Des renforts essentiels pour une crise sans précédent

75 members of the national solidarity arrive in New Caledonia this Tuesday evening. New Caledonia, Noumea, September 21, 2021. Photograph by Delphine Mayeur / Hans Lucas. 75 membres de la solidarite nationale arrivent en Nouvelle-Caledonie ce mardi soir. Nouvelle-Caledonie, Noumea, 21 septembre 2021. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

En cette troisième semaine épidémique, l’hôpital gère un afflux massif de malades du Covid-19 et de nombreux décès. Les renforts de Métropole doivent permettre aux équipes de tenir dans la durée et d’assurer une continuité des autres soins. Mais c’est une certitude : le territoire continuera de souffrir si les non-vaccinés ne participent pas à l’effort collectif.

Le Médipôle, centre névralgique de l’épidémie de Covid-19, est arrivé à l’inimaginable cette semaine : 323 personnes hospitalisées en unité Covid – pour un hôpital de 500 lits – 52 patients en réanimation. Des Calédoniens de tous âges jusqu’aux enfants. Et de nombreux décès qui surviennent dans des circonstances terribles dues aux difficultés respiratoires et à la solitude. 8 lundi, 16 mardi, pour un total de 49 décès déjà depuis le 6 septembre et des victimes aussi jeunes que 41 ans.

« Jamais le pays n’a été confronté à autant de morts », a déploré Gilbert Tyuienon, porte-parole du gouvernement, mercredi lors du point presse hebdomadaire, après le vibrant plaidoyer de Vaimu’a Muliava destiné à alerter sur l’effort fourni par le monde médical et à secouer les Calédoniens en matière de vaccination. Lundi, le Dr Thierry de Greslan, avait déjà formulé un appel général « à mesurer la gravité de la situation » évoquant des patients grave qui consomment « en 24 heures la totalité de l’oxygène qu’on utilise normalement en une semaine », mais aussi « l’activité énorme, le travail phénoménal et le dévouement exemplaire » des soignants.

La réserve : un soutien majeur

C’est dans ce contexte, très dur, deux semaines et demie après le début de la crise, et au terme d’une évaluation des besoins par une mission exploratoire, que le premier contingent de soignants en provenance de Métropole a foulé le sol calédonien, mardi soir, pour au moins trois semaines reconductibles.

Ces 70 soignants, qui se sont portés volontaires au titre de la solidarité nationale, sont médecins, infirmiers, anesthésistes réanimateurs, aides- soignants, cadres de santé, techniciens de laboratoire ou masseurs-kinésithérapeutes. Forcément « très attendus », comme indiqué par Séverine Métillon, la directrice de la Dass à l’aéroport, ils sont déployés principalement au Médipôle, mais aussi à Koné et dans les hospitels de Nouméa.

Leur mission, a expliqué le haut-commissaire, Patrice Faure, est « de concourir à l’instauration un dispositif pérenne de prise en charge des malades et la poursuite des soins et opérations habituels ». Une centaine d’autres, cette fois de la réserve sanitaire nationale, leur succéderont en fin de semaine. Des spécialistes pour l’accompagnement psychologique des soignants sont notamment attendus. La France, qui avait déjà livré 77 tonnes de matériel, a aussi acheminé 20 respirateurs, des systèmes de perfusion ou d’alimentation et annonce l’envoi de 100 000 doses de vaccins en octobre.

Les réservistes, des professionnels souvent jeunes qui viennent de 37 départements différents, ont été accueillis mardi soir, à leur arrivée à La Tontouta par les autorités. Photo: C.M.

Une organisation à saluer

Dans le même temps, l’ensemble des services et établissements de santé du territoire, la Sécurité civile, les médecins de terrain et les provinces sont parvenus à déployer une organisation « précise et originale », selon les mots du Dr de Greslan. Les capacités en lits Covid sont revues à la hausse chaque jour au Médipôle.

La clinique Kuindo-Magnin assure le bloc opératoire des autres patients avec des médecins du public pour couvrir les différentes spécialités, ainsi que les accouchements. Le week-end dernier, 68 patients ont été transférés et une cinquantaine sont attendus chaque jour. Des lits de réanimation pourraient aussi être ouverts. Le centre de soins de suite et de réadaptation (CSSR) est également mis à contribution et 30 patients du CHT pourront y être transférés.

Le tri des patients Covid est délocalisé hors de l’hôpital. Il est effectué dans les cabinets de médecins et les nouvelles unités de proximité Covid montées au pied levé à Rivière-Salée et Païta. Selon le risque de gravité, les patients peuvent être orientés à la maison, sous surveillance médicale à l’hôtel (170 personnes y sont actuellement) ou vers l’hôpital. Ce modèle a aussi été développé dans le Nord et dans les Îles. Un dispositif de fin de vie à domicile est même en train d’être déployé pour les cas les plus sévères qui souhaitent rester chez eux. Tout cela afin que personne ne passe inaperçu et puisse être traité le plus dignement possible.

Le CHT affronte une crise sans précédent.

©Théo Rouby/ AFP 


Des objectifs bientôt présentés

Même si nous n’en sommes pas là, la population sera prochainement informée des grilles et des paliers à partir desquelles les autorités pourront ou non prendre des mesures progressives de déconfinement. Le taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de cas détectés positifs testés pour 100 000 habitants, est supérieur à 1 000 « alors qu’il faudrait être autour de 150 dans un territoire qui se déconfine », a expliqué Patrice Faure, mardi. Les choix dépendent également du taux de reproduction de la maladie, c’est-à-dire du nombre de personnes qu’une personne positive peut contaminer. Selon nos informations, il était de 1 pour 7 avant le confinement et il pourrait être réduit à entre 0,6 et 1,2 avec un confinement strict. Et devra être inférieur à 2 en sortie de confinement au risque de voir l’épidémie de nouveau exploser. Selon un spécialiste, il faudrait augmenter la vaccination à 40 000 doses par semaine (5 700 par jour) pour espérer une décrue forte en novembre et une situation globalement tolérable en fin d’année.


L’aide essentielle de la population

« L’organisation de la crise demande beaucoup de solidarité », à indiqué Thierry De Greslan. Photo: C.M. 

300 médecins libéraux, pharmaciens, dentistes constituent la réserve locale. Regroupés au sein du collectif Covid- NC, ils sont déployés en soutien dans les établissements de santé, sur les centres de tests, de vaccination, dans les unités de proximité Covid et les plateformes téléphoniques. La Direction des affaires sanitaires de la province des Îles a lancé un appel à volontariat du corps médical, samedi. Lundi, le Dr Thierry de Greslan s’est adressé aux infirmières libérales « qui doivent se manifester pour aider à la mise en place du retour à domicile des patients dans les meilleures conditions possible ».

L’élan de solidarité spontané est allé au-delà du secteur médical : pompiers, professeurs de sport, sportifs se manifestent pour aider à l’hôpital ou à la DSCGR. Il y a notamment des besoins pour retourner les patients en réanimation. « Les équipes sont sous tension et certaines tâches prennent moins de temps et demandent moins d’efforts quand on est très forts et surtout plus nombreux », était-il précisé. Seules conditions, ici : être fort et complètement vacciné.

Selon le Dr de Greslan, la solidarité doit aussi se manifester dans les familles, les quartiers : il faut prendre des nouvelles des personnes seules, les enfants ne doivent pas rester sans surveillance quand les parents sont pris en charge à l’hôpital. Enfin, se faire vacciner est aussi une preuve de fraternité qui permet aux plus fragiles d’être soignés.


Accueil de proximité pour les personnes positives

Le centre médico-social de la Cafat à Rivière-Salée a ouvert samedi à côté de son pôle de dépistage, un centre d’accueil et d’orientation des patients positifs pour soulager l’hôpital et les libéraux. Les personnes qui sont testées positives sur place ou qui l’ont été dans un autre centre ou en pharmacie, sont reçues en consultation dans un des huit cabinets de médecins. Elles sont orientées selon leur état de santé et les risques qu’elles présentent à domicile (avec des consignes sur les mesures à tenir), en hôtel sous surveillance ou aux urgences. Si le retour à la maison est possible, les médecins alertent : il faut systématiquement revenir consulter entre J+7 et J+10 en raison de risques de décompensation. Une structure de ce type a aussi été montée à Païta, à l’Arène du Sud, par le biais de la province Sud. Une troisième unité est en cours d’installation.

Photo : C.M.

C.M.