Ruamm : un compromis est-il possible ?

Milakulo Tukumuli indique que le taux de 13,5 % peut être abaissé, mais prévient que les marges de manœuvre sont « étroites ». Pour le collectif Agissons Solidaires, Mimsy Daly (Medef) estime qu’il est trop tôt pour avancer un chiffre et veut d’abord un travail sur les dépenses du Ruamm.

L’accord signé le 10 mars a interrompu la mobilisation contre la réforme. Il augure de la création d’une commission spéciale du Congrès, qui devra apporter d’ici fin 2023 des solutions pour financer le régime d’assurance maladie maternité. Mais sur le fond, au vu de la profondeur abyssale des divisions, comment les farouches adversaires d’aujourd’hui tomberaient-ils d’accord demain ?

Le président de l’Éveil océanien préfère commencer par la concession qu’il ne fera pas. « L’alignement des droits des travailleurs indépendants sur ceux des salariés, c’est une avancée sociale incroyable. On n’y touchera pas. » Sur la question centrale, celle du taux de cotisation unique pour les emplois du privé, « le taux peut évoluer, répète-t-il, mais les marges de manœuvre sont réduites ».

Il estime qu’un abaissement à 12 % annihilerait les bénéfices pour le Ruamm, quand celui de 13,5 % rapporterait 5,5 milliards de francs. La baisse promet d’être minime. « Et tout dépendra de ce que l’on mettra comme fiscalité pour compenser cet abaissement » : ce qui ne sera pas prélevé par les cotisations le sera par les impôts ou les taxes.

« IL FAUT PANACHER LES RECETTES »

Avant l’accord du 10 mars, le collectif Agissons Solidaires réclamait le retrait pur et simple de la réforme. À l’aube de négociations qui s’annoncent âpres, quel taux paraît acceptable ? Mimsy Daly, présidente du Medef, estime qu’il n’est pas possible, pour l’heure, de donner un chiffre. « Le projet de l’Éveil océanien n’intègre pas de volet de réduction des dépenses du Ruamm. Il faut d’abord trouver le moyen de réduire le rendement nécessaire, pour ensuite estimer un taux soutenable. »

 

 

Dans le cadre de NC Eco, organisations patronales et chambres consulaires ont planché sur des hypothèses allant de 0 à 9 %, le reste du financement du Ruamm reposant sur les impôts et les taxes. Ce schéma reste privilégié. « Il faut panacher les recettes. Ça peut être la TGC, ça peut être la CCS, il faudra étudier cela. » Ces taxes s’appliquent sans distinction de revenus : sur une baguette de pain, un chômeur paie autant de TGC qu’un médecin. « On aura besoin d’une étude d’impact globale. Cela ne doit pas se faire au détriment de la consommation », insiste Mimsy Daly, qui mise sur de faibles cotisations sociales pour « augmenter le pouvoir d’achat ».

« QUI SONT LES PETITS »

Milakulo Tukumuli ne renoncera pas non plus à la « modernisation » des deux dispositifs d’exonération de cotisations sociales que sont la réduction sur les bas salaires (RBS) et les secteurs aidés (hôtellerie, gens de maison, hôtellerie hors Grand Nouméa et agriculture), où il voit des anomalies. « On est parfaitement d’accord pour y travailler, indique Mimsy Daly, mais on est opposé au principe de supprimer puis négocier », envisagé en premier lieu par l’Éveil océanien, qui se dit prêt à changer de méthode.

« On veut protéger les petits patentés, et on peut le faire directement dans le texte de loi », assure Milakulo Tukumuli, via une réaffectation des 4 milliards de francs versés par la Nouvelle-Calédonie pour compenser les taux de cotisation des patentés, inférieurs à ceux des salariés. « On peut compenser davantage pour les plus petits », et moins pour les autres. « Mais la vraie question, c’est de savoir qui sont les petits. »

 

Les piques ont fusé
Pour Calédonie ensemble, la réforme, « inepte, dangereuse et injuste », ne vaut toujours pas mieux que la poubelle.
Le 12 mars, l’Éveil océanien a dénoncé une « désinformation » et la « manipulation » des petits patentés. Les plus fervents opposants sont « ceux qui n’ont jamais connu les difficultés qu’ils décrivent. (…) C’est au moins un bon tuto de maquillage, les riches qui se déguisent en pauvres… », dit le texte signé par Veylma Falaeo.
« Ce n’étaient pas des privilégiés ou des personnes manipulées qui étaient dans la rue », répondent les Loyalistes et l’Avenir en confiance, « il s’agissait de petits patentés, de salariés, d’agriculteurs, de rouleurs représentant le tissu économique calédonien, tous inquiets pour leur avenir ».

 

Gilles Caprais

 

Photo : La première mobilisation, le 28 février, devant le Congrès, où les indépendantistes et l’Éveil océanien semblent former une majorité soudée sur la question de la réforme. / © G.C.