Quelle stratégie adopter après le confinement ?

Mercredi, la Nouvelle-Calédonie était exempte de nouveaux cas de Covid-19 depuis six jours. De quoi nous permettre d’espérer la fin, au moins progressive, d’un confinement de quatre semaines. Ayant expérimenté à deux reprises la lourdeur de ce dispositif, même allégé, il s’agit désormais pour nos dirigeants de repenser notre politique sanitaire afin d’éviter de figer le territoire à chaque nouvelle alerte…

Cette fois sera peut-être la bonne. Thierry Santa et Laurent Prévost devraient pouvoir annoncer ce jeudi la fin du confinement, tel qu’on l’a connu depuis le 8 mars… À moins d’une information de dernière minute comme celle survenue la semaine dernière. On s’en souvient, alors que la situation était assez rassurante, que le risque de circulation était « faible », la prolongation d’une semaine avait été décidée samedi, in extremis, après qu’un agent d’enregistrement d’Aircalin ait été testé positif au Covid-19 et vraisemblablement contaminé à La Tontouta lors du transit des réservistes sanitaires se rendant à Wallis (lire par ailleurs). Depuis, les tests menés sur ses cas contact se sont avérés négatifs et toutes les personnes jugées à risque ont été isolées. Les clusters liés à la bulle avec Wallis-et-Futuna et le vol de Métropole du 5 mars ont été visiblement contenus. Globalement, il n’y a pas de nouveaux cas depuis six jours.

Davantage d’adaptation qu’en 2020

De quoi voir le bout du tunnel, en tout cas pour les personnes les plus impactées par les mesures de restrictions de ce vrai-faux confinement, résolument moins strict qu’en 2020. De nombreuses entreprises ont cette fois été autorisées à travailler, notamment dans le BTP, et le télétravail n’a pas été aussi largement plébiscité. Les autorités ont, semble-t-il, été plus à l’écoute du secteur économique et pour limiter la casse, se sont reposées sur l’expérience supposément acquise par les uns et les autres pour fonctionner dans ces conditions.

On pense ainsi aux marchés et, depuis cette semaine, aux commerces de biens qui ont pu rouvrir leurs portes en mettant en place des mesures spécifiques d’hygiène et de distanciation. Les coiffeurs pourraient également bénéficier d’une réouverture anticipée et des protocoles sont en cours d’élaboration avec les centres d’esthétique, les restaurants ou les salles de sport. L’idée, on le sent, est d’éprouver les protocoles dans un maximum de secteurs pour que tous puissent opérer en cas de nouvelle alerte, restreinte. Mais toute une partie de la société n’a pas encore cette chance. On pense bien sûr aux scolaires et aux parents, la plupart ne pouvant les placer dans les lieux d’accueil dédiés au personnel prioritaire avec un impact donc sur leur travail. Au niveau des familles, toujours, certaines ont encore été privées de leur principale source de subsistance, à savoir la chasse et la pêche. Une mesure soi-disant pour éviter les blessures qui nécessiteraient une hospitalisation plutôt que pour éviter les rassemblements, ce dont on doute encore. Elles ont aussi été impactées dans leurs sorties par la jauge d’un kilomètre, abandonnée un peu partout…

Les restaurants, les bars, les discothèques payent probablement le plus lourd tribut, tout comme le monde de la culture, de l’évènementiel et, plus largement, de tous les secteurs liés au tourisme international, en berne depuis un an maintenant, qu’il faut continuer à aider.

Protéger les entrées

Les différents clusters apparus depuis le 8 mars ont révélé plusieurs failles dans notre système aux frontières et ont provoqué toutes ces difficultés. Les dirigeants doivent donc désormais trouver les voies et les moyens pour ne plus avoir à confiner à tour de bras, sachant que le risque d’introduction du virus est de plus en plus fort, vu la situation en Métropole, et qu’ils ne considèrent pas le fait de pouvoir totalement fermer les frontières.

Thierry Santa l’a dit, il faut renforcer le sas sanitaire au niveau des vols, des zones aéroportuaires, des quatorzaines. Les tests PCR, qui sont possibles jusqu’à 72 heures avant le départ, posent notamment question puisqu’ils laissent un laps de temps suffisant pour une contamination, sans compter les fraudes qui pourraient survenir sans moyens de contrôle efficaces. Ensuite, il y a sur les vols cette question de la distanciation physique qui n’est plus respectée ou encore le port du masque. Et bien sûr les échanges à l’arrivée. Même réduits au minimum, les contacts sont inévitables avec les passagers. C’est la raison pour laquelle la vaccination obligatoire du personnel de l’aéroport, des quatorzaines est envisagée.

Le gouvernement a, semble-t-il, remarqué que la personne testée positive à l’aéroport n’était pas vaccinée, même si globalement le taux de volontaires des professionnels de la plateforme aéroportuaire et des hôtels est assez bon avec plus de 75 % de premières injections (82 % chez les médecins généralistes à titre de comparaison).

Autour de ce sujet qui fait forcément débat, l’exécutif a entendu les représentants des institutions locales, les syndicats. Les uns argumentent que la vaccination est déjà obligatoire sans problèmes pour certaines professions ou pour les enfants, d’autres brandissent les libertés fondamentales, le respect de l’intégrité et de la vie privée, sachant également que l’efficacité et la sécurité de ce vaccin ne sont, pour le moment, pas garanties à moyen et long terme. Plus largement, on s’inquiète qu’il s’agisse là d’une porte ouverte à la vaccination obligatoire pour tous. En tout cas mercredi, le porte-parole du gouvernement, Christopher Gyges, a indiqué avoir « une faisabilité juridique » pour proposer un texte éventuellement mardi prochain en collégialité. Il suivra ensuite le cours normal de consultation avant un vote du Congrès.

Nous en avions parlé la semaine dernière, une réflexion est par ailleurs engagée à plus long terme pour rendre la vaccination obligatoire à tous les entrants en Nouvelle-Calédonie et, éventuellement, la réduction ou l’exemption de quatorzaine. C’est le fameux passeport vaccinal qui déchaîne tout autant les passions.

Des alertes « comme en Nouvelle-Zélande »

« Pour répondre plus vite, plus efficacement et plus précisément à la prochaine alerte, car il y en aura d’autres », le gouvernement est aussi en train d’élaborer un dispositif d’alertes, comme il en existe en Nouvelle-Zélande. Il a d’ailleurs fait l’objet d’une première présentation en collégialité, mercredi.

Quatre alertes existent là-bas correspondant à des niveaux de risques et des mesures d’adaptation bien précises. Dans les grandes lignes, l’alerte 1 prévoit le respect des gestes barrière, l’isolement en cas de symptômes, l’inscription de ses déplacements et personnes contact. L’alerte 2 limite les rassemblements de personnes et induit le port du masque dans les transports. L’alerte 3 prévoit des contacts très limités, une jauge réduite dans les écoles, la fermeture de certains lieux publics. Enfin, l’alerte 4 impose le confinement général sauf des commerces essentiels.

Ce système aurait l’avantage d’éviter le flou ambiant que nous avons connu à deux reprises, de permettre à chacun dans son domaine, de savoir quoi faire selon le niveau de risque. On éviterait de figer notre système à chaque nouveau cas détecté sur le territoire, on apprendrait à vivre avec le risque. Un prolongement assez logique de ce que les autorités ont commencé à mettre en œuvre dernièrement.

Ce système devra être accompagné d’un dépistage plus important de la population générale et de la vaccination, qui a repris cette semaine un rythme soutenu avec l’envoi de nouvelles doses. À compter de la semaine prochaine, 9 300 doses seront livrées de manière hebdomadaire pour un total de 60 000 doses atteint en avril. Un effort demeuré constant du côté de la France malgré les difficultés d’approvisionnement.


Dépistage de la population

Le gouvernement souhaite améliorer notre dispositif de dépistage de la population générale, freiné ces derniers temps en raison du grand nombre de tests liés aux investigations. Dans le cadre d’une expérimentation de deux semaines, la Dass va permettre aux médecins de pratiquer des tests hors des centres dédiés en cabinet ou au domicile des patients. Des tests leur seront distribués gratuitement. Ils feront l’objet d’une déclaration et seront facturés 1 950 francs avec une prise en charge par le fonds autonome de compensation en santé publique. Si cette expérimentation fonctionne, elle pourrait être déployée à d’autres professionnels de santé. La Nouvelle- Calédonie a une capacité de 500 tests par jour.


L’investigation se poursuit pour le cas de la Tontouta

La Dass l’avait évoqué, la contamination de l’agent d’enregistrement d’Aircalin aurait puintervenirlorsdutransitdequatreheuresàLaTontoutades72réservistessanitaires dépêchés pour Wallis-et-Futuna et dont trois ont développé des symptômes par la suite. L’État précise que « le transit en zone aéroportuaire a été réalisé sur le principe d’un système de sas (au sein duquel le petit déjeuner a été mis à disposition avant l’arrivée des voyageurs). Le dispositif ne fait pas l’objet d’une prise en charge sanitaire, aucun contact n’étant prévu avec des tiers ». Des témoignages indiquent pourtant que des échanges ont bien eu lieu autour de ce petit déjeuner et on imagine mal d’ailleurs 72 personnes se débrouiller seules dans un aéroport…

Il est par ailleurs confirmé que si l’administration supérieure de Wallis-et-Futuna avait sollicité, dans un protocole initial communiqué au haut-commissariat de Nouvelle- Calédonie, l’envoi de personnel médical vacciné et présentant un test PCR de moins de 72 heures, elle a finalement dû surseoir au premier principe du vaccin préalable, sous peine de ne pouvoir prétendre à des renforts suffisamment nombreux.


Les étudiants rapatriés

44 étudiants vont être placés de manière prioritaire sur le vol du 5 avril en provenance de Métropole, trois vols ayant été annulés depuis le début du confinement. De mai à juillet, des quotas réservés aux étudiants sont prévus pour anticiper la période des vacances scolaires métropolitaines.


Les chiffres

  • 63 cas de Covid-19 depuis le 7 mars.
  • 121 depuis le 18 mars 2020.
  • 13 personnes hospitalisées dans l’unité Covid-19 dont six patients de Wallis et Futuna en réanimation (zéro de Nouvelle-Calédonie).
  • 110 personnes en quatorzaine.
  • 8 441 personnes vaccinées.
  • 22 313 ont reçu la première injection.
  • 30 754 doses injectées.

Quatre patients évasanés depuis Wallis-et-Futuna

Les forces armées de Nouvelle-Calédonie ont effectué deux vols d’Évasan, les 25 et 29 mars, pour quatre patients Covid-19 en provenance de Wallis- et-Futuna. À bord du Casa, une équipe médicale d’Europ Assistance, un médecin aéronautique et une infirmière de la Direction interarmées du service de santé (Diass). Les trajets aller ont été valorisés par du transport de fret, principalement médical. À leur arrivée à La Tontouta, les patients ont été transférés à l’unité Covid-19 du Médipôle. Les Fanc ont également livrés des tentes en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

C.M.

©C.M.