Pression du monde agricole

Agriculteurs et éleveurs étaient de retour devant le gouvernement, mardi, pour dénoncer le « manque de considération » des élus envers la profession actuellement mise à rude épreuve. Ils ont été visiblement entendus : l’exécutif tentera d’élire un représentant du secteur mardi prochain et a promis un ajustement des coupes budgétaires annoncées pour 2020.

La chaleur écrasante n’a pas atténué les ardeurs de ces travailleurs acharnés. Mardi midi, éleveurs et agriculteurs de toute la Grande Terre et des Îles ont quitté leurs terres et leurs bêtes pour faire entendre leur voix, route des artifices, alors que se réunissait le gouvernement collégial. Première revendication : que l’exécutif nomme enfin un membre en charge du secteur !

La semaine dernière, une délibération proposant la candidature de Christopher Gyges au poste laissé vacant par Philippe Germain au mois d’août, n’avait pas recueilli le nombre de voix suffisantes. Cette fois, le sujet n’était même pas inscrit à l’ordre du jour. De quoi faire perdre patience à ces professionnels qui ont réussi à se mobiliser en nombre malgré la sécheresse et les feux qui leur rendent la vie particulièrement difficile en ce moment. « C’est du jamais vu, ça fait huit mois qu’on nage dans le flou, tous les secteurs ont un représentant ! Il nous faut un interlocuteur. C’est leur rôle, ils sont payés pour cela ! », s’est alarmé Stephen Moglia, éleveur à Moindou et Sarraméa, membre du Conseil des organisations professionnelles agricoles (Copa) qui vient tout juste d’être créé.

Rôle central

La situation est d’autant plus alarmante qu’une baisse de 33 % du budget alloué à l’agriculture a été annoncée dans le cadre du projet de budget primitif de la Nouvelle-Calédonie pour 2020, voté la semaine dernière par le gouvernement et déposé sur le bureau du Congrès pour un vote au 26 décembre. Les coupes budgétaires concernent la réaffectation, pour un an, de la taxe sur les assurances et de la taxe de soutien aux produits et agroalimentaires ( TSPA) versées à la Chambre d’agriculture et à l’Agence rurale, ainsi qu’une baisse d’un milliard de francs de subventions à l’Agence rurale.  « Nous ne sommes pas contre des restrictions vu le contexte, mais c’est énorme. Il y a des grosses structures qui sont impactées. On parle de suppressions de postes. C’est grave. On ne peut pas faire sans les techniciens, la filière a besoin de tout le monde », poursuit Stephen Moglia.

Et sur ces problématiques, l’absence d’interlocuteur est ressentie comme un double affront. « Nous sommes tout simplement mis à l’écart des discussions qui engagent notre avenir et les décisions sont prises de façon arbitraire », juge Franck Soury-Lavergne, producteur à La Foa, également membre du Copa. « Nous, ce qu’on veut c’est justement être autour de la table parce qu’on peut apporter des solutions », renchérit Gérard Pasco, le président de la Chambre d’agriculture.

Le manque de reconnaissance est incompréhensible dans les rangs de la manifestation où l’on rappelle le rôle central de ces métiers pour l’alimentation, l’environnement, l’emploi en brousse… « On fait des efforts surhumains, on se remet en question tous les jours sur notre responsabilité envers les consommateurs, mais on se fait attaquer de toutes parts ! », regrette Franck Soury-Lavergne. Les professionnels réclament de la visibilité et la fin des « petits arrangements » politiques. « On sait bien où nous trouver en période électorale et là, on est complètement ignoré », regrettent-ils.

Promesses

Une délégation a finalement été reçue au gouvernement par Thierry Santa, Philippe Germain, et les deux candidats au poste de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Christopher Gyges et Jean-Louis d’Anglebermes. La semaine prochaine deux délibérations seront proposées avec l’un ou l’autre choix. Thierry Santa est lui-même venu à la rencontre des agriculteurs pour dire que les élus « voteront en leur âme et conscience » et « assumeront leur responsabilité ». Il faudra recueillir six voix sur onze membres pour être désigné.

Thierry Santa a ajouté qu’un amendement serait proposé au Congrès pour rajouter 400 millions de francs au bénéfice de l’Agence rurale. « Après une analyse plus fine de la situation, nous avons constaté que l’impact serait beaucoup plus dur qu’on ne le pensait. » Il y aurait donc une perte de 600 millions de francs pour l’Agence au lieu de un milliard. Ces mesures, a tenu à préciser le président, seront ponctuelles, elles ne concerneront que l’exercice 2020 sachant aussi que des réajustements seront possibles lors des budgets supplémentaires.

L’objectif reste de « participer à l’effort que nous demandons à tous pour avoir un budget équilibré » en raison d’un manque de recettes. Thierry Santa a terminé par ces mots rassurants : « Le gouvernement a parfaitement conscience de l’importance du secteur de l’agriculture pour la Nouvelle-Calédonie. On n’est pas là pour casser qui que ce soit même si ces mesures, je le comprends, sont difficiles à absorber ».

C.M.