, on va dire que c’est la faute de Sonia Lagarde. » Il s’agit aussi « de protéger la population au maximum. La décision était difficile, mais je l’ai prise en mon âme et conscience ».

Marcher dans l’eau jusqu’aux genoux n’est pas interdit, « mais il ne faut pas dépasser cela ». Car les requins rôdent même près du bord, insiste l’élue. « Au Mont-Dore, on en a vu à deux, trois mètres qui attaquait des tortues. À Bourail, la malheureuse avait de l’eau aux cuisses. »

Face aux critiques, elle se défend. « Je rends les clés et on verra ceux qui savent mieux faire que moi. Après, au-delà des 300 mètres, je ne suis plus compétente, alors ceux qui n’ont pas peur n’ont qu’à aller plus loin. »


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QUE RISQUE-T-ON ?

Sonia Lagarde l’a assuré, aucune amende n’est prévue en cas de non-respect de l’arrêté. Sauf pour les récalcitrants, comme ce baigneur qui faisait ses longueurs à 100 mètres de la plage mercredi matin. Il a reçu une amende de 3 000 francs. « Il disait “Au nom de la liberté, vous ne m’empêcherez pas de me baigner”, annonçant qu’il reviendrait tous les jours. Eh bien, il aura une autre amende. » La maire en appelle à la sagesse. « Il faut, collectivement, être raisonnable. »

QUELLES PLAGES SÉCURISÉES ?

La première à être équipée d’un dispositif de protection sera la baie des Citrons. L’appel d’offres arrive à terme, la mairie doit désigner la société à la fin de la semaine. Mais, « en comptant la fabrication et le délai d’acheminement, le filet ne devrait pas être posé avant la fin de l’année ».

Un deuxième appel d’offres est en cours pour la plage du Château Royal. Cette fois, il est ouvert « à toute proposition », l’aménagement d’une piscine en mer à l’image de celle réalisée à Koumac n’est donc pas exclue. Et, assure Sonia Lagarde, un troisième marché doit être lancé la semaine prochaine afin de protéger une partie de l’anse Vata.

Qu’en est-il de la surveillance par drone, du test de balises à champ électromagnétique ? « C’est encore au stade expérimental, on balbutie. Pour les drones, il faut des pilotes agréés, c’est compliqué », répond l’élue.

LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES

Le gros point d’inquiétude est l’impact de cette interdiction sur l’économie : tourisme, restauration, hôtellerie, activités nautiques. La maire indique s’être rapprochée de la province Sud et avoir rencontré les hôteliers mercredi 22 mars. D’après elle, ces derniers « comprennent ».

La province Sud envisage de son côté une aide financière d’urgence pour soutenir la trésorerie de certaines structures affectées par la situation, qui doit être présenté en assemblée de province le 31 mars.

UNE « AFFAIRE PAYS »

Pour la maire de Nouméa, qui évoque l’observation de requins au Mont-Dore, à Koné, à Poindimié, etc., la situation dépasse les frontières de la commune. « C’est une affaire pays. L’image de la Nouvelle-Calédonie est déjà ternie parce qu’on est devenu un hot spot, qu’est-ce qu’on attend ? »

Anne-Claire Pophillat

Photo : L’interdiction de baignade, prévue jusqu’au 31 décembre, pourrait évoluer en fonction du résultat des campagnes de prélèvement. Si de moins en moins de requins sont pêchés dans les mois à venir, il n’est pas impossible que nager soit à nouveau autorisé avant la fin de l’année, indique Sonia Lagarde. / © E.B.