Présidence Germain : quel bilan ?

Dans une vidéo publiée sur Facebook, à l’aube des élections provinciales, le président du gouvernement a annoncé aux Calédoniens qu’il souhaitait « prendre du recul » pour se consacrer à sa famille. Retour sur un mandat mouvementé à la tête de l’exécutif.

Une simple vidéo enregistrée dans son bureau, un message lu au prompteur… Philippe Germain a publié depuis le Vanuatu son message aux Calédoniens annonçant sa prise de recul après quatre ans à la tête de l’exécutif, « un travail éprouvant, mais passionnant ». Le président du gouvernement s’est dit « honoré et heureux d’avoir servi la Nouvelle-Calédonie », « la plus belle des missions » à ses yeux.

Après avoir remercié les membres du gouvernement collégial, de son cabinet, des directions territoriales, des provinces et du Congrès, il s’est exprimé sur l’avenir institutionnel ce que sa fonction, a-t-il souligné, ne lui permettait pas. « Nous arrivons au terme d’un processus démocratique qui a été une chance pour notre petit territoire, et il appartiendra aux nouveaux élus d’écrire la suite », une suite qu’il souhaite pour sa part « au sein de la République ».

« Recul »

S’il n’a pas ému les Calédoniens, ce message de Philippe Germain a néanmoins surpris. Le gouvernement achèvera son mandat le mois prochain avec les élections provinciales et l’exécutif sera par conséquent renouvelé. Ce que nous a dit Philippe Germain est finalement plus personnel : entre les lignes, on comprend qu’il ne briguera pas de poste de premier plan à l’occasion de ces élections provinciales et qu’on ne le reverra pas à la présidence ni même au gouvernement si tant est que son parti tire son épingle du jeu dans les urnes. Mais il est à noter qu’il ne parle pas non plus de « retrait » de la vie politique comme d’autres l’ont fait avant lui.

Les observateurs apportent plusieurs lectures à ce positionnement, sûrement toutes avec une part de vérité. Il sera d’abord certainement plus simple pour Calédonie ensemble de faire sans Philippe Germain : il constitue dans cette campagne une cible majeure pour ses opposants. Il catalyse tous les mécontentements. Plus globalement, les partis affichent pour cette échéance une volonté de renouvellement. Un mouvement logique donc, d’autant que Philippe Germain n’est pas un politique de carrière. D’autres évoquent aussi une cote descendante auprès de Philippe Gomès. Mais au final, on peut simplement imaginer que l’intéressé est fatigué et qu’il souhaite effectivement se consacrer à ses proches.

Il faut dire que Philippe Germain aura exercé son mandat en mettant du cœur à l’ouvrage ! On ne pourra pas lui retirer cela. On lui attribue de la pugnacité… et surtout une gouvernance autoritaire, centralisant un maximum le pouvoir et le traitement des dossiers qui ont été nombreux et importants… au point d’étouffer le dialogue social. Cette façon de gouverner aura posé problème à bon nombre de partenaires.

Incompréhensions

Dans son bref message, Philippe Germain ne s’est pas étalé sur son bilan. Il l’avait fait il y a quelques jours par écrit, toujours sur sa page Facebook, et le bilan de mandature avait été présenté, en avance, au mois d’octobre dernier, avec la publication d’une brochure d’une soixantaine de pages.

Cette fois, il a simplement indiqué qu’il s’était « efforcé de redresser les comptes du pays » et d’« amortir la crise majeure du nickel que nous traversons depuis 2015 », que « des réformes importantes et structurantes en faveur de l’économie, de la fiscalité, de la protection sociale, de la jeunesse, de l’environnement » avaient été portées. Philippe Germain s’est dit aussi « conscient que les bénéfices de certaines mesures ne sont pas encore visibles, que certaines mesures n’ont pas été comprises et que beaucoup reste à faire ». Une évidence.

Entrée en matière

Que retenir donc de cette mandature outre l’homme et son impopularité ? Comme un signe avant-coureur d’une période explosive, le mandat de Philippe Germain s’est ouvert sur le conflit des rouleurs, un épisode au cours duquel on a accusé le président de manquer de sang-froid et de charisme. Opposant les rouleurs et les mineurs au gouvernement, ce conflit aura paralysé le territoire durant tout le mois d’août 2015. On se souviendra des barrages, de la fameuse (et bizarre) trace de balle dans la vitre du bureau de la présidence (avec un silence radio depuis sur cette affaire).

Les mineurs demandaient l’ouverture des exportations de minerai pauvres vers la Chine, ils obtiennent finalement l’uniformisation des contrats d’exportation vers l’Australie, l’augmentation des tonnages vers la Corée, le Japon et l’assurance d’associer la profession dans les décisions… À noter que la mandature se ferme avec des autorisations délivrées à la SLN et NMC d’exporter du minerai à basse teneur notamment en Chine. Quatre ans de perdu dit-on… et une SLN en quasi-faillite.

Réformes

À l’heure du bilan, la présidence a surtout insisté sur le nombre important de réformes engagées : 5 665 textes ont été examinés au cours de cette mandature dont 53 avant-projets et 66 projets de loi du pays. Comme nous le disions, face à cette cadence, les partenaires sociaux et les représentants de la société civile ont souvent eu le sentiment d’être ignorés et de ne pouvoir mener des consultations sereines.

Philippe Germain souhaitait essentiellement réformer l’économie et le modèle social, en clair, améliorer les conditions de vie et le pouvoir d’achat des Calédoniens. Force est de constater ici aussi qu’on est loin du succès. La réforme emblématique de ce mandat restera bien sûr l’instauration de la taxe générale sur la consommation, en remplacement de sept taxes avec la réglementation des marges. Si Philippe Germain se félicite de voir les prix baisser, ce n’est pas encore le sentiment des Calédoniens. Le Medef-NC, lui, parle d’une « réforme ratée », qui va à l’opposé du but recherché et met en danger les entreprises et les emplois. Ces derniers jours, le Conseil constitutionnel a contesté certaines de ses dispositions tout comme l’avait fait l’Autorité de la concurrence (également créée au cours de ce mandat). La liste des produits soumis à la réglementation des prix ou des marges est jugée trop vague et la possibilité de pouvoir réglementer les prix dans tous les secteurs et de manière non limitée dans le temps est aussi pointée du doigt.

En matière économique et fiscale, le président met en avant un assainissement des comptes publics, la réforme de l’impôt sur le revenu en 2016 qui a permis une meilleure redistribution (mais aussi de nouvelles niches fiscales), la hausse significative du salaire minimum, l’indexation du minimum retraite sur l’inflation. On regrettera l’échec des négociations autour de la compétitivité, le manque d’évaluation des politiques publiques ou encore les coupes drastiques qui ont touché les secteurs du social et de la culture. Globalement, tous les acteurs économiques s’accordent pour dire que le pays ne va pas mieux. Et les mots sont forts : les patrons disent que nous avons « tous les signes d’un pays en faillite », le BTP appelle à un « sauvetage ». 

Beaucoup de « plans »

Le gouvernement Germain s’est par ailleurs attaqué à la réforme de notre système de santé. Si le plan Do Kamo a été engagé, il est loin d’être achevé et les grands équilibres peinent à être trouvés. Le gouvernement se satisfait néanmoins déjà d’une baisse de la consommation du tabac (- 25 %) et de l’alcool (-20 % sur la bière, – 30 % sur le vin, – 40 % sur les alcools forts) avec pour l’alcool des mesures de restrictions controversées.

Dans un autre domaine, le lancement du projet éducatif pour améliorer la réussite de notre jeunesse est également emblématique de ce mandat. Là encore, beaucoup de controverses et un projet désormais « en panne », selon l’UGPE. Il faudra sûrement attendre plusieurs années pour mesurer ses effets tout comme ceux de la réforme de la formation professionnelle. Il en sera de même pour le fameux plan de prévention de la délinquance et ses 139 mesures soufflées par les acteurs locaux.

Au niveau environnemental, on notera une politique volontariste (schéma pour la transition énergétique, politique de l’eau…) avec notamment la création du parc naturel de la mer de Corail dont la gouvernance a été critiquée, mais qui a néanmoins abouti au classement de nos récifs pristines en réserve.

On terminera par l’intégration régionale qui semble tenir particulièrement à cœur au président, jusqu’aux derniers jours de sa mandature. À ce niveau, Philippe Germain n’a pas lésiné dans le développement des relations avec l’Australie, la Nouvelle-Zélande et en particulier avec le Vanuatu. Des délégués calédoniens ont été recrutés pour siéger dans les ambassades françaises de la région. Comme un avant-goût de la Calédonie « pleinement émancipée » à laquelle aspire si fort Calédonie ensemble.

C.M.

©capture d’écran