Quelles perspectives pour les bailleurs sociaux ?

La Sic organisait, mercredi 29 août, une conférence de presse avec le président Petelo Sao (à g.) et le directeur Benoît Naturel. (©Nikita Hoffmann)

Loyers impayés, augmentation de logements vacants, aide au logement sur la sellette… Les bailleurs sociaux font face à de nombreuses difficultés, les contraignant à revoir leur mode de fonctionnement actuel et à venir.

Avec plusieurs locaux et trois agences de la SIC et deux du FSH dégradés, les émeutes n’ont pas épargné les bailleurs sociaux. Néanmoins, plus que l’aspect matériel, la crise oblige le logement social calédonien à se réinventer. Il faut dire que les impacts subis ces derniers mois sont nombreux.

D’abord, au niveau financier. Avec une augmentation croissante du niveau d’impayés depuis mai ‒ « entre 10 et 15 % » pour la SEM Sud Habitat, à 2 % pour la SIC, et 1,5 % en moyenne pour le FSH ‒ les pertes de recettes sont importantes pour les trois bailleurs sociaux. À cela s’ajoute l’augmentation de la vacance des logements, liée à un plus grand nombre de départs. Des mouvements qui s’expliquent non seulement « par des raisons financières, mais aussi, nouvellement, pour des raisons de sécurité », indiquait, mercredi 28 août en conférence de presse, Benoît Naturel, directeur de la SIC.

Dépendante « à 86 % » des loyers versés par ses locataires, cette dernière n’envisage pourtant pas de supprimer des emplois. Même discours du côté du FSH et de la SEM Sud Habitat, qui mettent en avant d’autres mesures de sauvetage, comme le report de certains « grand projets » prévus pour 2024 ou 2025, afin de réaliser des économies. « Il s’agit de tenir la crise sans impact sur les salariés. Avec la taille de notre parc [2 302 logements et 54 salariés, ndlr], réduire notre nombre de personnel nous affecterait », assure Maud Peirano, directrice générale de la SEM Sud Habitat.

ÉLABORER UN « PLAN DE SURVIE »

Sur cette même logique de report d’investissement, la SIC parle, elle, d’un « plan drastique d’économie » devant permettre de dégager 3 milliards de francs d’économies cette année. « On partira sur des chiffres beaucoup plus conséquents sur 2025 pour assurer cette survie », soutient Benoît Naturel.

Autres piliers de ce « plan de survie » de la SIC : le rééchelonnement de leurs dettes auprès des créanciers (Caisse des dépôts et consignations et Agence française de développement), ainsi que la concrétisation de réformes structurelles proposées par la SIC et le secteur du logement auprès des pouvoirs publics depuis « plusieurs années ».

Parmi ces propositions se trouve notamment la mise en place d’un fonds de garantie des impayés, qui pourrait être intégré au sein du PS2R (plan de plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction). Une suggestion sur laquelle Petelo Sao, président du conseil d’administration de la SIC, se veut rassurant : « Ce n’est pas une création de taxe ou d’impôt nouveau, c’est juste une réorientation de prélèvements fiscaux ou de taxes déjà collectées sur les salariés. »

Outre l’aspect financier, les trois bailleurs sociaux se sont attachés à « garder un lien de proximité » avec leurs locataires durant la crise. Un exercice de facto plus simple pour la SEM Sud Habitat. « C’est l’avantage d’avoir un petit parc, nous pouvons appeler un à un nos locataires pour évaluer leur situation et leur proposer notre aide. C’est la priorité des équipes, et cela nous permettra d’avoir, fin septembre, une vision plus exhaustive », explique Maud Peirano.

Un fonctionnement qui trouve écho dans celui des équipes du FSH, qui se sont attachées à passer des appels et à prendre contact directement sur place avec les locataires. « Un système de référent pour chacun des sites a également été mis en place afin d’identifier très rapidement les familles qui étaient dans des situations les plus précaires. Puis, nous avons établi des partenariats avec des associations de quartier qui s’occupent de distribuer des vivres et vêtements afin de pallier aux situations les plus compliquées », décrit Chrystel Inizan, directrice générale.

Un lien que s’efforce aussi de conserver la SIC, ce qui, pour ce bailleur social logeant un Calédonien sur 10, s’avère plus compliqué, explique Benoît Naturel. « Pour bien faire notre métier, il faut nécessairement un apaisement sur le terrain. […] Aujourd’hui, il y a un climat de tension qui a des impacts très concrets. Il peut s’agir de la distribution de courrier [qui n’a pas pu être réalisée durant deux mois, ndlr], du dépannage des ascenseurs, ou encore de la remise en état d’une antenne télé… Ça peut aller de l’insignifiant jusqu’aux besoins prioritaires ».

 

Au FSH, « nous sommes encore en phase de bilan. Les indicateurs que sont la vacance et les impayés vont évoluer », indique Chrystel Inizan, la directrice. Photo : Nikita Hoffman.

 

LE DEVENIR DE L’AIDE AU LOGEMENT

Versée directement aux bailleurs sociaux, l’aide au logement – financée en temps normal par le FSH et la Nouvelle-Calédonie (au travers de l’Agence sanitaire et sociale) – est dans le flou depuis la crise, le gouvernement se trouvant dans l’incapacité d’assurer sa part. Devant ce constat, le FSH a été sollicité afin de réaliser une avance au gouvernement sur les six prochains mois. Une option écartée par le bailleur social au vu de sa propre situation.

« Le FSH doit être très vigilant sur ses fonds […] d’autant qu’avec la crise, les demandes d’aide au logement vont augmenter », explique Chrystel Inizan, dénombrant 556 demandes supplémentaires entre juin et août. Pour le moment, aucune décision n’a été prise, ou du moins officiellement annoncée. Une rencontre est prévue « peut-être » la semaine prochaine entre le gouvernement et le FSH à ce sujet.

 

Nikita Hoffmann