Ruamm : « On n’a pas à payer pour les autres »

La manifestation contre la réforme du Ruamm a réuni une grande diversité de travailleurs indépendants, réunis par la conviction d’être « les vaches à lait du système », un sentiment qui n’est pas étayé par les chiffres.

Chez Clo Coiffure, au Quartier Latin, les restrictions sanitaires ont fait mal. « J’avais deux employés jusqu’à l’année dernière. Maintenant je suis toute seule. Je ne veux plus d’employé parce qu’il faut que je sauve mon entreprise. J’essaie de recréer une trésorerie », explique Clodil Saliga. L’inflation l’inquiète, et la réforme du Ruamm l’hérisse. « On en a ras le bol de payer ! Enfin, on n’est pas contre le fait de payer, mais pas à des taux exorbitants. On n’a pas à payer pour les autres, ni pour renflouer les caisses. »

Parmi les manifestants, ce sentiment d’injustice vis-à-vis du Ruamm est commun. « On paye extrêmement cher sans bénéficier d’une retraite, simplement pour être couvert. On ne veut plus être les vaches à lait du système ! », lance Roland Bernanos. Sa société de construction, Auscal, souffre du ralentissement de l’activité et de la réforme du secteur, réalisée en 2021. « Ça a été le jackpot pour les assurances ! On nous réclame des sommes astronomiques. » Comment rééquilibrer l’assurance maladie ? « Je suis pour un système tout à fait différent. Il faut que les grosses sociétés paient ce qu’il y a à payer. Elles sont moins impactées. Il faut arrêter de taper sur les petits et les moyens. »


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« C’EST COMPLÈTEMENT INÉQUITABLE »

Pour défendre sa réforme, Milakulo Tukumuli, président de l’Éveil océanien, a brandi le principe de solidarité, qui prévaut en France pour les retraites comme pour l’assurance maladie : les actifs qui en ont les moyens paient pour les personnes âgées, les chômeurs, les personnes en situation de handicap… Ils paient pour d’autres, ce que refusent bon nombre de patentés, qui auraient une philosophie plus « américaine » à son sens.

Pour Rozenn Mottais, gérante de la société de services Go To Be, la « liberté » du travailleur indépendant consiste aussi à pouvoir opter pour une couverture maladie et des cotisations minimales. « On ne leur a rien demandé ! Je me débrouille avec l’intégration partielle (de 5 à 7,5 % de cotisation, NDLR) et une mutuelle, ça me convient très bien. On veut nous imposer des cotisations colossales à 13,5 %, ce n’est pas possible. » « Les indépendants ne coûtent pas cher », soutient Lin Ollier, représentant du Syndicat des médecins libéraux.

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La réforme serait « une charge supplémentaire qui ne correspond pas du tout à ce qu’ils représentent en frais de santé. C’est complètement inéquitable. » Chez les médecins, les conséquences seront « importantes ». « Ça va encore aggraver notre déficit de pouvoir d’achat », déplore le généraliste installé au Mont-Dore, estimant que ses confrères de Métropole sont 30 % mieux lotis. « Cette réforme, c’est une catastrophe, pour l’attractivité du territoire, il n’y a rien de pire. Ça ne fera qu’aggraver le déficit de médecins, on est complètement abasourdis par cette mesure. »

Gilles Caprais

Photo : La manifestation du mardi 28 février était organisée conjointement par les trois organisations patronales (Medef, CPME, U2P) et les trois chambres consulaires. À Nouméa, 5 000 personnes ont été comptées par les forces de l’ordre. Parti du Mémorial Américain, à Nouméa, le cortège s’est arrêté au Congrès, devant la Cafat et une délégation a été reçue par le gouvernement. / © G.C.

LES PATENTÉS, EN RÉALITÉ FAVORISÉS ?

Les cotisations des indépendants vont de 5 à 9,5 % selon les revenus et la couverture maladie choisie. Des taux préférentiels, même à couverture sociale égale, consentis lors des négociations autour de la création du Ruamm, en 2002.

Pour un salarié du privé, la cotisation est de 15,5 %. Cette différence de taux représente un coût pour la Cafat, d’environ 4 milliards par an, financé par la Nouvelle-Calédonie (TGC, impôt sur le revenu, etc.).

Contrairement à une autre idée reçue, les patentés consomment davantage de soins que les autres travailleurs, avait indiqué la Cafat dans les Nouvelles calédoniennes du 18 février.