Ruamm : le consensus n’a pas fait long feu

Les élus Rassemblement et Loyalistes critiquent une réforme « irresponsable », « qui n’est pas maîtrisée financièrement » et « qu’on ne peut pas se permettre » maintenant. / © A.-C.P.

Deux semaines après l’adoption à l’unanimité du projet de loi réformant le Ruamm, le Rassemblement-LR et Les Loyalistes ont annoncé, jeudi 2 novembre, avoir déposé une demande de seconde lecture du texte. En cause, deux amendements sources de « dépenses colossales » qui mettraient en péril le régime.

Que s’est-il passé depuis l’adoption du texte au Congrès il y a deux semaines, jeudi 19 octobre, pour faire voler en éclats cette belle unanimité ? Virginie Ruffenach le reconnaît. La demande de seconde lecture du projet de loi réformant le Ruamm s’est faite « de manière inattendue », indique l’élue le Rassemblement-LR, lors d’une conférence de presse aux côtés des Loyalistes, jeudi 2 novembre, pour annoncer et expliquer cette décision.

Les élus ont pris conscience de « la gravité » de la situation dès le lendemain, en étudiant la délibération d’application et les amendements déposés. « Nous étions tellement concentrés sur ceux concernant la loi du pays, que nous ne nous étions pas aperçus que la délibération prévoit un alignement total des droits des travailleurs indépendants sur les salariés du privé et du public », explique Virginie Ruffenach. Le problème, c’est que cet alignement « crée des dépenses colossales ».

Deux dispositions sont ciblées en particulier. La première concerne l’arrêt maladie. Aujourd’hui, sur 26 000 patentés, 10 000 sont pris en charge à partir du 11e jour d’arrêt. Les 16 000 autres, ayant souscrit à la prestation en espèces, sont indemnisés à partir du 2e jour, comme les salariés du privé et obligatoire cette couverture à l’ensemble des patentés. La deuxième concerne les droits perçus en cas d’invalidité. Le plafond passe- rait de 150 à 250 000 francs à 495 000 francs, affirme Virginie Ruffenach.

BATAILLE DE CHIFFRES

D’après la Cafat, ces ajustements devraient coûter 500 millions de francs environ. Un montant jugé irréaliste pour le Rassemblement et les Loyalistes, qui reprochent à l’organisme de manquer de précision. Selon leurs calculs, ces deux mesures engendre- raient plutôt entre « 3 et 5 milliards de francs supplémentaires ». Le but de la deuxième lecture est ainsi d’obtenir « tous les chiffres nécessaires avant de voter, afin de voir si cette loi n’est pas de nature à mettre le Ruamm en faillite ». Si leurs estimations se confirment, annoncent-ils, ils ne la voteront pas.

Plus globalement, Gil Brial (Les Loyalistes) condamne le fait qu’il n’y ait aucune avancée sur les points qu’ils ont conditionnés à leur vote, notamment une évaluation des économies prévues et des dépenses nouvelles, des discussions autour du taux unique ‒ auquel ils sont opposés ‒, et sur la place de la fiscalité, à travers la TGC, pour réduire le déficit. Si une des réunions prévues s’est tenue, la deuxième a été reportée. Gil Brial assure vouloir trouver une solution de pérennisation du Ruamm d’ici la fin de l’année, mais pas à n’importe quel prix. « Nos positions étaient claires depuis le début, nous avions fait ces alertes au moment du vote, qui n’était pas un chèque en blanc. »

Calédonie ensemble comprend la démarche. Philippe Michel « ne voit pas d’autre moyen qu’une deuxième lecture », fatigué de « travailler en aveugle sur ces sujets. La Dass [Direction des affaires sanitaires et sociales] ne confirme rien, la Cafat est évasive, il manque du sérieux et de l’expertise ».

Cette demande échappe à Milakulo Tukumuli, porteur du projet. « Je ne comprends pas comment on peut voter un texte à l’unanimité et demander une deuxième lecture. » L’élu de l’Éveil océanien interroge l’opération mathématique du Rassemblement et des Loyalistes. « Sur quoi se base-t-elle ? » Précisant que la Cafat doit apporter des chiffres consolidés la semaine prochaine [cette semaine NDLR]. « Je crois qu’ils n’ont pas saisi l’esprit de la réforme », alors à quoi bon une deuxième lecture, interroge Milakulo Tukumuli, qui y voit davantage une manœuvre politicienne. « C’est pareil pour les taxes minières, ils entravent l’adoption des textes. Pour eux, c’est une façon de bloquer le gouvernement, de l’empêcher de faire son budget. »

Anne-Claire Pophillat