L’actuel découpage date de 1986. Le docteur en géopolitique, Pierre-Christophe Pantz, a étudié la création d’une troisième circonscription pour les élections législatives.
♦ L’ORIGINE ?
Pourquoi pas une de plus ? Pierre-Christophe Pantz, docteur en géopolitique, a travaillé sur un projet personnel, celui de l’instauration de trois circonscriptions pour les élections législatives. Cette réflexion s’appuie sur au moins trois constats. Comme les élections des dimanches 30 juin et 7 juillet l’ont rappelé, la première zone intègre Nouméa, les Loyauté et l’île des Pins, tandis que la seconde s’étend sur la Grande Terre et Belep. « L’actuel découpage, communément appelé “Pasqua”, du nom de son auteur ministre, a près de 40 ans et a été élaboré pour favoriser l’élection de deux députés non indépendantistes. D’ailleurs, il n’y a eu aucun député indépendantiste pendant la période, avant Emmanuel Tjibaou. La proposition de trois circonscriptions s’inscrit donc dans une volonté de rééquilibrage politique », explique le chercheur-associé au LARJE* qui relève également, deuxième point, « un souci de cohérence lorsque l’on associe par exemple Nouméa avec les Îles Loyauté ou les trois communes du Grand Nouméa ‒ Païta, Dumbéa, Mont-Dore ‒ avec le reste de la Grande Terre ».
Autrement dit, est ici interrogée une meilleure homogénéité sur le plan de l’identité sociale, géographique, culturelle… Autre élément, « la Polynésie française bénéficie, depuis 2012, d’un troisième député. Or le corps électoral dans ce territoire et celui en Nouvelle-Calédonie sont à peu près similaires », environ 210 000 et 222 000 électeurs. « La question est alors simple : pourquoi pas un troisième député en Nouvelle-Calédonie ?
♦ LE PRÉALABLE
L’exercice du découpage des circonscriptions législatives doit « respecter certains ordres de grandeur en termes de corps électoral », signale Pierre-Christophe Pantz. En clair, hors de question de tailler un espace électoral à 200 000 électeurs et un autre à 20 000. Voilà pourquoi il n’existe pas aujourd’hui une circonscription calquée sur la province Sud. « J’entends l’argument : toutes les circonscriptions à l’échelle nationale ne sont pas d’un poids équivalent. Toutefois, la seconde en Nouvelle-Calédonie, celle de la Grande Terre et Belep, fait partie des cinq circonscriptions de la France métropolitaine et outre-mer avec le plus grand nombre d’électeurs », poursuit le chercheur. Soit près de 125 000 inscrits, contre 97 000 dans la première. Ainsi « ajouter un député permettrait d’équilibrer le nombre d’électeurs par circonscription calédonienne à l’échelle nationale ».
♦ LA PROPOSITION
Le docteur en géopolitique a posé sur le papier trois circonscriptions : la première comprendrait uniquement la ville de Nouméa, « qui se suffit à elle-même. Ce qui est cohérent d’un point de vue électoral » ; la deuxième se calerait sur l’espace de la province Sud sans la capitale, enfin, la troisième couvrirait les provinces Nord et Îles Loyauté. « On voit alors un équilibre démographique qui émerge », souligne Pierre- Christophe Pantz, avec une circonscription à 74 000 électeurs en moyenne.
Les élections législatives anticipées de 2024 ont rebattu les cartes, puisqu’un indépendantiste, Emmanuel Tjibaou, a ceint l’écharpe de député, une première depuis 1981. « La participation indépendantiste a permis de tordre le cou à ce découpage historique », explique ce fin observateur de la vie politique. « Jusqu’à présent, ce scrutin national était régulièrement boudé par l’électorat indépendantiste. » La proposition n’a pas vocation à « réserver un siège pour un indépendantiste et les deux autres pour des loyalistes. Mais l’idée est que le nouveau découpage soit moins inégal et qu’il favorise l’interaction entre les deux sensibilités ».
La création d’une troisième circonscription en Polynésie française s’est inscrite dans le redécoupage national de 2010, établi par deux ordonnances ratifiées par les deux chambres du Parlement, puis validées par le Conseil constitutionnel. Le nombre de députés étant fixe à l’Assemblée nationale, en l’occurrence 577, l’ajout d’une circonscription doit être concomitante à la suppression d’une autre ailleurs.
Yann Mainguet
*Laboratoire de recherches juridique et économique auprès de l’Université de la Nouvelle-Calédonie.