Rugby : Toko, « soulagé » de finir en beauté

Pour le quotidien La Montagne, Albert Valentin, l’homme de Yahoué, est carrément devenu « un emblème aurillacois ».

Albert Valentin, parti du Mont-Dore en 2006, a pris sa retraite le 5 mai au terme d’une carrière intégralement réalisée à Aurillac (Auvergne), où il est devenu « un emblème ». Le corps a dit stop, et l’heure est venue de se consacrer à sa famille.

L’entrée sur le terrain en premier, main dans la main avec ses enfants, sous les applaudissements. Les banderoles « Merci Toko » – le diminutif de son prénom wallisien, Tokoni. Et une deuxième standing ovation à sa sortie du terrain.

Le public du Stade aurillacois donne autant qu’il a reçu : Albert Valentin a joué 17 ans pour le club du Cantal (Auvergne), une fidélité rarissime dans le rugby professionnel. « Toko a gagné sa place sur le mur des légendaires », salue son entraîneur, Romeo Gontineac, qui a aussi été son coéquipier à la fin des années 2000, après le repérage du jeune ailier de l’équipe de Nouvelle-Calédonie lors d’un tournoi à Brive. « Il était très jeune, très timide. Il pensait qu’il n’arriverait jamais à se faire sa place… »

« J’AI ESSAYÉ D’APPRENDRE DES CANTALOUS »

Du Mont-Dore au massif du Cantal, le choc est plus thermique que culturel. « Le premier hiver, je me suis dit : mais qu’est-ce que je fais ici…, se souvient Albert Valentin. Et puis j’ai découvert un club familial, qui cherche à garder ses joueurs. Ils ont toujours fait de moi une priorité. Ils m’ont tout donné. » Au-delà du stade Jean-Alric, la région lui plaît. « J’ai essayé d’apprendre des Cantalous, qui sont de belles personnes. » L’une d’entre elles deviendra sa compagne.

« Ma tête voulait signer pour un an de plus. Mais mon corps me disait que c’était mes derniers matchs. »

Intégré, Toko s’impose sur son aile – sa vitesse et ses crochets redoutables ont offert 45 essais aux rouge et bleu – mais aussi dans le vestiaire. « Je me suis beaucoup appuyé sur ses qualités de leader, ces dernières années, précise Romeo Gontineac. Il a toujours su se remettre en question, gagner sa place. Il est resté coachable, même au sommet de son potentiel », récompensé par un Oscar du meilleur joueur de Pro D2 en février 2016, par quelques sélections en équipe de France de rugby à 7, par un fameux débordement sur le phénomène fidjien Napolioni Nalaga pour un essai contre Lyon.

« FRANCHEMENT, JE REVIS »

Il ressassera cette finale d’accession en Top 14 perdue 21-16 contre Bayonne en 2016, qui l’a privé d’une expérience en première division. Mais sa carrière est déjà bien remplie et il n’est plus l’heure de chercher un dernier exploit. « Ma tête voulait signer pour un an de plus. Mais mon corps me disait que c’était mes derniers matchs. »

Les 35 ans approchent, place aux jeunes. « Ils mettent deux jours à récupérer d’un match. Moi, je mets deux semaines. » Dès sa sortie du terrain, le 6 mai, lors de la victoire contre Biarritz, Toko a immédiatement ressenti « un soulagement », un besoin de « couper complètement » avec son sport pendant quelque temps. « Franchement, je revis. Le rugby a été prioritaire par rapport à ma compagne, à ma famille. Mes enfants, je ne les ai pas vus grandir. On n’a pas souvent eu l’occasion de partir en vacances. Je vais me rattraper, je vais me consacrer à eux. »

Sa reconversion professionnelle est déjà entamée. Albert Valentin a validé dernièrement la première année de son CAP plomberie : il devrait travailler en alternance dès le mois de septembre. Quant aux loisirs… Le rugby pourrait en faire partie, à niveau amateur. « Plusieurs clubs m’ont contacté. J’aurai peut-être envie de refaire une saison ou deux… »

 

Un hommage à 1,2 million

La scène a fait le tour du web. Le 5 mai, lors d’Aurillac-Biarritz, un homme plus costaud que les joueurs fait irruption sur la pelouse dans un appareil relativement simple, short et manou. Il traverse le terrain, s’agenouille devant Albert Valentin et mime un cirage de crampons, un geste d’hommage souvent vu au football. Hilares, les Aurillacois ont reconnu leur ancien pilier Bernard Tokotuu, 140 kilos sur la balance, cousin de la star du jour, qui décampe tandis que deux stadiers interviennent. Le plus vindicatif des deux tente par deux fois de le maîtriser. Hélas, un raffut lui colle le nez dans le gazon, puis un second. La Ligue nationale de rugby, moins amusée que le public par ce « désordre » en direct à la télé, a infligé une amende de 10 000 euros (1,2 million de francs) au Stade aurillacois.

 

Gilles Caprais (© archives M.C. Vigouroux/Stade aurillacois)