Semaine de quatre jours, une réflexion encore timide

Pas de doute pour Fidel Malalua, 4e vice-président de l’USTKE. Avec la semaine de quatre jours, « on travaillerait mieux ». Nicole Moreau tempère. Si elle peut être « envisageable », elle reste « hypothétique », estime la présidente de la CPME. / © E.B.

La semaine de quatre jours « n’est pas une priorité » disent les partenaires sociaux, focalisés sur le Ruamm. La Direction du travail et de l’emploi n’a jamais été sollicitée sur le sujet. Pour autant, plusieurs notent les bienfaits que pourraient générer cette organisation sur les entreprises et, plus globalement, la société.

Quelque peu surpris, ils ne s’attendaient pas à la question. Non pas qu’ils soient opposés à la semaine de quatre jours. C’est plutôt que le sujet n’a jamais été posé sur la table.

Il ne représente pas une priorité pour les partenaires sociaux, au moment où le Ruamm et les retraites occupent tous les esprits. « On en a discuté au détour de l’actualité, mais ce n’est pas un dossier de fond sur lequel nous travaillons », déclare Jean-Pierre Kabar, secrétaire général de la Cogetra. « Ce n’est pas une demande des salariés, renchérit Christophe Dabin. 39 heures en quatre jours, cela paraît compliqué. »

Le secrétaire général UT CFE-CGC plaide pour le télétravail. « C’est apprécié des travailleurs et cela peut faire baisser les charges des entreprises. » La semaine de quatre jours véhicule pourtant une image plutôt favorable. « Elle peut être envisageable avec des aménagements », poursuit-il.

La meilleure qualité de vie recherchée par les salariés n’a pas échappé à Nicole Moreau, présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Ce dispositif « peut faire partie de l’éventail des solutions pour répondre à ces aspirations », même si cela peut « poser des problèmes d’organisation dans l’industrie notamment ».

La CPME se dit prête à contribuer au débat « le moment venu », même si cela reste « hypothétique », évoquant d’autres problématiques comme la difficulté de recruter dans certains métiers et la sauvegarde des régimes sociaux.

ANNUALISER LE TEMPS DE TRAVAIL

Les employeurs préfèrent parler d’organisation globale du temps de travail, « enjeu de compétitivité et de bien-être dans les entreprises », une réflexion inscrite dans l’agenda social partagé entre le gouvernement et le Conseil du dialogue social.

Le Medef-NC a par exemple proposé de pouvoir « récupérer ses heures pour convenance personnelle », c’est-à-dire autoriser le salarié à s’absenter pendant quatre heures maximum et de les récupérer après. Et aussi d’annualiser le temps de travail, ce qui « permettrait de bénéficier de temps libre en période de basse activité ».

Les syndicats de salariés se montrent vigilants sur les implications de ce fonctionnement. « Si c’est pour changer d’horaires chaque semaine, ce n’est pas imaginable, considère Jean-Pierre Kabar. Il ne faut pas que ce soit déstructuré. » « Il faut fixer des contours clairs pour éviter des plannings aléatoires avec des horaires trop importants, du travail la nuit, le week-end », ajoute Christophe Dabin. Dans cette volonté de donner plus de souplesse, la semaine de quatre jours constitue une piste sans être « privilégiée », indique le Medef-NC.

UN RYTHME NATUREL

Réduire le temps de travail, une idée qui séduit Fidel Malalua, qui prône « la semaine des 35 heures ». Dans la même optique, le 4e vice-président de l’USTKE voit de nombreux avantages à la semaine de quatre jours. « Cela laisserait du temps pour se consacrer au sport, à des activités artistiques, communautaires, associatives, à sa vie de famille, à l’éducation des enfants… Quand on parle de délinquance, c’est peut- être intéressant. »

Des bénéfices avec une répercussion directe sur la productivité. « Je pense que l’on travaillerait mieux. Les salariés seraient plus concentrés. » De toute façon, estime Fidel Malalua, « les gens sont opérationnels pendant une certaine durée », « ils arrivent à reculons le lundi matin et sont déjà en week-end le vendredi après- midi ».

Selon lui, les quatre jours seraient un rythme naturel. « Le sujet est porteur, on est prêt à l’évoquer dans les instances officielles. On voit comment cela se passe sur les sites miniers par exemple, quatre jours de travail et quatre de repos. » Tout en réfléchissant à l’applicabilité par secteur. Maintenant, glisse Fidel Malalua, « il faut aller doucement pour changer les matrices »

Anne-Claire Pophillat

Le point de vue de Thierry Xozame, directeur de la Direction du travail et de l’emploi

La Direction du travail et de l’emploi se montre particulièrement attentive à ce qu’il se passe ailleurs. Et « enthousiaste » au vu des résultats, précise Thierry Xozame, qui y voit de nombreux bienfaits : moins d’absentéisme, une meilleure productivité, une meilleure santé, une meilleure qualité de vie au travail, plus de temps pour sa vie personnelle et, suggère-t-il, « peut-être que cela permettrait de retenir les talents ? ».

Ce genre de réorganisation pourrait donner « plus de liberté aux salariés »
et les motiver. « Cela demande à être regardé de très près. » Le tissu économique en Nouvelle-Calédonie est surtout constitué de petites et moyennes entreprises.

Il faudrait donc lancer une large consultation et mener une étude pour adapter le dispositif. Et, en se projetant sur le long terme, le directeur questionne. « Est-ce que cela ne pourrait pas jouer dans les dossiers prioritaires, comme le Ruamm ? S’il y a moins de malades, moins d’absents, cela coûterait moins cher à la société. »

 

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