Vale : quels projets de reprise ?

La situation semble devenue inextricable sur le plan politique. Mais derrière les positions qui se raidissent de part et d’autre, quels sont les deux principaux projets de reprise de Vale Nouvelle-Calédonie ? Voici quelques éléments de compréhension sur ce que propose la Sofinor/ Korea Zinc et Antonin Beurrier/ Trafigura.

Le silence de la Sofinor et de Korea Zinc a longtemps posé question. Après le refus de son offre par Vale Canada, le 26 octobre, Ulrich Reber, le directeur de projet de la Sofinor, a décidé de sortir de sa réserve pour défendre l’offre portée par la société de la province Nord et le géant sud-coréen. Un partenariat que Korea Zinc a confirmé il y a quelques jours, au travers d’un communiqué, confirmant au passage que la Sofinor représente bien le groupe sur le territoire. Dans ce même communiqué, elle réaffirme sa demande de « due diligence » (accès au site et aux informations complètes) afin d’effectuer les vérifications nécessaires pour pouvoir constituer une proposition définitive.

La philosophie du projet reprend le montage de l’usine du Nord, même si le contexte est sensiblement différent, notamment en raison du fait qu’elle est déjà construite et que les besoins en capitaux sont nettement moins importants que pour une construction. L’idée est que le partenaire coréen dispose de 44 % des parts de l’entreprise pour 56 % pour la Nouvelle-Calédonie. Ces parts calédoniennes seront détenues par les trois provinces et pas uniquement par la province Nord. Une participation non diluable * qui prévoit également un non-nantissement des titres miniers, autrement dit, le partenaire industriel ne pourra pas revendre les titres à une autre société, en cas de revente notamment.

La participation majoritaire se fera sans apport en capital. Toute l’idée est de valoriser le massif minier. La Calédonie met sur la table le minerai et l’industriel le capital (Korea Zinc a réaffirmé son engagement à apporter tous les financements nécessaires) et le savoir-faire industriel. Selon la Sofinor, ce savoir-faire est d’ailleurs la force du projet qu’elle porte, Korea Zinc étant l’un des leaders mondiaux de l’hydrométallurgie. D’autres participations minoritaires sont également envisagées, cela pourrait être le cas d’Apple, par exemple.

Deux projets sensiblement différents

Concernant la stratégie industrielle, il est question de rouvrir la raffinerie, mais dans une version simplifiée, ce qui permettra de conserver, souligne Ulrich Reber, « 15 à 30 milliards de chiffre d’affaires au lieu de les délocaliser ». L’objectif est de retrouver la production nominale, initialement prévue de 50 000 tonnes de nickel métal par an. La réouverture de la raffinerie s’accompagnera de la création d’emplois, tout comme la création d’une unique ligne de production pyrométallurgique afin d’exploiter la saprolite (minerai riche qui ne peut être exploité par l’hydrométallurgie de l’usine du Sud) du site. L’unité produirait 10 000 tonnes de nickel métal. Il pourrait également être envisagé d’exporter une partie de cette saprolite dans des usines dans lesquelles la Calédonie détient des intérêts. Pour se prononcer sur la question, l’équipe indique avoir besoin de chiffres actualisés, les derniers dont elle dispose remontant au mois de février. Au total, l’usine du Sud compterait plusieurs usines, une usine de production de NHC, dont une partie pourrait être commercialisée telle quelle, et une autre qui serait affinée sur le site, la ligne de pyrométallurgie ainsi que l’usine Lucy pour traiter les résidus.

De manière plus générale, la Sofinor insiste sur le fait que son offre définitive ne pourra être présentée qu’après consultation de certains documents tels que les contrats de sous-traitance, ceux passés avec Enercal ou encore les contrats commerciaux. C’est sans compter sur le barrage et le projet Lucy. Pour rappel, la production de l’usine du Sud génère énormément de résidus boueux. Ils sont, pour le moment, stockés dans un barrage du type de ceux qui se sont rompus au Brésil. Pour éviter une catastrophe et gagner de la place, Vale a développé l’idée de sécher et compacter les résidus. Ce projet baptisé Lucy est une énorme usine qui devra impérativement fonctionner. Le stockage actuel des résidus sera saturé d’ici deux ans. Donc sans Lucy, pas d’usine.

De son côté, Antonin Beurrier, l’actuel PDG de Vale NC, et Trafigura avancent un projet de reprise associant plusieurs partenaires. Les trois provinces, au travers de la SPMSC, seront actionnaires à hauteur de 10 % (contre 5 % actuellement), la province Sud (au travers de Promosud) à hauteur de 10 %, soit une participation des provinces au sens large de 20 % dont 10 % seront diluables. Toujours côté calédonien, il est prévu un actionnariat salarié pour 23 % du capital. Un sujet sensible quant au soutien des salariés. L’USTKE, qui est le syndicat majoritaire de Vale NC (légèrement devant l’Usoenc, qui a par ailleurs appelé à ce que les experts de Korea Zinc soient autorisés à venir sur site afin de pouvoir présenter une offre définitive), s’est retirée mercredi de l’accord du comité d’entreprise sur cette question, faute de garanties sur la non-dilution et en dénonçant un manque de transparence.

Selon nos informations, une des clauses de cet accord prévoit que des garanties sur l’actionnariat salarié seront à négocier plus tard. Pour atteindre les 50 % « d’actionnariat calédonien », 7 % seront ouverts à la société civile. Au total, l’apport des « Calédoniens » s’élèvera à environ cinq milliards de francs. Les 50 % restants seront détenus par Trafigura à hauteur de 25 % et pour 25 % par la Compagnie financière de Prony. Cette compagnie portera les intérêts de l’équipe managériale ainsi que de sociétés européennes dont les noms demeurent encore confidentiels, le temps de la négociation exclusive. L’ensemble de l’actionnariat sera regroupé au sein de Prony Resources**.

Quelle expertise industrielle ?

Sur le plan industriel, l’offre du consortium se concentrera sur la production de NHC dont une part sera réservée à Vale. Il est prévu que le géant brésilien récupère 10 % de la production sur cinq ans, puis 20 % les huit années suivantes. Le reste de la commercialisation sera assurée par Trafigura, qui est un des leaders mondiaux du négoce. Il est aussi prévu d’exporter du minerai afin d’assurer la rentabilité des activités au travers d’une nouvelle société dont le capital serait ouvert aux Calédoniens à hauteur de 10 %. Dans un communiqué portant étonnamment le logo de Prony Resources, la société n’existant pas encore, Vale NC indique, par ailleurs, que le support industriel sera assuré par Terrafame. Reste que cet industriel n’est pas une filiale de Trafigura. Le Suisse est simplement actionnaire minoritaire de l’usine Terrafame détenue à près de 70 % par l’État finlandais. L’expertise industrielle n’est donc pas acquise.

Un point qui est pourtant essentiel si l’on considère les résultats de l’usine du Sud. Comme le rappelle la direction, l’usine est parvenue à l’équilibre sur le mois d’août. Au troisième trimestre, elle a toutefois perdu 2,2 milliards de francs. Une expertise pourrait bien s’avérer nécessaire pour compléter les efforts importants consentis par les salariés ces derniers mois. De la même façon, la construction de l’usine Lucy représente un véritable défi, celui d’un procédé plutôt expérimental, qui conditionnera la production future de l’usine du Sud.

*La dilution correspond à la diminution des participations d’un actionnaire par rapport à d’autres si celui-ci ne peut pas injecter d’argent en cas d’augmentation du capital de l’entreprise.

**L’offre de reprise de Prony Resources prévoit un nantissement des titres à savoir que si les actionnaires décidaient de vendre la société, cette dernière serait cédée avec les titres miniers indispensables pour l’exploitation des ressources.

M.D.