« Pour nourrir les hommes, nourrissons les sols »

L’année 2015 est l’Année internationale des sols. Et c’est aussi naturellement l’un des thèmes phare de la Fête de la Science. Une vingtaine de scientifiques apportent ainsi leur éclairage via des tables rondes et conférences sur tout un panel de questions allant des spécificités géologiques des sols calédoniens, à la restauration des sites miniers, en passant par la gestion durable des sols, notamment pour l’alimentation. Dernier sujet que nous avons choisi d’évoquer.  

C’ est une tendance qui se dégage doucement à l’échelle de la planète. Les hommes ont compris que l’usage des sols constituait un enjeu crucial au moins pour la sécurité alimentaire des populations et qu’il était essentiel de repenser notre façon d’utiliser le sol et de produire.

Durant des années en effet, on a intensifié l’agriculture à l’échelle mondiale pour augmenter la productivité et répondre aux besoins grandissants des populations dont l’alimentation provient encore à l’heure actuelle à plus de 90 % du sol. Les machines ont remplacé les hommes, on a compté sur des produits comme les fertilisants et  malheureusement engendré dans le même temps d’importantes dégradations de l’environnement. On a épuisé nos sols avec des impacts sur leur pérennité, la qualité des produits, mais aussi par conséquent sur la qualité de l’eau ou les fonctions écologiques remplies par les sols. Ces derniers contenant plus de carbone que l’atmosphère et la végétation réunie, servent de fait à la lutte contre le changement climatique et son atténuation. Et ils contiennent le quart ou le tiers de la biodiversité se trouvant dans les sols.

C’est tout le sujet évoqué lors d’une table ronde ce jeudi à 18h à l’IRD, par Cédric Le Guillou, chercheur en sciences du sol à l’IAC, Institut agronomique néo-calédonien. Ce dernier aborde les diverses fonctions écologiques remplies par les sols et le défi qui se pose à l’agriculture de demain.

« Le sol au cœur des agrosystèmes »  

« On est dans un contexte bien établi où il y a une augmentation de la population mondiale avec plus de neuf milliards de personnes d’ici 2050. Il va y avoir une augmentation de la demande de produits alimentaires en quantité et en qualité. Donc, il y aura forcément une pression encore plus accrue sur les sols. Et dans le même temps on demande plus aux sols : la production, mais aussi l’intégrité de l’environnement. Pour les préserver durablement, il faut identifier des pratiques culturales capables de concilier productivité et maintien ou restauration, des services rendus par les sols c’est-à-dire des façons de puiser dans leur potentiel naturel pour produire plus et mieux.»

L’occasion pour le scientifique de présenter justement les différentes pistes qui existent actuellement dans l’ « agroécologie » comme, par exemple, l’agriculture biologique ou de conservation qui incluent à leur tour un certain nombre de pratiques. « On estime désormais que le sol n’est plus un simple support mais un écosystème à part entière. On doit s’appuyer sur la biodiversité pour fournir des nutriments pour les plantes. » On peut citer la réduction du travail du sol, la diminution des intrants de synthèse, la couverture végétale permanente, l’apport de matière organique, l’utilisation des effluents d’élevage. Localement, l’Adecal, Agence de développement économique, teste depuis cinq ans des expérimentations sur les FCV, systèmes de semis sur couverture végétale qui exploitent le non-travail du sol et les couvertures végétales. On se penche par ailleurs sur l’agroforesterie qui associe des cultures annuelles et pérennes sur un même espace. Ou encore l’utilisation de légumineuses, de matières organiques comme le bois raméal fragmenté à l’IAC.

Le sol au cœur de la maison 

Ce qui est vrai pour l’agriculture à grande échelle l’est également pour l’agriculture familiale très développée, on le sait, sur le territoire.

Julien Le Breton, permaculteur et ambassadeur scientifique de la Fête de la Science pour la province Sud donnera justement une conférence sur « l’utilisation familiale des sols pour une plus grande autonomie alimentaire » ce vendredi à 18 h à l’auditorium de la province Sud. Selon lui, « les populations comprennent les enjeux actuels et il y a un intérêt réel intérêt pour le faire soi-même et surtout pour des pratiques totalement biologiques. »

Et il n’y a qu’à voir le nombre d’initiatives mises en place localement pour avaliser les propos de Julien Le Breton : les cultures de légumes et les « paniers » récoltés à Moindou, à Nondoué ou Ouvéa ; mais aussi le succès à La Foa de la Journée de transition citoyenne, le 26 septembre.

Permaculteurs individuels, agriculteurs biologiques ou associations comme Biocalédonia et Male’va répondent à la demande comme les institutions agronomiques du territoire.

Mais comment faire justement pour s’improviser en maître des sols et cultiver pour sa famille ou les gens qui nous entourent ?

« L’idée est vraiment de revenir à des pratiques très simples. Regardez comment fonctionnent les sols en forêt. Sans que l’on intervienne ! Il faut laisser faire les choses, ne plus brûler les déchets verts mais les utiliser en compost. »

De nouvelles pratiques assez simples sont présentées comme « les buttes autofertiles qui permettent au bout de six mois ou un an de ne plus intervenir sur les sols, de laisser l’équilibre renaître et les écosystèmes faire leur travail ».

Les personnes qui ont un terrain ont déjà la chance de pouvoir s’investir dans de telles pratiques. Pour les autres, il y a bien sûr les jardins familiaux. Même à Nouméa, on recense les lopins de terre que l’on pourrait utiliser pour cultiver.

C.M

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Le chiffre

L’alimentation des populations mondiales provient à 90 % des sols. 

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Le Village des sciences ce samedi en province Sud

Après Maré et Touho, le Village des sciences sera ce samedi 3 octobre au collège de Kaméré de 8 h à 17 h. Au menu, la visite du vaisseau des sciences biodiversité, des animations scientifiques proposées par les organismes de recherche, des entreprises et des associations, découverte des sols, concours des jeunes scientifiques et concours des Nautiles de l’innovation.