Pouembout aura son barrage

L’eau est un enjeu majeur pour le développement de la zone VKP. Consciente du problème à relativement court terme, la province Nord a décidé de lancer un grand chantier sur la commune de Pouembout afin de sécuriser l’approvisionnement en eau de la zone. Une phase de concertation est prévue jusqu’en décembre avant que le programme ne soit définitivement arrêté en février 2017. Si le calendrier est respecté, le barrage entrera en service courant 2020.

Le développement de la zone VKP a littéralement explosé dans le sillage du chantier de l’usine du Nord. Sur les trois communes, entre 2004 et 2014, la population a bondi de 8 211 personnes à 13 091, soit une augmentation de près de 60 %. La zone urbaine s’est considérablement étendue, comme en témoignent les nouveaux lotissements et zones industrielles ou artisanales, ainsi que les très nombreux projets encore en attente.

Cette croissance démographique s’est traduite par une augmentation toute aussi importante de la consommation d’eau. En 2013, le siège du syndicat intercommunal à vocation multiple (Sivom), notamment en charge de l’eau, avait été incendié. Un geste probablement en lien étroit avec la révision des tarifs cette année-là et plus précisément la création d’une tranche visant à réduire le gaspillage. La mesure avait conduit à ce que certains usagers reçoivent des factures atteignant le million de francs.

Une zone agricole d’importance territoriale à développer

Au-delà des particuliers, ce sont surtout les agriculteurs qui ont été touchés par cette augmentation. Selon le recensement général agricole de 2012, alors que la population agricole chute en province Nord, elle se maintient sur la zone VKP et connaît même une croissance assez soutenue sur la zone de Pouembout. Cette progression s’explique essentiellement, selon la Chambre d’agriculture, par une importante demande locale. C’est moins le cas de Koné où les exploitations agricoles disparaissent progressivement.

Voh-Koné-Pouembout reste toutefois le centre agricole le plus important de la province Nord. La zone concentre, par exemple, plus de la moitié du cheptel de la province mais est aussi la principale région de production de céréales. Avec Kaala-Gomen, Pouembout représente 380 hectares de culture céréalière, la plus gourmande en eau et la promotion de ces cultures ne risque pas d’arranger les choses.

Ce manque de ressource en eau et l’augmentation des besoins, que ce soit pour l’eau potable ou l’agriculture, ne sont pas des surprises pour les décideurs publics. En juin 2010, la création du comité de gestion de l’eau de Voh-Koné-Pouembout avait précisément vocation à anticiper le moment où la zone se retrouverait en déficit. Selon les derniers chiffres, les besoins en eau potable sont de l’ordre de 11 000 à 14 000 mètres cubes. En période d’étiage, moment de l’année où le cours d’eau est au plus bas, les déficits à couvrir peuvent aller jusqu’à 5 000 mètres cubes. La consommation a donc plus que doublé en à peine cinq ans (elle était de l’ordre de 5 400 m3 en 2012).

Anticiper avant d’être à sec

À ces besoins, il faut ajouter ceux de l’agriculture. À titre d’exemple, une culture de plein champ va nécessiter près de 40 000 litres (40 m3) d’eau par hectare et par jour. Un verger consommera pour sa part 30 000 litres par hectare et par jour. En 2013, le comité estimait que, sur Pouembout, la situation serait déjà gravement déficitaire en 2022, en particulier pour les mois de septembre et octobre. À ce moment-là, plusieurs pistes avaient été envisagées, comme la construction d’un grand tuyau permettant de capter de l’eau de la Népoui, à l’instar de celui du Grand Nouméa, une usine de dessalement d’eau de mer et un barrage, précisément du côté de Pouembout.

Si l’exécutif de la province Nord a retenu l’option du barrage, la plus adaptée aux besoins mais aussi financièrement, il reste encore de nombreux points à régler. Après l’état des lieux, la définition des besoins et des contraintes qui a pris fin au mois de juin, la province est en train de cerner les grandes orientations d’aménagement, en concertation avec la population.

La première réunion d’information aura lieu le 12 juillet, à 17 heures, dans la salle polyvalente de Pouembout. Un site Internet permettant de poser des questions a également vu le jour (www.barrage-pouembout.nc). En février 2017, la programmation devrait être achevée et, si le calendrier est respecté, le barrage pourrait entrer en service courant 2017.

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Quelles solutions ?

La province Nord envisage plusieurs scénarios. Au niveau de l’implantation, quatre endroits possibles ont été identifiés. Tous se situent au niveau de la confluence de la Poualoa et de la Ouendé qui forment la Pouembout. Ces options permettent d’intégrer différents niveaux de besoins. Selon les hypothèses, la retenue d’eau pourrait couvrir entre 30 et 300 hectares (loin des 4 000 hectares du lac de Yaté).

Le barrage devrait permettre de répondre aux besoins estimés entre 10 et 20 millions de mètres cubes d’eau à l’horizon 2050-2070 (AEP et agriculture confondus). Pour faire face, la retenue atteindra un volume de 5 à 30 millions de mètres cubes. La province Nord, qui souhaite un impact environnemental minimal, a travaillé dès le départ avec les associations de protection de l’environnement. Les premières études montrent que les différents sites n’abritent pas d’espèces protégées. En revanche, la Forêt plate, à proximité, est un site important pour les oiseaux.

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Un barrage à usages multiples avec des priorités

Le barrage de Pouembout a deux vocations principales : sécuriser l’alimentation en eau potable et permettre de développer l’irrigation pour l’agriculture sur Pouembout, Koné et, potentiellement, sur Voh. Les sécheresses à répétition ont contraint les agriculteurs de la zone à limiter la surface de leurs exploitations. Actuellement, seuls 500 hectares sont exploités alors que plus de 4 000 hectares de foncier agricole sont potentiellement exploitables sur Koné et Pouembout.

Mais outre ces deux priorités, le barrage offrira d’autres opportunités, à commencer par la production d’électricité. Si la pente est relativement faible, des études préliminaires ont montré que la production électrique était envisageable. Les promoteurs du barrage réfléchissent à un mode (en mode lâché) permettant cette évolution et qui présente l’avantage d’avoir moins d’impact sur l’environnement en recréant un débit variable au cours de l’année à l’image du débit naturel. D’autres activités secondaires, comme l’aquaculture ou les loisirs, sont aussi envisagées.

M.D. / Photo Shutterstock