SLN : Darmanin refuse une simple perfusion

« La France se tiendra au côté de la Nouvelle-Calédonie », a déclaré le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, qui demande toutefois « un projet industriel ». Les syndicats s’attendent à une restructuration de la société, et l’appréhendent avec une certaine inquiétude.

Six ans ont passé depuis le dernier sauvetage, et la SLN semble revenue au point de départ. Peut-être même un peu plus loin.

Christel Bories, PDG d’Eramet, est venue à Nouméa pour redire que le groupe excluait catégoriquement d’apporter un nouveau prêt à sa filiale calédonienne, fût-il d’un montant largement inférieur aux 39 milliards de francs octroyés en 2016. L’État avait alors complété l’enveloppe avec 24 milliards. Désormais, c’est sur lui que l’on compte pour sauver la SLN une fois de plus.

Questionné lors de son déplacement en province Nord, mercredi 30 novembre, Gérald Darmanin a ouvert la porte à une aide financière sous conditions. « La France se tiendra au côté de la Nouvelle-Calédonie », a répondu le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, « mais nous devons avoir un projet, sinon, tous les six mois, tous les ans, vous allez poser la même question à tous les ministres qui vont défiler. »

Il chiffre à 300 milliards de francs les sommes versées en six ans par l’État au secteur du nickel. Ce « grand projet industriel » pour le secteur du nickel « doit être porté par les élus locaux ». « L’État est à leur côté mais aussi du côté des actionnaires, qui doivent prendre leur part de responsabilité », insiste Gérald Darmanin, qui promet son implication dans le groupe de travail qui verra le jour prochainement.

LA FERMETURE D’UN FOUR, LA GRANDE CRAINTE

Chez les syndicats, on voit venir une profonde restructuration, dans la lignée des 53 suppressions de postes prévues sur la mine de Kouaoua. « Il faut revoir le niveau de la sous-traitance. Mais il faut aussi réfléchir en interne. Les objectifs n’ont pas été atteints, c’est normal qu’on réduise la voilure », estime Elvis Macé (Sgcinc-Cogetra), qui s’attend à une cinquantaine d’autres suppressions d’emploi en 2023.

Les investissements risquent d’être sévèrement réduits. Hervé Cronsteadt (Soenc Nickel) est inquiet pour l’usine. « La crainte que l’on a, c’est l’arrêt du FD11. Si l’on continuait sur deux fours au lieu de trois, ce serait une très mauvaise nouvelle. » Une réfection du FD11 est prévue en 2025, année de ses 33 ans. « C’est une question de production et de sécurité. » Mais qui apportera les milliards nécessaires ?

 

 

L’actionnaire principal ? Le Sgtinc n’y croit pas. « Eramet n’a plus très envie de rester en Nouvelle-Calédonie, analyse Glen Delathière, et force la main de l’État. » Un chèque serait le bienvenu, mais resterait « un pansement », une mise « sous perfusion ». « Il faut qu’on se restructure, évidemment, mais il faut faire ça avec les bonnes personnes, pas celles qui nous amenés à cette situation. »

Le syndicat affilié à l’UT CFE-CGC dénonce une « désorganisation interne », des « pertes de compétence », mais estime que la SLN peut vite retrouver la rentabilité « s’il y a une vraie volonté d’Eramet de rester ».

« EST-CE QUE TROIS USINES, ÇA FONCTIONNE ? »

Le problème de l’alimentation électrique, qui représente une bonne moitié des coûts de fonctionnement de l’usine, devrait être réglé en 2025, 18 ans après le début des travaux. Le fioul sera abandonné, Doniambo se branchera sur un réseau public dopé au photovoltaïque bon marché, possiblement avec un tarif préférentiel pour les métallurgistes. Christopher Gygès, membre du gouvernement, a évoqué un kilowattheure à 7 francs, contre 15 en 2021, et plus de 20 en période de pétrole cher.

En tablant sur une aide de l’État pour franchir 2023, comment tenir deux ans de plus ? « On n’a aucune maîtrise sur le coût de l’énergie, considère Elvis Macé. Il faut voir si l’État est capable de prendre en charge une partie du coût de l’énergie. » Au risque de faire hurler les autres entreprises et les particuliers ? « Ça, c’est sûr… Mais nous, on se focalise sur le fait de sauver nos emplois. On est dans l’urgence. »

Sonia Backes avait évoqué dimanche sur NC la 1ère des options de plus grande échelle, et plus polémiques, dans la perspective du groupe de travail « nickel ». « Est ce que trois usines en Nouvelle-Calédonie, ça fonctionne ? Est-ce que c’est deux usines, une pyrométallurgique, une hydrométallurgique qu’il faut conserver ? »

Gilles Caprais

Photo : Les 63 milliards empruntés en 2016 à Eramet et à l’État ont été consommés. Le dernier tirage (4,4 milliards) a eu lieu au mois de septembre, et permettrait à la SLN et à ses 2 350 salariés d’éviter la cessation de paiement jusque début 2023. / © G.C.