Quel avenir pour la Maison du livre ?

L’association souffre d’un manque de financements. Elle pourrait disparaître à la fin de l’année, au regret des acteurs de la filière du livre, qui plaident pour une vision politique du secteur.

À l’image d’autres associations culturelles comme le Châpito et le Poemart, la Maison du livre de Nouvelle-Calédonie est en danger. « La situation est critique parce que les subventions du gouvernement ont baissé de moitié cette année », déclare Alice Pierre. Or, ces fonds permettent de financer le fonctionnement de la structure, qui repose essentiellement sur la prise en charge d’un poste de salarié. « Cela remet en cause l’existence même de l’établissement. » La directrice a demandé l’autre moitié de la somme dans le cadre du budget supplémentaire, mais n’a « toujours pas de réponse ». Afin « d’interpeller les institutions pour trouver une solution », Alice Pierre a mis en ligne une pétition le 2 juin qui avait recueilli, mercredi 8 juin, environ 140 signatures.

Soutien à la filière

L’établissement soutient l’ensemble du milieu du livre, qui en a besoin dans un contexte compliqué. Le Silo, Salon international du livre océanien, événement le plus connu du grand public, est un bon exemple. Outre la mise en lumière de la littérature locale, il fédère les acteurs du secteur et joue un rôle économique à travers, notamment, la librairie mise en place par Calédo Livres. « En 2020, elle a récolté ce qui représente près de deux mois de chiffre d’affaires, témoigne Alice Pierre, ce qui lui permet de vivre. Sans le Silo, c’est toute une filière locale qui s’écroule. J’ai du mal à comprendre qu’on ne s’attache pas à développer cette économie. »

C’est cela, la Maison du livre, « une énergie mise au service des différents métiers et de la promotion de nos ouvrages », témoigne Auriane Dumortier, présidente de l’association des éditeurs. Un outil sur lequel s’appuie aussi l’association des écrivains, présidée par Alexandre Rosada. « La structure impulse une orientation générale et on s’inscrit dans ses objectifs, une politique d’accès à la littérature et à sa diffusion. Si elle disparaissait, qui prendrait en charge ses missions ? »

« Un positionnement politique »

Le plus difficile à gérer pour Alice Pierre, qui se sent « démunie », c’est « le silence depuis six mois » de la part des institutions. « On ne peut pas rester comme ça, sans savoir, et laisser pourrir les choses, on ne veut pas couler sans rien dire. Qu’est-ce qu’on fait pour que la structure survive ? Il faut un positionnement politique. » Une absence de vision que regrette également Auriane Dumortier. « Il faut déterminer ce que l’on veut faire de la culture et surtout du livre, et avec quels moyens. » Et « redéfinir qui fait quoi », « le gouvernement veut-il faire jouer à une autre structure les missions remplies par la Maison du livre ? », interroge Alexandre Rosada.

Autant de questions qui trouveront peut-être un début de réponse lors d’un entretien qu’Alice Pierre doit avoir avec Mickaël Forrest, membre du gouvernement en charge de la culture, lundi.

 


Création en 2007

C’est à Déwé Gorodey que l’on doit la création de la Maison du livre de la Nouvelle-Calédonie, un symbole. « Il y a une histoire derrière cette institution », glisse Alice Pierre. L’association, qui a vu le jour en 2007, regroupe les acteurs du secteur : écrivains, illustrateurs, éditeurs, libraires, diffuseurs-distributeurs et bibliothécaires.

En 2010, elle met en œuvre ses missions : structurer et coordonner la filière sur l’ensemble du territoire. L’établissement organise le Silo, durant lequel sont remis les prix Popaï, et mène des actions de sensibilisation autour du livre.

 


À la recherche de nouveaux locaux

Alice Pierre a commencé à faire les cartons et à vendre quelques meubles de la Maison du livre, qui va devoir quitter la salle Eiffel qu’elle occupe à Bernheim, à Nouméa, en raison des travaux de rénovation qui vont être menés à la bibliothèque à partir de la fin de l’année. L’établissement cherche des locaux temporaires et ne dispose pas de budget pour payer un loyer. Il lance donc un appel à un partenariat pour la mise à disposition d’un espace pouvant accueillir deux bureaux, les charges pouvant être mutualisées. « J’ai des pistes », glisse la directrice.

 


Une crainte avec la réforme de la TGC

La directrice a envoyé un courrier au gouvernement afin d’exprimer ses inquiétudes quant au sort qui sera réservé au livre dans le cadre de la réforme en cours. Alice Pierre milite pour que l’exonération de TGC soit maintenue.

 

Anne-Claire Pophillat (© A.-C.P.)