[RETRO 2024] Deux années en une seule

Du 14 mai au 2 décembre, les Calédoniens ont vécu sous couvre-feu. L’explosion de violence du 13 mai a remis en cause l’idée même du « destin commun ». Ces exactions ont de multiples racines, dont le passage du texte de loi sur le dégel du corps électoral provincial, les inégalités sociales ou encore un processus de décolonisation grippé. (© Y.M)

L’année 2024 compte double. Avant et après le 13 mai, la Nouvelle-Calédonie n’est plus vraiment la même. Les enjeux ont changé ou se sont intensifiés. L’année a pourtant commencé par de nombreux défis. Avec, au premier rang, le nickel. Le pacte proposé par le ministre Bruno Le Maire est censé offrir un nouveau souffle aux trois usines métallurgiques en grande difficulté, tandis que Glencore a annoncé son retrait de KNS.

Mais les contreparties demandées ne passent pas. Malgré l’ultimatum posé par Bruno Le Maire, les groupes au Congrès ‒ Calédonie ensemble, UNI, UC-FLNKS et Éveil océanien ‒ déposent le 3 avril une motion préjudicielle. Le début de la fin pour ce plan ambitieux. Le gouvernement doit aussi faire face à des finances publiques en berne et de vieux dossiers nécessitent des mesures tant les voyants passent au rouge : Ruamm, Caisse locale de retraites, Enercal… En parallèle, l’avenir institutionnel reste toujours à construire. Sauf qu’une initiative vient bousculer les discussions. Fin janvier, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin présente un projet de loi constitutionnelle pour modifier le corps électoral provincial.

DE NOUVEAUX ACTEURS

Cette décision va rythmer les mois suivants. Et un nouvel acteur prend une place grandissante : la CCAT. La cellule de coordination des actions de terrain met en ordre de marche le mouvement indépendantiste en organisant des manifestations, pacifiques, contre le projet de dégel. Les partisans de l’ouverture de l’électorat ripostent, dans la rue mais aussi dans les institutions, allant jusqu’à contester leur légitimité. Et pendant ce temps, le projet de loi poursuit inexorablement son chemin parlementaire.

Jusqu’au 13 mai.

« Insurrection », « émeutes », « révolte », « crise », « événements »… Chaque sensibilité nomme différemment le déferlement de violences qui s’est abattu sur Nouméa et au-delà. Le bilan est éloquent. 14 morts et des centaines de blessés. Plus de 2 100 entreprises détruites ou affectées. Plus de 262 milliards de francs de dégâts, selon le haut-commissariat. Le PIB en chute de 15 %. 9 000 salariés privés d’emploi et 16 700 personnes au chômage partiel, selon l’Isee en octobre. La CCAT est accusée d’avoir fomenté les émeutes. Et dans ce marasme, l’usine du Nord éteint ses fours fin août, espérant un nouveau repreneur, tout comme Prony Resources.

Les urgences d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. La Nouvelle- Calédonie doit déconstruire puis rebâtir et lutter contre une précarité grandissante avec des finances publiques en chute libre. Le gouvernement Mapou propose un plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction, le PS2R. Le Congrès vote, quant à lui, un plan quinquennal. Les deux projets se veulent complémentaires, mais les frictions montent entre les deux institutions.

Politiquement aussi, le 13 mai a créé une fracture. Le Congrès a changé de présidence ainsi que l’Union calédonienne et le FLNKS. La secousse a porté jusqu’au Front de libération nationale kanak avec le retrait du Palika et de l’UPM, deux partenaires historiques. Le retour au dialogue pour décider l’avenir institutionnel devient d’autant plus nécessaire. Mais il est fragile.

Car à l’instabilité calédonienne s’est ajouté le désordre politique national avec la dissolution de l’Assemblée nationale et la censure du gouvernement Barnier. Autant d’obstacles pour l’obtention d’aides, vitales pour la Nouvelle-Calédonie. La deuxième moitié de 2024 marque d’ores et déjà de son sceau l’année à venir. F.D.