Réduire l’impact carbone ne saurait être suffisant

L’usine du Nord au bord de l’anse de Vavouto. B.B.

Enfin !, lancent en résumé WWF Nouvelle-Calédonie et Ensemble pour la planète (EPLP) en entendant les discours des trois usines engagées pour réduire leurs émissions carbone. Des engagements supplémentaires sont pourtant attendus pour un nickel plus respectueux.

Hubert Géraux compare l’industrie métallurgiste à un train avec trois compartiments. L’expert conservation et plaidoyer de WWF Nouvelle-Calédonie imagine Prony Resources en locomotive, lancée à toute vitesse par l’opportunité de vendre du nickel pour les batteries du constructeur de voitures électriques de luxe Tesla. La SLN est le wagon qui la suit avec sa centrale au fioul qui doit être changée depuis de nombreuses années. Derrière, « la vache qui regardait passer le train », KNS. « Il y a encore quelques années, quand je demandais leurs engagements sur la réduction de leur note carbone à une réunion climat dans le nord, KNS parlait du plan de covoiturage qu’il mettait en place pour les salariés », rappelle Hubert Géraux. Aujourd’hui, le convoi ferroviaire, au complet, semble avoir pris le même virage. Les discours ont évolué et c’est tant mieux, remarque le représentant de WWF.

Chacune de leurs côtés, les trois usines affichent dorénavant la volonté d’entamer une transition énergétique, promesse, selon elles, d’un nickel plus respectueux de l’environnement. Hubert Géraux demande maintenant une véritable ambition de sortie des énergies fossiles, inscrite dans le schéma de transition énergétique de la Nouvelle- Calédonie (Stenc). « Les industriels disent vouloir s’inscrire dans un cercle vertueux d’énergie verte. C’est très bien, commente Martine Cornaille. On part de loin, très loin. » Les annonces n’entament pas le scepticisme de la présidente de EPLP qui pointe la centrale accostée temporaire de la SLN fonctionnant « toujours aux énergies fossiles », souligne-t-elle.

Le débat ne se résume pas aux émissions carbone. « Le nickel vert ne doit pas être réduit à ce filtre », insiste Hubert Géraux. En ce sens, le Comité consultatif de l’environnement (CCE) du Congrès avait émis 64 préconisations réparties en 13 points lors d’une auto-saisine, sur proposition de WWF, pour un bilan du Code minier et du schéma de mise en valeur des ressources minières.

ALLER PLUS LOIN

L’ONG et EPLP appellent à prendre en compte d’autres aspects dans cette quête d’une exploitation minière plus respectueuse et moins polluante. « La transition énergétique exclut tous les autres impacts : pollution des eaux douces, destruction sèche de la biodiversité, etc. », tacle Martine Cornaille. Pour produire un nickel dit « plus vert », les industriels devraient englober les questions indispensables de l’eau, de la biodiversité et de la valeur culturelle des sites exploités, défend Hubert Géraux. « Nous devons produire le nickel de la manière la plus intelligente qui soit et la plus efficace pour préserver les autres capitaux. »

Depuis 2007, WWF Nouvelle- Calédonie avance l’idée de superposer les enjeux environnementaux aux attentes économiques. Cela permettrait de comparer les retombées aux dégâts engendrés avant de décider de creuser ou non quelque part. « Il faut avoir le courage de confronter les cartes des ressources de nickel, des ressources en eau, de la biodiversité et de la valeur culturelle des lieux pour voir où ça fonctionne et là où il y a des conflits d’intérêts, explique l’expert de WWF. On ne sait pas refaire ce que l’on a détruit, il faut bien que les Calédoniens le comprennent. On ne sait pas restaurer. » À EPLP, Martine Cornaille ouvre encore plus grand le débat. Elle questionne les usages de cette industrie du nickel. « Il faut adapter la production à nos besoins et pas à nos envies », estime la détractrice des véhicules électriques. Un nickel produit à l’aide d’énergies renouvelables, d’accord, mais pour quoi faire ? « Il faut y réfléchir. »

Brice Bacquet

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