Quelle politique monétaire en Nouvelle-Calédonie ?

La monnaie est une compétence régalienne qui reste du ressort de l’État. Depuis 2019, une nouvelle politique monétaire nettement plus volontariste est mise en œuvre dans les territoires français du Pacifique.

La politique monétaire est un des outils essentiels de la gestion d’une économie. La Nouvelle-Calédonie, au même titre que Wallis-et-Futuna et la Polynésie française, n’en sont pas maîtres. C’est l’État qui la définit et la met en œuvre au travers de l’IEOM, Institut d’émission d’outre-mer, banque centrale des territoires ultramarins. De manière simple, il s’agit de contrôler l’offre monétaire pour stabiliser l’activité économique et donc les prix. Très concrètement, en Nouvelle- Calédonie, cette politique consiste à favoriser l’accès des banques aux liquidités afin de financer davantage les projets et de générer de l’activité économique.

De manière un peu simpliste, si l’économie connaît, par exemple, une surchauffe avec une augmentation de l’inflation, il peut être souhaitable d’avoir une politique monétaire restrictive pour freiner un peu l’activité et ralentir la progression des prix. Depuis 2019, l’IEOM a engagé une politique sensiblement plus volontariste qui permet aux banques de financer davantage l’économie. Une nécessité dans un contexte difficile pour les territoires du Pacifique, même si la Polynésie française est parvenue à retrouver une trajectoire plus positive.

Réescompte et refinancement

Pour ce faire, l’IEOM dispose essentiellement de deux leviers : le réescompte et le refinancement. Le réescompte offre la possibilité aux banques de confier une créance (un prêt accordé à une entreprise) sur un temps donné à l’IEOM. En contrepartie, l’institut apporte des liquidités à la banque lui permettant de réaliser de nouveaux crédits. Le dispositif a sensiblement évolué avec un assouplissement, voire la disparition de nombreux critères qui l’encadraient (certains types de crédit étaient éligibles dans certaines zones géographiques…). L’idée du réescompte demeure toutefois d’encourager le financement des investissements de développement. Lorsque la banque y a recours, elle a l’obligation d’appliquer un taux de 2,75 % au crédit. Si ce système est apprécié, il reste plutôt anecdotique.

Une politique monétaire commune à l’ensemble des territoires du Pacifique

C’est moins le cas du refinancement dont les montants sont beaucoup plus importants. Pour les banques, il ne s’agit plus de confier un seul crédit, mais tout un ensemble appelé « créances collatérales » qui seront ainsi transférées en gage à l’IEOM pendant plusieurs mois. Comme le dispositif fonctionne sous forme d’appels d’offres, l’institut propose une enveloppe et en attribue une partie à chaque banque en fonction de ses créances collatérales. Fin 2019, le premier appel avait porté sur des créances à six mois. L’année suivant, la durée s’est allongée à 12 mois, puis 24 et enfin 36. Le dernier appel d’offres en date remonte au tout début d’année pour un montant de 25 milliards de francs sur trois ans avec, donc, un taux à zéro %. Un détail qui n’en n’est pas un puisque lorsque les banques calédoniennes vont chercher de l’argent auprès de leurs maisons mères en, Métropole, cela leur est bien souvent facturé. Pour se faire une idée, il y a quelques années, ces dispositifs représentaient à peine 2 % du bilan des banques. Une part qui tourne autour de 8 à 9 % aujourd’hui.

Si ce système produit des effets, ces derniers n’ont jamais vraiment été mesurés et le fait qu’il soit strictement le même pour tous les territoires de la zone Pacifique pose la question de la coordination des politiques économiques de la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, compétentes dans ces domaines, et cette politique monétaire définie par l’État.

Pour pouvoir bénéficier de ces dispositifs, les entreprises doivent déposer leurs comptes auprès de l’IEOM qui procède alors à une cotation des risques de défaut de ces entreprises. Elle a un impact important sur le dispositif de refinancement puisqu’en fonction de la note, les créances collatérales n’ont pas la même valeur. Moins la note globale de l’entreprise est élevée, plus l’IEOM décote la somme attribuée en contrepartie des créances collatérales. Selon l’institut, les entreprises sont particulièrement volontaires pour être cotées et déposent bien volontiers leurs comptes. Au total, les données reçues représentent environ 90 % du chiffre d’affaires des entreprises calédoniennes, peut-être davantage que celles reçues par le tribunal mixte du commerce où le dépôt est pourtant obligatoire. En 2017 seulement 40 % des entreprises remplissaient cette obligation légale.

M.D.

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