[DOSSIER] Scénographe et ostréicultrice

« Il y a beaucoup d’entraide entre nous », artistes, souligne Lucile Bodin. (© Y.M.)

Lucile Bodin, scénographe et plasticienne, a vu s’envoler des créations et son matériel après le 13 mai. L’artiste travaille aujourd’hui dans les parcs à huîtres, tout en réfléchissant à de nouveaux projets.

La mer est là, souvent à côté, toujours autour. Fille de gardien de phare, Lucile Bodin a grandi sur l’île d’Oléron au large de la côte ouest française, un havre réputé pour ses huîtres. Comme un lien naturel à l’océan et à ses saveurs iodées, la scénographe et plasticienne travaille aujourd’hui dans les parcs de Nakutakoin, à Dumbéa, dès l’aube.

Même si le métier est physique, « c’est agréable. On vit aux rythmes des huîtres et des marées. Ça m’a apaisée d’être là », note la jeune femme, titulaire du diplôme national supérieur d’expression plastique de Monaco, qui voyait au départ en 2024 « une grande année, avec beaucoup de projets. J’étais dans les starting-blocks » avec des compagnies de théâtre et de danse. La scénographie d’expositions photo ou encore des interventions dans le cinéma figuraient aussi au programme.

L’équation était impeccable, il y avait une création tous les deux mois, « ce qui m’aurait permis d’en vivre complètement ». Un grand bol d’expériences attendait l’artiste indépendante qui a œuvré notamment par le passé avec les compagnies Moebius et Les Arpenteurs du Caillou.

« UN GRAND HASARD »

Tout est tombé, ou presque, sous le coup des émeutes. Lucile Bodin a même subi une double peine. Au-delà de la disparition ou du report de projets, son matériel est parti en fumée. « J’avais beaucoup de créations » au Studio 56 de Dumbéa, où étaient entreposés des décors, ses outils et accessoires… Une partie du centre culturel a brûlé le 15 mai. « Il ne reste plus rien. » Et bien peu de revenus.

Le pas dans le monde des huîtres est arrivé « par un grand hasard » et du bouche-à-oreille. Le patron de la société ostréicole recherchait quelqu’un pour tenir le marché le samedi matin. Lucile Bodin a commencé à la mi-juillet et, de fil en aiguille, travaille désormais à plein temps, à la manipulation des poches en mer, aux commandes, livraisons et commerce jusqu’en novembre, « après on verra comment ça évolue ».

En parallèle, l’artiste continue à créer pour le spectacle jeunesse Le gros monstre qui aimait trop lire, mais aussi à réfléchir sur un projet de pièce de théâtre avec Pacifique et Compagnie. Le 13 mai a tourné une page. « Je ne pense plus de la même manière. Il faut s’adapter au nouveau modèle : être autonome », plaide la scénographe évoquant par exemple des décors modulables. « Il faut garder l’énergie. »

Yann Mainguet