Sécurité routière: Jean Todt convaincu que l’on peut changer les mentalités

Le président de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) et envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la sécurité routière est venu se rendre compte par lui- même de la mauvaise situation calédonienne. Selon lui, l’éducation, la sensibilisation et la répression finiront par porter leurs fruits.

52 tués sur les routes calédoniennes en 2018, quatre fois plus qu’en Métropole par rapport au nombre d’habitants, des milliers de blessés, une réalité qui n’évolue pas depuis 20 ans… Le tableau dressé par Cynthia Ligeard à Jean Todt, à Paris, valait bien qu’il s’y intéresse de plus près. La représentante du gouvernement a convaincu ce ponte de l’automobile et des sports automobiles, investi depuis plusieurs années dans la sécurité routière, de venir s’imprégner du contexte calédonien pour comprendre la situation au-delà de nos terribles chiffres. L’envoyé de l’Onu a finalement profité d’un déplacement dans la région pour venir et il s’est entretenu cette semaine avec les élus, des représentants du centre d’éducation routière, des services des routes, des forces de l’ordre… De quoi tirer un certain nombre d’enseignements.

Une stratégie qui existe

Vitesse et alcool sont les principaux facteurs d’accidents. Pour faire face à ces fléaux, Jean Todt plaide pour une répression « beaucoup plus sévère » (il faut, dit-il, rétablir cette fameuse « peur du gendarme »), l’abaissement des limitations de vitesse, les confiscations de véhicules, et il mentionne aussi la contribution de la technologie. Les États membres de l’Union européenne, par exemple, ont fait de la sécurité des véhicules l’un des principaux axes pour réduire les accidents de la route et les dommages qui peuvent en résulter. Kit main libre, détecteur de somnolence, éthylotest antidémarrage, contrôle de stabilité électronique, des pneus, casques intelligents… contribuent chaque jour à sauver des vies. Et pour Jean Todt, les constructeurs automobiles doivent prendre leurs responsabilités. C’est aussi le cas, pense-t-il, des producteurs d’alcool qui doivent mieux informer sur leurs produits et « trouver des solutions innovantes en termes de marketing ». Aux localités enfin de favoriser chez elles des systèmes de transports innovants comme Uber.

Il faut par ailleurs s’assurer que tout le monde puisse avoir le permis. 30 % des conducteurs en Calédonie roulent sans permis et sans assurance. Il y a aussi, relève-t-il, le problème des personnes qui conduisent, mais ne savent pas lire. Ce constat nécessite une réflexion et des solutions.

Pour changer les mentalités, Jean Todt croit dur comme fer à la sensibilisation. C’est sous sa direction que la Fédération internationale de l’automobile a lancé une campagne mondiale de sécurité routière intitulée « 3 500 vies » à laquelle participent 75 pays. Et en cette « décennie d’action pour la sécurité routière » décrétée par l’Onu, sa mission est justement de sensibiliser l’opinion publique. Il faut en particulier, insiste-t-il, aller dans toutes les écoles et parler de sécurité routière aux enfants dès le plus jeune âge. Ce seront les conducteurs de demain. Les médias doivent aussi contribuer à nourrir le changement.

Volonté de tous

À ses côtés Cynthia Ligeard, bien au fait de toutes ces questions, n’attendait pas de son interlocuteur une formule magique, mais peut- être une voix qui porte davantage. Car elle regrette que les Calédoniens, élus et citoyens, ne suivent pas forcément cette dynamique.

« La loi sur le contrôle technique est bloquée depuis deux ans au Congrès parce qu’un groupe de personnes a manifesté son mécontentement et les élus ont pris peur. Et il faut voir le battage que l’on a fait sur le changement des plaques minéralogiques qui vont pourtant nous permettre de mettre des radars, des caméras et d’en finir avec le sentiment d’impunité sur les routes. » La responsable de la sécurité routière n’a pas caché ses difficultés pour réformer le système. « Les mesures impopulaires seront prises en début de mandat », conclut-elle, à regret.

Il serait faux de dire que rien n’est fait en Nouvelle-Calédonie. On parle bien de sécurité routière dans les écoles, les gendarmes consacrent une part croissante de leur activité opérationnelle à la répression des délits routiers (des renforts sont arrivés à cet effet à Koné), la répression en lien avec l’alcool et la vitesse est en hausse, des campagnes de communication – pour certaines « choc » – ont été menées, la réglementation s’est durcie en matière de consommation d’alcool.

Mais il est indispensable d’aller plus loin. L’État souhaite notamment, on le sait, l’application du permis à points, l’abaissement des limitations de vitesse, la responsabilisation des propriétaires de voitures (en préparation au gouvernement), l’ouverture de fourrières pour développer des peines de confiscation de véhicule. Dans la droite lignée du commentaire de Cynthia Ligeard, Jean Todt appelle les élus à « ne pas avoir peur de perdre des voix, mais d’avoir peur de perdre des gens sur la route ». 


La vitesse oui, mais encadrée

L’ancien copilote de rallye français, directeur d’écurie (Peugeot Talbot Sport, Scuderia Ferrari..), et ancien directeur et administrateur de Ferrari, aime forcément la vitesse, mais « dans un environnement contrôlé ». Et dans ce contexte sportif, la sécurité est toujours une priorité. Le nombre de victimes en Formule 1 a ainsi drastiquement été réduit ces dernières années. «La Formule 1 est un laboratoire d’expérimentation pour des solutions qui sont ensuite mises à disposition du grand public », explique-t-il. Cette passion pour le sport automobile a pu être discutée à l’école de karting de Nakutakoin.