Quelle mine pour demain ?

Quel visage aura l’exploitation minière de demain ? C’est cette question que s’est posée le Centre national de recherche technique « nickel et son environnement ». Pour y répondre, le CNRT a lancé le programme « Mine du futur-automatisation de la mine et mutualisation des moyens » qui devrait s’achever d’ici la fin de l’année.

L’exploitation minière a connu de profondes mutations, en Nouvelle-Calédonie comme ailleurs. De la barre à mine à la mécanisation d’après-guerre jusqu’au recours au drone pour réaliser des opérations de topographie, le développement des techniques a eu un rôle important pour l’activité minière. Les préoccupations environnementales poussent aujourd’hui, en parallèle de la digitalisation des économies, à revoir les procédés employés afin d’en réduire les conséquences négatives pour l’environnement et le climat. C’est dans le but d’anticiper les évolutions à venir que le CNRT a engagé un programme de recherche, « Mine du futur-automatisation de la mine et mutualisation des moyens », en 2019. Si le programme a pris du retard avec la crise de l’épidémie de Covid-19, la première des deux missions a pu être conduite et le rapport final devrait pouvoir être présenté d’ici la fin de l’année.

Comme le souligne Didier Grosgurin, le directeur de la société Ore qui gère l’équipe d’experts de Mines ParisTech, de l’IMT Mines Alès, Mines Nancy et de l’UQAT, l’université du Québec, « toutes les entreprises minières ne sont pas au même niveau ». Une différence de niveau tout particulièrement entre les groupes et les plus petites sociétés, dont les moyens sont très clairement différents. Des différences également marquées entre la situation en Nouvelle-Calédonie et l’extérieur. « Il existe par exemple au Canada une culture minière importante, souligne le coordinateur du projet. Les Canadiens sont plutôt en avance sur nous tant sur les sujets techniques que sociaux. Ils ont notamment réussi à intégrer l’ethnie première dans l’exploitation des ressources. »

Des freins à lever

En toile de fond de ce programme se dessine le besoin de matières premières pour accompagner l’explosion du numérique. La demande de produits miniers augmente avec l’augmentation de la population, la multiplication des usages du numérique et le développement de certaines industries comme celle des véhicules électriques. Un constat qui peut paraître contradictoire avec l’objectif de transition écologique. Pour les mineurs, l’enjeu est avant tout la compétitivité pour abaisser les coûts de production. « L’industrie minière doit innover pour améliorer sa performance opérationnelle et extraire le maximum de métal en manipulant le moins de terre possible », souligne Didier Grosgurin.

Le premier volet de l’étude a consisté à réaliser un état des lieux de la maturité digitale des miniers et de dresser le portrait numérique des compétences du personnel. Un questionnaire a ainsi été adressé aux différents centres miniers. Il en est ressorti une certaine appétence du personnel pour les outils numériques mais aussi la peur de voir intégrer ces outils dans le travail, de ne pas être à la hauteur de relever le défi et de ne pas être accompagné au travers de formation. En matière d’état des lieux, si l’automatisation et la digitalisation font l’objet d’expérimentations, elles demeurent encore balbutiantes. Un test de centre de contrôle à distance a notamment été réalisé. L’idée est de pouvoir suivre en temps réel les conducteurs d’engins pour améliorer la sécurité. Certains capteurs analysent l’attention des rouleurs et permettent de réduire les risques d’accident.

Quel accompagnement des institutions ?

Comme le souligne le gérant d’ORE, la faiblesse de l’écosystème minier et numérique en Nouvelle-Calédonie ne facilite pas la digitalisation de l’activité. Pour les grosses sociétés rattachées à des groupes, les choses sont plus simples dans la mesure où elles peuvent compter sur des ressources extérieures et les économies liées à la taille des structures. Pour les petites entreprises, développer des outils numériques personnalisés représente un coût trop important, sans compter qu’elles ne savent pas vraiment à qui s’adresser.

La deuxième phase de l’étude, qui a pris un léger retard, consiste à se pencher sur l’aspect sociétal et institutionnel. Il est question de voir quelles peuvent être les possibles implications des institutions dans l’accompagnement de cette transition. Le numérique nécessite des infrastructures de télécommunications performantes. C’est plus ou moins le cas sur la côte Ouest, mais nettement moins à l’Est. Le but du travail est de voir quels sont les besoins des industriels et comment les collectivités peuvent aider à y répondre. Débordant légèrement du cadre, l’équipe de recherche a également examiné les nouvelles technologies employées en matière de transport qui se développent un peu partout dans le monde. C’est le cas d’engins hybrides qui permettent de « verdir » un peu plus la mine.


Une mine assistée par ordinateur

En Nouvelle-Calédonie, la mine du futur pourrait être assistée par ordinateur. Les données topographiques et les relevés de teneur permettront (c’est déjà le cas en réalité) de modéliser les filons. Équipées de GPS haute-fidélité, les pelles sauront très précisément où creuser pour assurer une production à une teneur donnée en évitant donc la production de stériles. Aujourd’hui, l’exploitation de certaines mines se fait encore au jugé et nécessite un opérateur expérimenté. Les capteurs installés sur les véhicules réduiront les opérations de maintenance et assureront une meilleure maîtrise de la consommation de carburant. Les centres de contrôle, plus nécessairement sur mine, auront la charge de surveiller les opérations, notamment en matière de sécurité des personnes, mais aussi de l’environnement grâce à des drones ou des capteurs sur les ouvrages sensibles. Les responsables de centre pourraient, par exemple, avoir une application leur permettant de savoir en temps réel quelle est la production, quand le minerai pourra être à disposition de l’usine et, pourquoi pas, à quel coût.

M.D.

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