[RETRO 2022] Une transition politique difficile

French Interior Minister and Overseas Gerald Darmanin (C) greets members of the New Caledonia congress in Noumea on the French Pacific territory of New Caledonia (Nouvelle Caledonie) on December 2, 2022. (Photo by Nicolas Petit / AFP)

On ne pouvait faire pire que 2021 et le boycott du troisième référendum par les indépendantistes. En 2022, ces derniers ont imposé leur silence durant plusieurs mois, puis leurs conditions au dialogue, qui a pu reprendre en novembre. 2022 a aussi été marquée par des chamboulements chez les non-indépendantistes au gré des élections.

En organisant le scrutin alors que les indépendantistes avaient demandé son report, l’État a fait preuve de détermination, mais s’est mis à dos toute cette frange, qui y a vu une preuve éclatante d’une partialité grandissante au sortir de l’Accord de Nouméa. Une impasse dont il fallait sortir.

Il aura fallu toute l’année 2022 pour voir un certain apaisement. Même si les relations heureusement ont tenu en l’État et les institutions.

Présidentielle

Mais début 2022, on pense surtout à la présidentielle. Les premiers soutiens à Emmanuel Macron sont issus des rangs des Républicains calédoniens, de Générations NC. Le Rassemblement est derrière Valérie Pecresse, Brieuc Frogier Éric Zemmour, avant un retrait que l’on comprend mieux désormais.

Le président de la République demande aux Calédoniens de lui faire confiance. Les grandes figures indépendantistes ne sont pas impliquées.

Au mois d’avril, Daniel Goa, reconduit à la tête de l’Union calédonienne, compare la France à l’Allemagne nazie, à la Russie “Poutinienne”.

Le 10, Emmanuel Macron sort vainqueur du premier tour, face à Marine Le Pen. Les Républicains s’effondrent ici aussi, même dans les fiefs du Rassemblement qui ne donne pas de consigne de vote. Les indépendantistes restent toujours en dehors.

Thierry Santa et Virginie Ruffenach lancent leur campagne pour les législatives. L’Avenir en confiance explose au Congrès, Sonia Backes crée le groupe « Les Loyalistes » (macroniste) avec Générations NC.

Un meeting pour le second tour est organisé au Nouvata en soutien au président sortant. On y trouve Calédonie ensemble.

Emmanuel Macron est réélu le 24 avril. Il subit une gifle en outre-mer sauf dans le Pacifique, 61 % des suffrages localement dans un contexte d’abstention (65,2).

© Clotilde Richalet / Hans Lucas via AFP)

Législatives

Ses soutiens cherchent une candidature commune aux législatives. Le président « place » Nicolas Metzdorf. « Une dérive anti-démocratique de plus », entend-on.

À son 40e Congrès, le FLNKS signe son retour politique avec une candidature unitaire : Wali Wahetra (Palika) et Gérard Reignier (UC).

En mai, un accord est trouvé entre les Républicains calédoniens et Calédonie ensemble. Ils promettent un grand parti et des groupes communs dans les institutions. Ils ne verront jamais le jour. Mais Philippe Dunoyer est investi.

Dans le nouveau gouvernement central, Yaël Braun-Pivet est nommée à l’Outre-mer.

Au mois de juin, Nicolas Metzdorf l’emporte dans la deuxième circonscription face à Thierry Santa, Philippe Dunoyer dans la première face à Wali Wahetra.

La coalition présidentielle se prend une nouvelle raclée en outre-mer, mais pas en Nouvelle-Calédonie. Elle perd sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, où le 49-3 est devenu usuel. Yaël Braun-Pivet quitte l’Outre-mer pour présider l’Assemblée.

Le portefeuille rejoint l’Intérieur confié à Gérald Darmanin. Une association qui interroge. Sonia Backes est nommée secrétaire d’État en charge de la citoyenneté dans ce même ministère, ce qui fait naturellement débat. Elle emporte avec elle Brieuc Frogier, mais l’ancien porte-parole de Zemmour ne fait pas long feu en tant que conseiller.

©Stephane Mouchmouche / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Cafouillage

Gérald Darmanin annule un déplacement prévu le 26 juillet alors que les parties étaient prêtes à discuter. Dans un tweet, il convoque un comité des signataires en septembre à Paris. Les indépendantistes dénoncent un nouveau « coup de force », ils n’iront pas.

Les sénateurs de la mission d’information sur l’avenir institutionnel appellent le gouvernement à revoir sa méthode. Ils doutent aussi d’un référendum de projet en 2023. Au même moment, un groupe de contact est annoncé à l’Assemblée nationale.

Du 12 au 15 septembre, Jean-François Carenco, ministre délégué, vient « renouer les fils du dialogue ». Il glisse qu’il n’y aura pas de référendum de projet en 2023. Polémiques et premiers désaccords publics entre Les Loyalistes qui affirment que cette option ne peut être remise en cause, et Calédonie ensemble qui lance : « tout le monde sait » que le calendrier ne pourra être tenu. Satisfaction néanmoins, tous les partenaires acceptent le principe de bilatérales en octobre en Métropole.

Les 27 et 28 octobre cependant, les indépendantistes ne viennent pas pour diverses raisons. Les non-indépendantistes (même le Rassemblement) rédigent une déclaration commune. Calédonie ensemble ne s’y associe pas.

L’État lance les discussions avec des chaises vides dans une Convention des partenaires. Il annonce notamment l’installation de groupes de travail sur huit thématiques. Le 10 novembre, Gérald Darmanin exclut le référendum de projet en 2023.

Il se rend sur le territoire fin novembre. Les indépendantistes se réinscrivent dans le dialogue. Le principe de bilatérales après le Congrès du FLNKS en janvier est acté. Le premier groupe sur le foncier est investi. Celui sur les questions institutionnelles attendra, le nickel sera traité à Paris. Les maires ont bien indiqué qu’ils ne pouvaient plus être les oubliés de l’Histoire.

Le calendrier va jusqu’aux provinciales de 2024 avec les groupes thématiques, la négociation générale, la révision constitutionnelle. Sur le futur statut, le ministre ouvre la porte à des évolutions, certaines qui risquent de déplaire aux indépendantistes, comme le corps électoral, et d’autres plus à même de les satisfaire comme la diplomatie.

Il assure que le droit à l’autodétermination n’est pas remis en question. L’État, dit-il, doit affiner son projet pour l’Indo-Pacifique et pour la Nouvelle-Calédonie. Voilà pour le cadre de 2023, à moins évidemment d’autres rebondissements.


2022, c’est aussi :
Le 26 juin, 34 ans après la signature des accords de Matignon, et alors que les discussions sont au point mort, la statue de la poignée de main entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur est inaugurée place de la Paix à Nouméa. Des gardiens. À l’origine du projet, Marie-Claude Tjibaou, Isabelle Lafleur et Sonia Lagarde, « pour ne jamais oublier » et « s’inspirer ».
Le « je t’aime, moi non plus » entre les indépendantistes et l’Éveil océanien. Au mois d’avril, après une mise en garde aux Océaniens par Daniel Goa, l’EO quitte le groupe UC-FLNKS au Congrès. Ils se réconcilient en mai lors d’un palabre. Le 30 août, l’EO permet la réélection de Roch Wamytan à la tête du Congrès. Le 7 septembre, le Palika veut revoir l’accord de stabilité avec ce parti pour retirer certains sujets polémiques, comme les crédits supplémentaires aux collaborateurs. Le lendemain, l’EO quitte à nouveau le groupe UC au Congrès.

La visite américaine de Louis Mapou à la Maison-Blanche fin septembre. Le président du gouvernement représente la Nouvelle-Calédonie au sommet des pays insulaires du Pacifique. Dans la foulée, il surfe sur cette visite devant l’ONU : « La Nouvelle-Calédonie est désormais engagée dans un rôle diplomatique et de coopération, égale à des nations souveraines sur la scène régionale qui la place aux confins de la souveraineté », dit Louis Mapou plaidant pour les interdépendances, utiles dans un monde en pleine mutation…

Thierry Santa, Pascal Vittori, Alain Descombels et Pascal Lafleur (candidat pour la première fois aux législatives) annoncent au mois d’octobre préparer un projet politique partagé, institutionnel, économique et social qui doit transcender les clivages politiques locaux et nationaux. Ils s’inscrivent dans les Accords et la reconnaissance mutuelle symbolisée par la poignée de main.

L’implosion au Rassemblement. Le 8 décembre, le Rassemblement annonce que Thierry Santa démissionne de la présidence. L’intérim est assuré par Alcide Ponga. Le prochain président sera nommé par les adhérents début 2023. Aurait-il été poussé vers la sortie pour des désaccords avec Pierre Frogier et Virginie Ruffenach en prélude des sénatoriales?

Chloé Maingourd

©Nicolas Petit / AFP