Référendum : le corps électoral est connu, le résultat aussi

153 678, c’est à ce jour et de manière définitive pour 2016, le nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale pour le scrutin de sortie de l’Accord de Nouméa. En admettant que la consultation ait effectivement lieu en novembre 2018 et compte- tenu de l’entrée de jeunes majeurs dans le corps électoral, ce sont environ 155 000 Calédoniens qui devraient, in fine, être consultés. Un chiffre à mettre en perspective avec les 152 457 électeurs admis à participer aux dernières élections provinciales de 2014.

Il n’est pas toujours possible de faire dire ce que l’on veut, c’est-à-dire n’importe quoi, aux chiffres.
En l’occurrence, ils sont têtus et malgré les accords successifs et les arguments de campagne parfois outranciers, le fait que cette liste définitive fixe une jauge aux alentours de 155 000 électeurs prouve que l’idée selon laquelle la Nouvelle-Calédonie aurait été une terre d’immigration massive au pic des années 90 est un mensonge. Par ailleurs, il éclaire le référendum puisqu’il en indique par avance le résultat approché.

En 2014, sur un corps électoral globalement similaire, avec des enjeux de campagne très proches de ceux de 2018 et un taux de participation élevé de près de 70 % sur un seul tour de scrutin, suffrages des listes indépendantistes et loyalistes cumulés, le rapport de force fait état d’un très net avantage pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France avec un différentiel de 20 000 voix et, contrairement aux idées reçues, à une réserve plus importante du côté des abstentionnistes dans les communes à majorité non indépendantiste.

Cette simple analyse des chiffres et des enjeux n’a échappé à aucun des responsables politiques locaux. Elle est également globalement admise par les représentants de l’État, même si ce qu’elle induit ne satisfait pas ceux qui, de longue date à Paris, tentent de conduire la Nouvelle-Calédonie vers une forme d’indépendance.

C’est la certitude de ce résultat qui rend chaque jour un peu plus suspect, aux yeux des Calédoniens, la deuxième phase des travaux conduits par les experts de l’État pour envisager l’avenir institutionnel et politique. C’est aussi la raison qui a poussé les partis indépendantistes à refuser tout accord préalable à la tenue de ce référendum.

Éviter un piège politique

Pour l’Union calédonienne, un résultat défavorable aura pour conséquence de demander à l’État, puissance administrante, d’ouvrir au lendemain de la consultation des discussions bilatérales, c’est-à-dire en excluant les loyalistes, pour obtenir politiquement ce que les urnes ne peuvent pas permettre. Il n’est pas à exclure non plus que, pour tenter d’obtenir le même résultat, en invoquant, par exemple, que le corps électoral ne lui convienne pas à cause de la non inscription automatique de milliers d’électeurs kanak, le plus vieux parti calédonien appelle au boycott.

Pour le Palika, selon une rhétorique bien huilée qui préconise le respect intégral et sans discussion possible de l’Accord de Nouméa constitutionalisé, un non à l’indépendance en 2018, impliquera la tenue d’un autre référendum en 2020 et éventuellement d’un troisième en 2022, avec pour conséquence une vitrification de l’économie et un enfermement dans l’incertitude. Longtemps farouchement opposé à toute idée d’accord préalable au motif que les indépendantistes sont contre, Calédonie ensemble affiche désormais une attitude plus ambiguë, tout en restant plus que jamais attaché à la notion de référendum éclairé. En l’état actuel des choses, le parti de Philippe Gomès est donc le plus fidèle soutien de la stratégie du gouvernement central mais commence à infléchir sa position pour des raisons directement électorales.

Restent l’UCF et Les Républicains. Si les premiers, finalement tout juste tolérés dans les discussions sur l’avenir institutionnel à cause de leur faible représentativité au Congrès, ont annoncé, cette semaine, qu’ils se retiraient des consultations, les seconds menacent et mettent en doute un processus insincère qui pourrait conduire à un piège.

Voilà qui présage mal du bon déroulement du Comité des signataires, prévu en octobre, dont on se demande ce qu’il est finalement censé acter.

C.V.

crédit AFP