Le bruit courait depuis plusieurs semaines, la maire de la commune l’a amplifié, vendredi 21 avril : le centre minier de Poum et ses 300 emplois sont dans l’incertitude la plus totale.
LA MINE PARTIELLEMENT À L’ARRÊT
Depuis le 3 mars, les opérations d’extraction minière sont largement réduites. « Dans le cadre des péri- mètres aujourd’hui autorisés à l’exploitation, nous n’avons plus de minerai disponible », a déclaré le 21 avril Nathalie Bakhache, secrétaire générale de la SLN.
Les salariés de la Sonarep (la Société de navigation, de roulage et d’exploitation de Poum, une structure à actionnariat populaire créée en 1996), sous-traitant qui emploie les deux tiers des 300 salariés de la mine de Poum, « poursuivent l’extraction mais ont stoppé les chargements », précise Samantha Sumu, déléguée syndicale USTKE.
LES AUTORISATIONS, CŒUR DU PROBLÈME
La direction de la SLN affirme qu’elle a déposé en 2021 une demande d’exploitation portant sur l’ensemble du site de Poum, et qu’elle continue de répondre aux demandes complémentaires de l’administration.
Paul Néaoutyine, président de la province Nord, affirme au contraire que la SLN « n’a plus donné suite à l’instruction » après que ses services ont relevé plusieurs infractions entre 2020 et 2022 (défrichements, sondages et exploitation non autorisés, lire par ailleurs).
Le dossier pourrait se régler au tribunal. « Nous pouvons comprendre qu’un épisode environnemental ait fait l’objet d’interrogations de la part de la province, puisque nous avons constaté à Poum deux hectares de défrichement non autorisé, admet Nathalie Bakhache. Mais le traitement judiciaire du passé ne doit pas s’opposer à ce que la société puisse encore déposer des demandes d’autorisation administrative, qui nous sont par ailleurs régulièrement délivrées, y compris par la province Nord. »
Kouaoua : 27 démissions
Le plan social de Kouaoua (53 suppressions de postes envisagées) a été suspendu le 3 mars, à la suite d’une grève. Depuis, 27 salariés ont démissionné, indique Nathalie Bakhache.
« Le projet me semble devoir être poursuivi, avec l’accord des syndicats, même si ce n’est pas un accord nécessaire. Les effectifs restent quatre fois supérieurs à ce qui est nécessaire pour la réalité de l’exploitation.»
La SLN espère désormais une autorisation en réponse à sa nouvelle demande, qui porte sur une partie seulement du site minier de Poum, le deuxième étage : d’une part le Plateau, d’autre part les Éperons (ou « Spur E »). Si ces demandes étaient validées, les salariés auraient du travail pour « 12 mois ».
UN CHANTAGE À L’EMPLOI ? « JE NE PEUX PAS LAISSER DIRE ÇA »
Si la situation devait encore durer « plusieurs semaines », la direction de la société envisagerait la mise en place du chômage partiel. « Il n’y a pas d’annonce de fermeture, pas de plan social », martèle Nathalie Bakhache qui, cependant, pose elle-même la question rhétorique : « que peut devenir un site minier qui n’exploite plus ? ».
Ce qui revient, pour certains, à un chantage à l’emploi. « Je ne peux pas laisser dire que la SLN pratique un chantage à l’emploi, s’insurge la secrétaire générale. Faute de minerai disponible, nous avons dû arrêter les opérations. Et nous continuons à travailler pour obtenir les autorisations. »
L’EXPORT FÂCHE AUSSI
Poum est monté en puissance à partir de 2020 : la SLN a créé une centaine d’emplois directs à la suite des autorisations d’export de minerai accordées par le gouvernement.
En 2022, la totalité de la production (650 tonnes) a été exportée, ce qui déplaît fortement à la province Nord, ardente défenseure de la transformation dans les usines à capitaux calédoniens.
Le minerai des Plaines est trop pauvre pour les usines locales, insiste Nathale Bakhache, précisant que deux minéraliers (sur 43 depuis 2020) ont été envoyés à Dafang, en Chine, et en Corée, dans les usines partiellement détenues par la province Nord.
Quant au Plateau et aux Éperons, plus riches, « tout minerai compatible avec Doniambo ira en priorité à Doniambo, comme partout ailleurs ».
Gilles Caprais