Profond malaise dans la police nationale

Après plusieurs mobilisations ces dernières semaines, l’intersyndicale, représentant 80 % des agents de la police nationale, n’a pas été entendue. Restés sans nouvelle de leur ministère de tutelle, ils ont donc réitéré leur principale revendication : le départ du directeur territorial de la police nationale et de son adjointe.

En tout, ils représentent 80 % des effectifs de la police nationale en Nouvelle-Calédonie, soit environ 600 agents. Les représentants d’Unité SGP-FO, d’UNSA police, du syndicat autonome de la police en Nouvelle- Calédonie, du STKE police, de la Fédération des fonctionnaires et de l’UATS-Unsa étaient réunis en intersyndicale, le 26 octobre, afin de demander un entretien au ministre des Outre-mer de façon à pouvoir lui exposer la situation de la police nationale sur le territoire. Une situation qu’ils jugent critique affirmant que la souffrance des agents n’est pas une priorité de la direction ni du haut- commissaire, Laurent Prévost, qui représente sur le territoire leur ministère de tutelle.

Comme l’a rappelé Anne-Laure Gautier, la secrétaire territoriale de l’UATS-Unsa, ce mouvement, qui a commencé le 21 septembre dernier, vient de la base et pas des responsables syndicaux. À quelques jours du référendum, ils étaient près de 130 agents sur les quelque 260 que compte le service de la sécurité publique à être en arrêt maladie. En réponse, ils ont simplement eu droit au « silence », alors que les textes prévoient « la tenue d’une cellule de veille et d’un CHSCT* en urgence ». Responsables, les agents avaient repris le service pour assurer le week-end de la consultation du 4 octobre.

Absence de dialogue social

Ce malaise existe depuis près de deux ans, date de la prise de fonction de l’actuel directeur. La liste des griefs et des interrogations est longue et c’est pour cette raison que l’intersyndicale souhaite rencontrer le ministre des Outre-mer et son conseiller à la sécurité, face au mutisme du haut-commissaire. Pire, les responsables syndicaux rapportent la nomination d’un ancien agent sexagénaire du haut-commissariat qui avait pourtant fait l’objet d’un signalement pour discrimination. Son passage aura été de courte durée, selon les syndicalistes, après que cette personne ait tenu des propos racistes.

Une visioconférence avait été proposée par le cabinet du ministre, le 20 octobre, une entrevue qui n’a finalement pas eu lieu, le haut-commissaire ayant, disent-ils, imposé la présence de sa directrice de cabinet. Une présence qui n’aurait pas permis, selon les syndicalistes, de s’exprimer librement et de faire part de leurs doléances à l’autorité ministérielle.

Le collectif relève, par ailleurs, qu’une entrevue de 45 minutes leur avait été accordée, tout comme pour le syndicat Alliance. Une égalité qui étonne l’intersyndicale représentant 80 % du total des effectifs. Les six syndicats qui, pour certains, ont un positionnement en faveur de l’indépendance de la Nouvelle- Calédonie y voient un favoritisme pour des raisons politiques, Alliance étant un syndicat de droite. « Nous ne faisons pas de politique, martèle Anne-Laure Gautier. De notre côté, nous restons sur le terrain syndical. »

Discrimination du personnel local

De fait, outre le départ de la direction, l’intersyndicale dénonce « le manque de valorisation des ressources humaines locales. On nous laisse clairement sur la touche. Les séjours (l’arrivée de personnel en provenance de Métropole) arrivent par charters et ce sont des gens qui sont aussi formés que les gens d’ici et c’est au détriment des locaux. Nous avons des outils comme l’école de police, pourquoi ne pas s’en servir ? » Pour appuyer son propos, le collectif donne l’exemple de deux agents venus en 2019 pour assurer des formations. « À peine arrivés, ils ont dû repartir en Métropole pour suivre la formation de formateur ! », s’étrangle les responsables syndicaux. Un déséquilibre qui se retrouve également dans l’avancement et le partage des postes à responsabilité, le manque de formation, sans parler de la rupture d’égalité entre les agents de sécurité locaux qui ne sont pas indexés et les gendarmes adjoints volontaires, de l’indemnité d’éloignement dont bénéficient les agents métropolitains sur le territoire, mais pas les agents calédoniens envoyés en Métropole et qui peut représenter quatre à cinq salaires.

À la dénonciation de ces dysfonctionnements, s’ajoutent des questionnements sur la suppression de l’ITR, l’indemnité temporaire de retraite, l’indexation des fonctionnaires ou encore le statut des fonctionnaires d’État, au lendemain du référendum de 2022 et plus particulièrement en cas de oui. Autant d’interrogations qui restent lettre morte auprès de la direction, mais également du haut-commissariat comme du ministère de l’Intérieur.

* Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail


Une organisation en cours d’expérimentation

Au-delà de la personnalité des dirigeants, l’intersyndicale demande à être associée aux prises de décision. Elle affirme que c’est ce qui avait été promis lors des discussions pour la réorganisation des services de police en 2019. À l’instar de la Guyane et de Mayotte, une expérimentation est actuellement en cours en Nouvelle- Calédonie depuis le 1er janvier. L’idée est de rassembler les différents services au sein d’une même direction, donc sous l’autorité d’une seule : la Direction territoriale de la police nationale de la Nouvelle-Calédonie. La lettre de mission précisait que les syndicats devaient être associés, ce qui n’a finalement pas été le cas et, selon eux, s’est même traduit par une mise sur la touche.

M.D.

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