Quel avenir pour le Cese ?

Le Conseil économique, social et environnemental s’est réuni vendredi pour la dernière séance de la mandature. À l’ordre du jour, le vote d’une « contribution » avec des pistes d’évolution pour que la quatrième institution du territoire puisse mieux représenter et porter la voix de la société civile.

C’est visiblement ému que le président, Daniel Cornaille, a conclu la dernière séance de cette mandature entamée en 2016. Mais avec une impression de travail accompli. « Malgré nos différences, on a toujours cherché le consensus au nom de l’intérêt général et la réduction des inégalités. C’est une grande satisfaction. Dans le contexte actuel, je pense que c’est important que

la société civile puisse donner cet exemple. » Durant cinq ans, le Cese a rendu 177 avis et vœux sur des sujets aussi divers que les violences faites aux femmes, les modalités de la construction, la protection des aires marines, ou encore des contributions en autosaisine, comme récemment sur la crise sanitaire (e-éducation, e-santé).
Mais après trente ans d’existence, l’institution née avec les accords de Matignon-Oudinot (à l’origine le Comité économique et social) et remaniée lors de l’Accord de Nouméa se trouve à la croisée des chemins. Qu’adviendra- t-il en effet du Cese dans la prochaine étape institutionnelle ? Nul ne le sait.
Par ailleurs, son mode de fonctionnement, et en particulier la désignation de ses représentants par les institutions, a fait l’objet d’une énième polémique en l’occurrence autour des choix de la province Sud pour la prochaine mandature, ce qui vient encore questionner sa légitimité. « Des turbulences » qui prouvent aussi, selon le président, « que le Cese tant décrié a beaucoup d’importance » et qu’il constitue bien « un lien avec la population et les gens qui votent ».
De fait, les conseillers sont unanimes pour réaffirmer la pertinence de cette institution, mais pensent aussi qu’elle doit évoluer pour consolider sa capacité à représenter et porter la voix de la société civile et s’ancrer au cœur du débat législatif.
C’était tout l’objet de la commission spéciale qui a travaillé durant neuf mois sur une réforme de l’institution, adoptée vendredi et destinée au public et aux décideurs politiques auxquels il appartiendra de modifier ou non ses statuts.

Dérives

La priorité est que « la société civile se sente vraiment représentée par le Cese, par les organismes y siégeant et les domaines couverts par l’institution », pose Françoise Kerjouan, rapporteure de la commission spéciale qui a élaboré ce rapport. Pour cela, le Cese doit en premier lieu réaffirmer son caractère apolitique et indépendant. « Dans le cadre de la démocratie participative, il doit y avoir une étanchéité », insiste Jean-Pierre Flotat, président de la commission spéciale. Or parmi les critiques fréquemment avancées, au-delà d’ailleurs des dernières polémiques, figure effectivement l’interférence politique avec des « suspicions de récompense, de compensation, d’obédience, d’opposition, de sanction par les pouvoirs politiques, avec des désignations sans rapport avec les attentes légitimes de la société civile ».

Le Cese propose que ce ne soient plus les institutions qui désignent les associations ou les syndicats, selon leur bon vouloir, mais que ceux- ci posent leur candidature et qu’ils répondent à un certain nombre de critères objectifs comme « l’ancienneté, la représentativité, le champ de compétence et l’action au quotidien ». C’est sur cette base que les institutions pourront établir leur liste. Au passage, il est proposé que les organismes désignent chacun deux représentants, un homme et une femme, pour espérer respecter la parité. Aujourd’hui, le Cese ne compte que huit représentantes sur 41 conseillers au total. « Le système de désignation actuel fait que l’on arrive à ces situations puisque ce sont souvent des hommes qui sont à la tête de ces instances », regrette à ce sujet Jean-Pierre Flotat.

Il est par ailleurs proposé qu’une place de droit soit accordée à 10 organisations syndicales et patronales, les plus représentatives « pour garantir leur nomination indépendamment du pouvoir politique ». Le remplacement des neuf fameuses « personnalités qualifiées » du gouvernement par des organisations d’intérêt territorial (à raison d’une par domaine dont le handicap et la dépendance, le social, l’environnement, le consumérisme, etc.) n’a, en revanche, pas obtenu de consensus, tout comme l’extension

des incompatibilités aux membres de cabinet et collaborateurs politiques, le raccourcissement de la durée du mandat à trois ans, ou encore la fixation d’un âge maximum à 70 ans (85 % de ses membres sont âgés de plus de 50 ans), autant de propositions qui auraient pourtant permis de dépoussiérer la structure. Leur mention figure néanmoins dans le document.

Prise en considération

Pour être totalement représentatif, il est également estimé qu’il faut pouvoir intervenir dans les domaines couvrant l’ensemble de la société. Les conseillers proposent ainsi d’élargir les compétences du Cese aux finances publiques, aux contrats de développement, à l’évaluation des politiques publiques, à la culture ou aux grands sujets de société, comme la fin de vie ou le don d’organes qui ne « redescendent pas » à la société civile.

Autre problème central, le peu de prise en considération des avis de la quatrième institution du territoire (à l’instar, d’ailleurs, des avis du Sénat coutumier). Pour Françoise Kerjouan, le Cese n’est tout simplement « pas écouté ». De fait sur la dernière mandature, seules 8 % de ses recommandations ont été prises en compte et intégrées dans les projets de loi soumis au Congrès selon Les Nouvelles calédoniennes. Les représentants n’ont même pas systématiquement l’opportunité d’exposer l’avis du Cese devant le Congrès…

Pour s’assurer d’alimenter le débat politique et enrichir le processus législatif, il est proposé que les avis, souvent favorables, soient soumis à la condition que leurs recommandations soient prises en compte. Ce qui est rarement le cas même si, politiquement, « quand l’avis est favorable la majorité qui a proposé le texte fait valoir le fait qu’il est en accord avec le Cese et à l’inverse, c’est l’opposition qui nous utilise », comme l’explique Jean-Pierre Flotat.

Notons pour conclure, que les conseillers ont produit une contribution similaire sur le fonctionnement interne du Cese pour « davantage et mieux produire ». Selon Daniel Cornaille, le Cese « a besoin d’entrer dans un nouveau monde et de reformes comme ailleurs et je crois qu’on est sur la bonne voie et que ceux qui nous dirigent comprendront tout l’intérêt d’avoir une telle institution dans le paysage démocratique de la Nouvelle-Calédonie ».


Pour être président, « il faut être fin psychologue »

Le poste de président du Cese n’est pas de tout repos, comme l’a constaté Daniel Cornaille. « Parvenir à se faire entendre des gens diamétralement opposés au départ, c’est un exercice intellectuel et personnel important, il faut avaler quelques couleuvres et donner des augments aux uns et aux autres pour justement trouver des solutions pour toute la population. Cela a vraiment été passionnant, mais aussi un peu usant. » Au fond, résume-t-il, « pour être président d’une association comme le Cese, il faut être fin psychologue ». Après un « petit break », celui qui a fait trente ans de bénévolat n’entend pas rester inactif. « Je viens du sport donc je vais rester dans le sport. Je suis président d’un club cycliste, le VCC Mont-Dore. Et si je peux rendre service ailleurs aux jeunes, aux vieux, je serai là », conclut Daniel Cornaille.