SLN : une perte sèche de 17 milliards

Conséquence d’un marché du nickel à la baisse, la SLN a enregistré un déficit net de 17 milliards de francs en 2016. Pourtant, la filiale d’Eramet a multiplié les actions d’économies, mais elle doit encore abaisser ses coûts de production pour assurer son avenir, compte tenu des cours du nickel qui ne cessent de baisser.

La SLN enregistre sa cinquième année déficitaire d’affilée. Moins 17 milliards en 2016, un chiffre qui reste toutefois moins important que la dégringolade de 2015 (-35 milliards) et celle aussi importante de 2013 (-23 milliards). La raison de cette chute, on la connaît : un marché du nickel morose qui n’est pas prêt de remonter. Le métal de l’acier inoxydable enregistrait il y a quelques jours encore la plus mauvaise performance des métaux industriels, passant sous le seuil des 9 000 dollars la tonne. Le marché des métaux fait face à des sentiments négatifs pour les actifs risqués, dont les métaux de base et le contexte géopolitique qui n’est pas prêt d’améliorer la situation. De mauvais indicateurs économiques en Europe et aux États-Unis influent sur un marché où l’offre ne baisse pas, comparativement à la demande. À cela, s’ajoute l’émergence de nouveaux producteurs low cost qui peuvent produire beaucoup pour pas cher et mettent en péril les plus anciennes sociétés comme la SLN, ce que confirme Pierre Gugliermina, le président du conseil d’administration de la SLN, dans le rapport d’activité 2016 de la filiale d’Eramet : « L’environnement économique des producteurs de nickel a fortement évolué ces dernières années, avec l’émergence de nouvelles capacités de production […] confirmant un changement structurel dans notre profession : le nickel primaire est produit en très large majorité dans les pays à bas coûts, où se concentrent les nouvelles unités de production, ce qui tire les prix vers le bas. De façon plus conjoncturelle, l’écart entre une offre supérieure à la demande pendant plus de quatre ans, a conduit à une explosion des stocks de nickel disponibles sur le marché, culminant à 470 000 tonnes mi-2015. » Ce niveau n’évoluant que très peu depuis, les cours du nickel restent déprimés, et devant la situation il n’y a donc pas d’autres solutions pour la SLN que d’aligner ses coûts de production sur ceux des leaders de la profession. « C’est toute la dynamique actuelle de la SLN qui renforce ses plans de progrès précédents par un plan de performance ambitieux SLN 2018 », ajoute le président (voir encadré).

Sortir la tête de l’eau

Devant la brutalité de la chute des cours du nickel et la durée de la dépression, la SLN avait demandé l’année dernière un soutien financier de ses actionnaires afin d’assurer sa trésorerie. Le groupe Eramet était intervenu à hauteur de 38,8 milliards de francs et l’État à travers le prêt de l’APE (Agence des participations de l’État) de 23,9 milliards. Un montant global de 63 milliards qui doit permettre à la SLN d’assurer son fonctionnement et de passer la crise jusqu’en 2018. Mais pour accentuer et garantir la pérennité de l’entreprise, il faut aller plus loin, d’où le plan de performance SLN 2018. Une situation alarmiste soulignée par Jérôme Fabre, le directeur général : « Le groupe Eramet et l’État nous ont accordé des prêts avec comme feuille de route notre plan de performance SLN 2018. Nous devons donc poursuivre nos efforts avec l’objectif d’atteindre un cash cost de 4,5 dollars US la livre de nickel métal à fin 2017 (contre 6 dollars en 2015). » Le directeur ajoute que « l’année 2017 s’annonce difficile. Avec les incertitudes qui pèsent actuellement sur le marché du nickel et la rechute des cours en ce début d’année, notre situation reste fragile. Cela nous rappelle que la crise n’est pas finie et nous montre à quel point nous devons impérativement poursuivre nos efforts de performance et de baisse des coûts, dans la durée, pour résister et garantir notre pérennité à long terme ».

Vers le redressement ?

Malgré son plan de performance, qui doit permettre d’obtenir une marge de manœuvre, la SLN entrevoit le redressement dans un marché plus qu’incertain. Mais il faudra aller encore plus loin pour être compétitif face aux entreprises chinoises notamment en activant d’autres mesures, comme la mise en route de la future centrale au gaz qui permettra de faire des économies notables sur la production et de descendre le cash cost de 0,3 à 0,4 dollar la livre de nickel. Autre poste, celui des emplois. Depuis la mise en œuvre du plan d’économies, le nombre de salariés a chuté, passant de 2 150 pour s’établir à l’avenir à 1 850. La situation calédonienne intéresse au plus près la nouvelle PDG d’Eramet, Christel Boris, qui a dernièrement renouvelé « ses intentions d’apporter tout son soutien à la filiale calédonienne », mais n’a pas caché que l’entreprise devra améliorer sa compétitivité pour survivre. Une amélioration qui passera par une réduction des effectifs « naturelle » et par un plan social. Pour Christel Bories, « la SLN devra aller encore plus loin que la baisse de 25 % de ses coûts de production sur 18 mois, comme le prévoit le plan actuel ». Pour s’en sortir, l’industriel devra donc redoubler d’efforts compte tenu de la situation actuelle sur les cours de change, une situation figée. Pour Pierre Gugliermina, l’engament doit aller au- delà, être collectif et passer par les autorités : « La contribution des administrations locales est fortement souhaitable pour soutenir notre action de compétitivité. Le réaménagement des délais relatifs à la reconnaissance du domaine minier, l’ouverture pour l’exportation des minerais pauvres sont des exemples appréciés. De nombreux autres dossiers en cours d’étude pourraient contribuer à installer durablement la SLN dans la voie du redressement, condition indispensable à sa pérennité, mais aussi à assurer les meilleures retombées économiques pour ses parties prenantes. La poursuite de l’engagement de tous les acteurs, salariés de la SLN, entreprises intervenantes, administrations, est essentielle pour poursuivre l’élan annoncé. Tous ensemble, nous pouvons assurer un futur serein à la SLN. » Le message est clair…


SLN 2018

Dans le but de redresser rapidement la compétitivité de l’entreprise en réduisant son cash cost de 25 % entre fin 2015 (6 US$/livre) et fin 2017 (4,5US$), la SLN a lancé le plan de performance 2018. Il permet de s’adapter au nouveau contexte concurrentiel, bouleversé par la montée en puissance de producteurs situés dans des pays à bas coûts (Chine, Indonésie, Philippines, Papouasie Nouvelle-Guinée, Birmanie, Brésil, Madagascar…). SLN 2018 s’appuie autour trois trois leviers (autonomie managériale, modernisation du processus et management plus performant), 11 projets qui concernent toutes les chaînes de production dans le but d’améliorer la rentabilité et d’une demande accrue de la participation des partenaires de la société (agents SLN, entreprises intervenantes, emplois directs et induits).

C.Sch