« Consultant en relation d’aide et formateur, je suis actuellement hors du territoire, et je vis ces conflits à distance. Ce qui me touche et me meurtrit, c’est de ne pas voir la lumière au bout du tunnel. Je ressens de l’inquiétude et de la désolation en imaginant tous les problèmes, et je vis un stress latent mais sans commune mesure avec ceux qui sont sur place. Je fais quelques consultations pour des personnes à distance ; et selon les quartiers, je vois que le vécu est très différent.
Pour ma part, tous mes biens se trouvent en Nouvelle-Calédonie. Mon bureau se trouve à la Vallée du Tir, et je ne sais pas dans quel état je vais le retrouver. Ma maison est gardée par une amie Mélanésienne qui au début craignait de sortir et qu’on l’empêche de revenir dans le quartier. Nos voisins l’ont rassurée, mais cela montre bien la méfiance qui s’est installée. Ma sœur sur place me donne des nouvelles. J’ai des inquiétudes pour l’après et la reconstruction.
Je ressens de la colère, car depuis des années, on agit de manière trop raide, ce qui alimente les tensions. En Nouvelle-Calédonie, très souvent, nous ne savons pas gérer les conflits. Nous recourons à la force et nous faisons des blocages (des axes stratégiques, des dépôts d’essence, des ronds-points…).
Une fois que tout cela sera apaisé, il sera peut-être temps de mettre en place des formations en gestion de conflits pouvant aider à désamorcer les tensions. Et ainsi, ouvrir la voie à une coopération, sans passer quasi automatiquement par » j’attends qu’il y ait rapport de force pour discuter vraiment « , le tout sans arrière-pensées…… sauf celle de mettre en commun.
J’essaye de garder une position modérée, cela déplaît parfois.
Je connais beaucoup de gens modérés, et je pense que c’est une large majorité en Nouvelle Calédonie. Malheureusement, aujourd’hui elle est submergée. Je suis profondément triste que beaucoup de gens souffrent.
Quelques personnes au pouvoir, et celles qui maintiennent le rapport de force, pensent avoir raison et forcent les choses. Cela alimente la violence. Pour moi, ils s’auto-alimentent. Ils représentent une phrase qui me touche : « Les êtres humains préfèrent avoir raison que d’être heureux ». Quand j’entends « on va se battre… On est en résistance… On ne lâche rien…… », ce sont des mots qui ne peuvent conduire qu’à la violence. Le rapport de force ne conduit qu’à la violence, seule la coopération permet de trouver des solutions.
Il est important que les leaders de tous bords s’engagent dans un dialogue constructif, clair, et cherchent des solutions pacifiques. En faisant le pas suffisant vers l’autre.
Il sera aussi très important d’aider la jeunesse au mieux. Je condamne au plus haut point la violence. Je peux comprendre qu’on soit en désaccord avec des personnes, ou des idées. Mais que l’on utilise la violence, c’est désolant et mortifère.
Pour finir, je suis admiratif de tous les gens qui aident et protègent, mais aussi de toutes les solidarités qui se mettent en place toutes ethnies confondues.
La situation en Nouvelle-Calédonie est délicate et nécessite une approche sensible et équilibrée pour éviter une escalade encore plus forte de la violence. »
Marc, consultant en relation d’aide et formateur.