« Si on ne fait pas cette transition, des usines fermeront »

Pour Christopher Gygès, le rapport « propose de vraies perspectives d’avenir pour la filière et nous met aussi devant nos responsabilités, notamment sur la transition énergétique ». / © A.-C.P.

Selon le rapport, la transition énergétique, qu’il estime à près de 500 milliards de francs pour la distribution publique et les trois usines, est nécessaire pour deux raisons. D’une part, baisser les coûts et, de l’autre, réduire les émissions de CO2. Dans le mix énergétique, du photovoltaïque, beaucoup, du gaz et du nucléaire, en réflexion. Le coût de cette mutation devrait être en grande partie pris en charge par l’État, rappelle Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de la transition énergétique.

DNC : Où en est le territoire sur la transition énergétique ?

Christopher Gygès : Pour la partie distribution publique, c’est bouclé, on est à 100 %. Pour le nickel, on a signé un accord-cadre avec la SLN, Prony Resources et Enercal. Le même accord est finalisé avec KNS, qui souhaite arrêter le charbon au profit d’un mix gaz – énergies renouvelables. Concrètement, il est question de 1 300 mégawatts de photovoltaïque. 580 sont déjà installés ou autorisés.

La transition « va nécessiter de fortes interventions de l’État ».

Les futurs projets de centrales photovoltaïques seront dédiés au nickel ?

Oui. Les installations seront désormais autorisées pour ce secteur, ce qui nécessitait une garantie d’achat à long terme de la part des usines. Le changement de paradigme est double. D’un, on inverse le type de production d’énergie fossile à renouvelable, et deux, on n’est plus sur un modèle où chacun a sa centrale. Il est question d’avoir une approche réseau avec des unités photovoltaïques un peu partout. Pour Prony Resources, le plan a été repensé. Il était question de 200 mégawatts. Finalement, ce sera 40 mégawatts en autoconsommation pour les besoins du site prévus fin 2024, début 2025. On a autorisé 160 MW supplémentaires dans le cadre d’une gestion réseau. Enercal doit également convertir sa centrale de Prony du charbon au gaz.

Le stockage coûte cher. Est-ce l’État qui va le financer ?

On va bientôt autoriser un appel à projets qu’on a lancé sur le stockage batterie à Boulouparis, en lien avec les projets approuvés pour Prony. Ce sera le premier. Pour le stockage batterie, on n’aura pas besoin de l’intervention de l’État. Par contre, pour le stockage STEP (station de transfert d’énergie) prévu, un comité de pilotage a été mis en place avec la Banque des territoires, l’AFD, les provinces et le gouvernement. Une STEP représente un investissement de 40 à 50 milliards de francs environ, ce qui va nécessiter de fortes interventions de l’État.

L’installation de nucléaire a été évoquée par Gérald Darmanin lors de sa visite début juin. Est-ce une piste sérieuse ?

Le ministre a évoqué les SMR, de petits réacteurs nucléaires, des unités d’une puissance de 100 ou 200 MW bien adaptées à la Nouvelle-Calédonie. Il pourrait y en avoir un dans le Sud et un dans le Nord. Je m’inscris dans cette solution, sauf qu’elle est à horizon 2030, donc il est nécessaire de poursuivre la transition avec le photovoltaïque, le stockage, et peut-être des moteurs à GNL (gaz naturel liquéfié) ou GPL (gaz de pétrole liquéfié) pour passer à un mix énergies renouvelables – SMR vers 2030. Une réunion se tiendra début septembre sur le nickel à Paris. On a besoin d’une expertise forte de l’État sur la question du nucléaire. Rien n’est acté, mais c’est étudié, envisagé et souhaité.

Les usines ont-elles les moyens d’attendre autant de temps ?

Il devrait y avoir une subvention de compensation de l’État le temps de la transition énergétique, pas sur les investissements, mais sur les charges d’exploitation, afin qu’ils gardent un tarif compétitif. Cela se fait en Métropole.

Les métallurgistes participeront-ils au financement de la transition ?

Prony finance sa centrale de 40 MW. Le tarif qu’on va offrir à la SLN et KNS permettra de financer les différents investissements.

Cela ne serait-il pas normal qu’ils y contribuent ?

On essaie de les faire entrer au capital de la STEP. C’est une des solutions. On a surtout besoin de garanties à long terme pour aller chercher ce type d’investissement et de financement. Après, s’il y a deux STEP, c’est 100 milliards de francs, ça chiffre vite. Mais on n’est pas dans des coûts délirants par rapport à ce qu’il se fait en Europe.

Un tel engagement est-il réaliste ?

Oui, réaliste, réalisable et indispensable. Car si on ne fait pas cette transition, des usines fermeront. Après, la suite dépend aussi des exports et de la réorientation vers de la matte. Si on veut sauver la filière, c’est un ensemble.

Si l’État finance la totalité des STEP, on sera à 8 ou 9 francs le kilowattheure.

Quel sera le coût du kilowattheure une fois la transition achevée ? Il y a quelques mois, vous évoquiez 7 francs, Enercal parle de 15 francs…

Avec du gaz, ce sera entre 14 et 16 francs le kilowattheure. Avec le photovoltaïque, environ 10 ou 11 francs. Le nucléaire devrait permettre d’atteindre 7 ou 8 francs. Enercal n’inclut pas le financement de l’État. Or, s’il finance la totalité des STEP, on sera à 8 ou 9 francs le kilowattheure.

Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat

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