Si la visite du ministre des Outre-Mer, François-Noël Buffet, a permis de recréer du lien avec les acteurs politiques et d’imprimer une nouvelle approche après les émeutes, les contours de la future discussion sur l’avenir institutionnel restent à préciser.
Dans sa valise parisienne en partance pour Nouméa, François-Noël Buffet avait glissé deux gros dossiers. Si, une fois sur place, du mercredi 16 au samedi 19 octobre, les propos du ministre des Outre-mer sur le premier, d’ordre économique, ont déçu élus et chefs d’entreprise, la méthode des petits pas fut utilisée autour du second, de nature politique. Parce que la braise des émeutes sur fond de contestation du projet de dégel du corps électoral provincial n’est pas totalement refroidie. Mais aussi parce qu’une prudence s’est imposée avant la venue, probablement durant la deuxième semaine de novembre, de la « mission de concertation et de dialogue » conduite par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.
Avant tout, « il faut que l’on arrive à remettre tout le monde autour de la table et à reprendre le dialogue ». D’ailleurs, « l’impartialité » de l’État « est absolument nécessaire », a insisté François-Noël Buffet, qui rompt ainsi avec son prédécesseur, Gérald Darmanin, dont la proximité avec le mouvement Loyalistes n’était pas cachée. Le nouveau ministre des Outre-mer voit désormais, à travers le report des élections provinciales jusque fin 2025, « un délai précieux » pour la construction de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.
RÉTROPLANNING
Au-delà du rétablissement économique, la perspective de solutions institutionnelles campe bien sûr dans toutes les têtes et le rétroplanning est assez court, aux yeux de Sonia Backès, cheffe de file des Loyalistes : si le scrutin des provinciales se tient au plus tard le 30 novembre 2025 en cas d’adoption fort probable de la proposition de loi, la modification du corps électoral doit être entérinée préalablement en juillet après un accord conclu en mars, calcule la présidente de la province Sud.
Une telle réforme, aujourd’hui impossible à traiter seule au vu du déclenchement des violences du 13 mai, est à inclure dans un projet global. Mais cette question de l’ajustement du corps électoral, « ce n’est pas un sujet prioritaire » immédiat, explique Pierre-Chanel Tutugoro, de l’UC-FLNKS et Nationalistes, qui vise davantage « l’aboutissement de la trajectoire », c’est-à-dire la pleine souveraineté, « que ce soit en partenariat ou autres ». Le groupe se dit conforté dans sa position par les suffrages obtenus aux élections législatives.
Sur l’autre rive politique, Gil Brial, des Loyalistes, aborde le tour de table avec une idée claire. Les précédentes discussions sur l’avenir institutionnel « sont intervenues dans une Nouvelle-Calédonie apaisée et prospère. Nous avons aujourd’hui une Nouvelle-Calédonie détruite, avec une haine. On repart donc quasiment d’une page blanche ». Surtout, des concessions, envisageables avant le 13 mai, « ne le sont plus maintenant ». La liste de ces compromis actuellement inatteignables n’est pas dévoilée.
« L’ENSEMBLE DES COMPOSANTES »
Le calendrier des futurs pourparlers et la méthode constituent un élément important. Le périmètre des interlocuteurs l’est aussi. Le ministre, François-Noël Buffet, a échangé durant son séjour, à la résidence du haut-commissariat, avec les représentants des groupes politiques du Congrès. Cette modalité lui a évité de rencontrer des membres de la CCAT, structure accusée d’avoir fomenté l’insurrection. La Cellule de coordination des actions de terrain est néanmoins représentée au sein de l’Union calédonienne, mais aussi, de manière plus contestée, dans l’enceinte du FLNKS. Or, ces indépendantistes seront, à un moment ou à un autre, amenés à siéger face à l’État et aux élus pro-français. « Il y a des gens avec qui on préfère discuter », indique sobrement Gil Brial des Loyalistes. Tandis que, pour Virginie Ruffenach du Rassemblement-LR, « nous souhaitons la discussion avec l’ensemble des composantes politiques ».
Toutefois, si cette concertation espérée sur l’avenir institutionnel ne reprend pas ou si ces futurs échanges se bloquent, l’État sera-t-il prêt à poser un projet sur la table ? Comme il a pu être vu, sans grand succès, avec le document « martyr » de Gérald Darmanin… « Je ne suis pas naïf, tout le monde sait que ce sera difficile », admet le ministre des Outre-mer. Mais « il y a une attente de dialogue, vraiment ».
La rumeur a enflé ces dernières semaines, au point de déclencher un commentaire du président du gouvernement, Louis Mapou, de sa propre initiative, sur le plateau de NC La 1ère, dimanche 20 octobre. Se dessine « la volonté de Calédonie ensemble, de l’Éveil océanien et de l’Union calédonienne de faire tomber le 17e gouvernement », a suspecté le patron de l’exécutif. « Il n’y a pas de souci, c’est le jeu, ils ont tout à fait le droit. On verra, qu’ils aillent jusqu’au bout de leur démarche. »
et de reconstruction 2024-2029, en parallèle du PS2R porté par l’exécutif collégial. Le trio n’a pas aujourd’hui la majorité au Congrès. Du côté de Calédonie ensemble, qui confirme avoir été approché, cette perspective de la chute du gouvernement ajouterait une nouvelle crise aux crises.
Yann Mainguet