Référendum : Lecornu tempère avant des semaines décisives

Perturbée par la crise sanitaire, la tenue du dernier référendum de l’Accord de Nouméa était au cœur des discussions entre Sébastien Lecornu et les forces politiques locales. Le ministre des Outre-mer a su centrer les débats et maintient, pour l’instant, le cap du 12 décembre. Mais la suite reste à haut risques pour tout le monde…

 

Sébastien Lecornu s’était fixé comme objectif de dédramatiser les discussions à propos du maintien ou non du référendum au 12 décembre. C’est ce qu’il est parvenu à faire, au moins durant cette visite, avec son franc-parler et une certaine habileté que lui reconnaissent les élus calédoniens. Concédant la légitimité des positions, mais renvoyant chacun à ses contradictions, il a finalement retracé le cadre de cette consultation, normée dans le droit, et soutenu qu’il faudrait de très bonnes raisons pour reporter l’échéance.

Oui ou non au 12

Le ministre des Outre-mer a notamment reçu samedi au haut-commissariat, l’ensemble des groupes constitués au Congrès. Il a pu observer que ceux qui étaient initialement pour le 12 décembre le sont toujours et ceux qui n’y étaient pas favorables ne le sont toujours pas. L’Avenir en confiance estime qu’avec la vaccination nous aurons, à cette échéance, une situation favorable et défend le maintien pour ouvrir enfin l’horizon des Calédoniens, espérer une reprise économique. Quitte à dire, pour le Rassemblement, que cette élection, c’est maintenant ou jamais.

« Il n’y a aucune raison objective de reporter le référendum », selon l’Avenir en confiance.

 

Le groupe UC-FLNKS Nationalistes et Éveil océanien rétorque qu’il faut aussi prendre en considération l’impact social, sociologique et psychologique de la crise avec les contraintes majeures qu’ont connues les Calédoniens, les deuils, le confinement, le couvre-feu, l’obligation vaccinale. Tout cela, disent-ils, n’étant pas de nature à favoriser la sérénité et un résultat incontestable. La décision future sur la non-participation du camp indépendantiste en cas de maintien au 12 décembre, évoquée par le président de l’Union calédonienne, Daniel Goa, est renvoyée au FLNKS.

L’UNI, de son côté, refuse d’évoquer un boycott, mais réitère son souhait d’organiser la consultation en 2022, une position défendue depuis des mois. Ce serait aussi pour le groupe une forme « d’affront » que de parler d’autre chose à des familles endeuillées. Les indépendantistes avancent en outre qu’il ne peut y avoir de campagne et que la voie numérique n’est pas adaptée aux spécificités locales.

Calédonie ensemble estime enfin que ce sont les indicateurs sanitaires qui nous diront d’ici début novembre si la date du 12 décembre peut ou non être maintenue. Et que s’il est possible de reprendre une vie normale par ailleurs, on peut très bien aller voter.

Pour Calédonie ensemble « tout dépendra des indicateurs sanitaires ».

 

Un risque majeur

C’est, en substance, cette position qui a été défendue par le ministre. S’il a jugé que les partisans du 12 allaient un peu vite en besogne dans leurs prévisions épidémiologiques, Sébastien Lecornu a répété que le référendum ne pourrait être reporté « que si la situation était hors de contrôle ». L’État, a-t-il insisté, a la responsabilité d’organiser cette consultation, demandée par les indépendantistes, actée par un décret au Conseil des ministres sur la base d’une loi organique. Elle ne peut pas être annulée sur un coin de table. Un report, soit de quelques semaines ou en septembre, nécessiterait d’importants ajustements avec d’autres risques possibles en matière sanitaire, économiques, pour ne pas dire « climatiques » !

En ce qui concerne la campagne, Sébastien Lecornu avance que les citoyens sont suffisamment éclairés sur les enjeux à la lumière des précédentes consultations et du document sur les conséquences du Oui et du Non. Il n’y a donc, selon lui, pas de débat sur la sincérité du scrutin puisque ces conditions sont remplies.

Un point sera donc fait d’ici trois à quatre semaines, ce qui laisserait un mois pour la campagne. L’État tranchera puisque c’est de sa compétence. En attendant, il se tient prêt à l’organiser dans un contexte épidémique, voire potentiellement tendu (lire p. 5).

Mais au final, personne ne peut ignorer que cette situation d’un troisième référendum en pleine crise sanitaire est une sacrée tuile au terme d’un processus de trente ans. Elle cristallise une nouvelle fois les oppositions sur la forme plutôt que sur le fond. Si la situation sanitaire n’est pas favorable, un report sera lourd à porter. En cas de maintien, elle pourrait très bien découler sur une crise politique majeure si les indépendantistes refusaient effectivement de participer à la consultation. À quoi ressemblerait alors cette fin d’Accord ? L’équilibre est on ne peut plus fragile et le choix sera sûrement difficile.

 


Équilibre

Sébastien Lecornu a appelé chacun à toutes proportions gardées dans cette crise. La question du report est effectivement légitime puisque la situation sanitaire est tendue et son évolution pas si prévisible. Ceux qui poussent pour le 12 décembre quoiqu’il advienne ne peuvent pas ignorer ce contexte. Peut-être ont-ils d’ailleurs un peu vite indiqué que « tous les voyants (étaient) au vert » ? Et surtout, n’ont-ils pas plaidé pour une sortie de confinement strict un peu tôt, privilégiant le court terme plutôt que ce référendum au 12 décembre qu’ils appellent de leurs vœux ?

À l’inverse, on observe que ceux qui prônent le report peuvent être soupçonnés, s’ils vont trop loin, d’instrumentaliser la crise pour éventuellement chercher un contexte plus favorable.

Sébastien Lecornu n’a pas pu s’empêcher d’ailleurs de noter que la vie démocratique était déjà en train de reprendre avec pas moins de huit demandes de manifestations politiques ou syndicales formalisées au haut-commissariat.

 


Le Covid n’empêche pas de travailler

Le ministre a ouvertement regretté que le calendrier centralise une nouvelle fois toutes les énergies. Il a indiqué à plusieurs reprises que l’État n’avait pas reçu suffisamment de réponses aux 153 questions d’avenir posées aux élus dans le document du Oui et du Non, par exemple, sur la nationalité, l’accès à la citoyenneté, la monnaie, la clarification du principe d’autonomie en cas de non, les questions financières. Il faut également définir une méthode pour la période de transition jusqu’au référendum de projet de 2023 et traiter enfin les sujets de la vie quotidienne : les inégalités, les violences intrafamiliales, les violences faites aux femmes, etc.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)