Seconde circonscription : Metzdorf en position de force, Reignier croit à une remobilisation

Marqué par une abstention record (66 %), le premier tour a vu la victoire de Nicolas Metzdorf (Ensemble !), qui a largement dominé Thierry Santa (Rassemblement-LR). Dans cette seconde circonscription, Gérard Reignier (FLNKS) compte créer la surprise grâce à un intense travail de terrain lors des derniers jours de campagne.

♦ L’abstention, toujours plus forte

Sur 122 000 inscrits dans la seconde circonscription, seuls 41 000 se sont exprimés dans les urnes. L’abstention s’établit à 66,3 %, ce qui représente une nouvelle hausse significative, après 62,8 % aux dernières élections législatives et 50 % en 2012. Un taux « énorme » qui pose la question de la « légitimité » et invite à « l’humilité », juge Nicolas Metzdorf.

« Il faut que l’on se pose les vraies questions, estime Thierry Santa. Il y a une vraie désaffection de la chose politique. »

Pour Michèle Homboé (Construire autrement), le scrutin témoigne d’une « totale défiance envers les politiques locales. Cela fait trente ans que l’on fait la même chose et que les conditions de vie des Calédoniens ne changent pas. Ils sont résignés, ils n’espèrent plus rien des politiques. »

♦ Metzdorf devant, Santa éliminé

Avec 13 500 voix (33,7 % des suffrages exprimés), Nicolas Metzdorf (Ensemble !) se trouve en position favorable pour devenir député dimanche soir. Le candidat de la majorité présidentielle s’est largement imposé dans les communes majoritairement loyalistes : La Foa a voté pour son maire (44,5 %), Bourail lui a également accordé sa confiance (45 %). Il a fait le plein dans les trois communes les plus peuplées, celles du Grand Nouméa : 47 % à Dumbéa, 41 % au Mont-Dore, et même 54 % à Dumbéa.

Son principal rival côté loyaliste, Thierry Santa (Rassemblement-LR), est largement distancé. Troisième avec 21,8 % des suffrages exprimés (7 % des inscrits), il ne peut se maintenir au second tour, ce qui aurait nécessité 12,5 % des inscrits. « Mon score est tout à fait honorable, même si je suis déçu. Il prouve qu’une partie des Calédoniens ont entendu le discours que nous portons. Il y a véritablement eu un effet présidentiel », estime Thierry Santa, qui appelle à voter pour Nicolas Metzdorf.

♦ Le bon score de Reignier

« La machine est lourde, mais elle est forte », avait dit Gérard Reignier (FLNKS) avant le premier tour, certain que le petit mois de mobilisation serait suffisant. Pari gagné. En deuxième position avec 32,8 % des suffrages exprimés, il a engrangé 13 175 voix, soit pratiquement 2 000 de plus que Louis Mapou en 2017, alors que la participation a chuté entre-temps.

Muneiko Haocas (MNIS) a certes appelé ses 1 362 électeurs à voter pour lui, mais le réservoir de voix de Gérard Reignier proviendra surtout des abstentionnistes. En 2017, la mobilisation de l’entre-deux-tours avait permis à Louis Mapou de récolter 23 000 voix au second tour. Le FLNKS compte faire mieux et l’emporter.

♦ Un doublé pour la majorité présidentielle ?

Maurice Nénou, Pierre Frogier, Philippe Gomès. Depuis 1988 et le nouveau découpage, les indépendantistes n’ont jamais gagné dans la seconde circonscription. En 2012, comme en 2017, Philippe Gomès (Calédonie ensemble) avait surmonté un léger retard au premier tour grâce au report des voix des autres candidats loyalistes. Nicolas Metzdorf semble être dans une position encore plus favorable, lui qui pourrait bénéficier d’une bonne partie des voix de Thierry Santa et d’Alain Descombels (Rassemblement national, 4 % au premier tour) – qui, mercredi soir, n’avait pas appelé à voter pour Nicolas Metzdorf, conditionnant cette consigne de vote à la « prise en compte » du RN dans les futures négociations sur l’avenir institutionnel.

 


Trois circonscriptions ?

Le docteur en géographie Pierre-Christophe Pantz plaide pour la création de trois circonscriptions en Nouvelle-Calédonie. C’est le cas en Polynésie française depuis dix ans, pour un bassin de population équivalent (chacune compte entre 66 000 et 72 000 électeurs). Il estime que cela permettrait « une équité démographique et politique dans un archipel où il n’y a plus eu de député indépendantiste depuis 1986 ».

Selon l’Insee, Institut national de la statistique et des études économiques, une circonscription législative compte en moyenne 84 094 électeurs pour 120 000 habitants environ. « Avec 97 000 dans la première et 122 000 électeurs dans la seconde, la Nouvelle-Calédonie est sous-représentée. »

 


Le FLNKS passe en mode référendum

Écœuré par la « radicalisation » de certains loyalistes, Gérard Reignier appelle à « faire barrage à la majorité présidentielle ». Le Front se lance dans un vaste porte-à-porte de dernière minute.

La ligne dure adoptée par Nicolas Metzdorf est un « aveu de faiblesse », jugent Gérard Reignier et le FLNKS.

 

« Certains s’amusent à radicaliser le discours. Il faut faire attention aux mots qui sont prononcés », avertit Fidel Malalua. Le FLNKS n’a pas aimé les derniers discours côté loyaliste. Nicolas Metzdorf a fait campagne sur une « ligne dure », mais son nom ne sera pas évoqué. « Quand j’ai entendu certains propos… Des candidats regrettaient les accords. Je suis sur les fesses, lâche Gérard Reignier. On a fait des accords pour ramener la paix, on a ramené la prospérité dans le pays, on a créé des usines… (…) Aujourd’hui, on nie tout. Les accords, la lutte du peuple kanak… J’espère que ça va s’arrêter là. Ils ne vont quand même pas nier l’existence du peuple kanak ! »

À l’inverse, le candidat indépendantiste veut afficher sa « sérénité » face à l’avenir – « c’est l’histoire qui nous guide ». Par le « vivre- ensemble » et la création d’une « nation nouvelle », il veut « donner de l’espoir à tous ». « On a rencontré les milieux économiques. Ils sont plus rassurés par nos discours que ceux d’en face », assure Gérard Reignier, pour qui les loyalistes ne font que « promettre monts et merveilles sur de l’argent qu’on va aller chercher en France, en Europe ». « On sait qu’il y a de l’argent dans le pays, on sait qu’on doit le faire fructifier, on sait qu’on va le trouver. Les députés seront là pour asseoir cette politique de transformation de notre société. »

Pour gagner dimanche, le FLKNS mise sur un « vote utile », un « barrage à la majorité présidentielle ». Et remet en place une sorte de stratégie référendaire « express », pour aller chercher les abstentionnistes. Dans les mairies, les listes d’émargement sont « épluchées ». « Nos équipes sont en train d’identifier les électeurs, les familles qui votent habituellement et qui n’ont pas voté. Les structures font un travail de fourmi », explique Dominique Fochi, directeur de campagne du Front dans la seconde circonscription. « Le travail de réunion ne suffit plus, il faut du porte-à-porte. Aller à la rencontre des gens, maison par maison, comme on a fait pour les référendums. »

 


Nicolas Metzdorf : « Les Calédoniens souhaitent l’union »

Outre le faible taux de participation, Nicolas Metzdorf retient de ce premier tour l’envie « d’union loyaliste » des électeurs, qu’il souhaite « agrandir » avant dimanche.

 

Le taux d’abstention « énorme » appelle « à l’humilité », déclare Nicolas Metzdorf. « On ne peut pas crier victoire parce que, quand aussi peu de Calédoniens se mobilisent, se pose la question de la légitimité de celui qui est placé en tête. »

 

« Cela faisait plusieurs élections qu’un loyaliste n’était pas arrivé en tête dans la deuxième circonscription. Je suis très heureux d’avoir réussi ce tour de force », témoigne Nicolas Metzdorf, grâce à l’union des loyalistes, « qui a payé », et malgré la candidature de Thierry Santa. « C’est la démonstration que les Calédoniens souhaitent l’union. »

La question, à l’approche du second tour du scrutin, c’est comment « l’agrandir » et « mobiliser notre électorat » afin d’ « avoir un député loyaliste ». Dans le cas contraire, cela signifiera que « notre électorat l’aura permis, parce qu’il ne se sera pas mobilisé ».

Nicolas Metzdorf termine la campagne sur la même position qu’il l’a commencée. « Les loyalistes ont choisi une ligne claire et ferme face aux indépendantistes. Maintenant, il faut que l’ensemble de la famille confirme ce choix. » Tout en entendant ceux qui ont voté pour les autres candidats, afin que toutes « ces nuances puisse s’exprimer. Et celle de Thierry Santa est la bienvenue ». Le maire de La Foa peut d’ailleurs compter sur le soutien de l’ancien président du gouvernement.

Et après ?

Car ce sont bien les discussions sur l’avenir institutionnel qui monopolisent les esprits. L’union doit durer, et les loyalistes se retrouver autour des valeurs qu’ils partagent. « Thierry Santa est pour le dégel du corps électoral, nous aussi, il est pour l’arrêt des référendums sur l’indépendance, nous aussi, pour le respect de la propriété privée, nous aussi, l’égalité entre toutes les communautés, nous aussi, etc. » Il n’est pas question de « penser déjà à ce qu’on va céder aux indépendantistes », maintient Nicolas Metzdorf. Construire la Nouvelle-Calédonie « tous ensemble », oui, « mais on fait de la politique pour que la majorité de Calédoniens soutiennent la vision qu’on a ». C’est-à-dire l’opposition à l’indépendance.

Un débat qui lasse l’électorat ? « La bipolarité reste tant que la revendication reste. Je comprends que les gens soient un peu fatigués de cela, mais cette question, ce n’est pas rien. Si on ne veut plus de clivage, il faut demander aux indépendantistes de respecter les trois référendums. »

 

Gilles Caprais et Anne-Claire Pophillat (© G.C. et A.-C.P.)