La situation est inédite depuis le découpage des deux circonscriptions. Détenteur d’une bonne avance de voix, Emmanuel Tjibaou, pour les Indépendantistes et Nationalistes, pourrait virer en tête au second tour face à Alcide Ponga du Rassemblement.
« Tous les voyants sont au vert pour Emmanuel Tjibaou dans la seconde circonscription », selon Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique. Le fils de la figure politique kanak Jean-Marie Tjibaou a réalisé dimanche 30 juin un score sans précédent pour le mouvement indépendantiste : 44,06 % des suffrages. Avec l’ajout des voix de Luther Voudjo du MNIS et celles de Ronald Frère, un proche du président de l’Union calédonienne, la sensibilité politique réunit près de 34 900 bulletins, soit 46,6 % des électeurs. Considérable. Pour rappel, en 2022, le candidat unique du FLNKS et des nationalistes, Gérard Reignier, avait atteint 32,77 %.
Sur l’autre rive, loyaliste, le cumul des suffrages attribués au Rassemblement Alcide Ponga et au Calédonie ensemble-Horizons Gérard Poadja grimpe à près de 31 000 voix, ou 41,5 %. Au centre, Milakulo Tukumuli, de l’Éveil océanien, décroche pas moins de 8 906 bulletins, soit 11,9 %. La formation au slogan « Non pas maintenant » à l’indépendance signe une très bonne performance pour une première dans cette course. « Cette configuration est proche de celle du Congrès de la Nouvelle-Calédonie », résume Pierre-Christophe Pantz. Une institution où les voix charnières du benjamin des partis font ou défont les majorités. La ventilation du capital de Milakulo Tukumuli, entre les candidats du dernier tour ou l’abstention, pèsera dans la balance.
UN FRONT NON INDÉPENDANTISTE ?
Avec 27 038 voix, le président du Rassemblement n’a sans doute pas fait totalement le plein dans la circonscription. Mais Alcide Ponga devra mettre les bouchées doubles, aller chercher les abstentionnistes et les électeurs de Gérard Poadja ‒ qui laisse ses électeurs « se déterminer librement au second tour » ‒ pour rivaliser avec Emmanuel Tjibaou, dont l’avance de 5 888 suffrages est non négligeable. « On voit mal comment ce retard pourrait être comblé », note le chercheur. D’autant que la commune minière indépendantiste de Houaïlou, avec près de 4 000 électeurs, n’a pas pu voter au premier tour, en raison de blocages et d’exactions.
L’ancien directeur du Centre culturel Tjibaou, qui a visiblement su dépasser les clivages de partis politiques, et notamment ceux persistants entre le Palika et l’Union calédonienne, est à moins de 4 500 voix de la victoire si la participation reste la même au second tour. Emmanuel Tjibaou pourrait en toute logique bénéficier du report des voix du MNIS et de Ronald Frère. Voilà pourquoi « s‘il n’y a pas un front non indépendantiste qui se crée, alors l’indépendantiste va être élu », prédit Pierre-Christophe Pantz. Tout un symbole, car il faut remonter à 1981 pour assister à l’élection d’une personnalité d’une telle sensibilité à l’Assemblée nationale, Rock Pidjot. Depuis le découpage des circonscriptions par Charles Pasqua, aucun indépendantiste n’a intégré les allées du palais Bourbon.
Yann Mainguet