« Positif » ou « inacceptable » : l’après-Paris vu par les deux camps

Sonia Backes et Gil Brial, vendredi 9 septembre, à leur arrivée à l’hôtel de Matignon. Xose Bouzas / Hans Lucas via AFP)

Lors de la première trilatérale depuis 2019, l’État a donné ce week-end sa vision de l’avenir institutionnel. Le document de travail est jugé imparfait mais prometteur par les loyalistes, « inacceptable » par les indépendantistes. Le gouvernement Macron assure qu’il imposera sa vision début 2024 si les négociations n’aboutissent pas.

« Nous avons décidé de proposer, au nom de l’État, un projet car personne ne le proposait… » Le fameux  « document de travail » n’a pas encore fuité, mais Gérald Darmanin en a toutefois dressé les grandes lignes dans Le Monde du samedi 9 septembre.

Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer propose une « modernisation » des institutions de la Nouvelle-Calédonie qui est loin de relever de la cosmétique. Il est question de changer le nombre d’élus au Congrès réservés à chaque province afin de répondre « aux évolutions démographiques ».

Plus d’élus pour le Sud, moins pour le Nord et les Îles, dans une proportion gardée secrète, mais que le député Nicolas Metzdorf qualifie de « quasiment similaire à un homme, une voix ». Soit un changement majeur : à l’heure actuelle, les îles disposent de sept des 54 sièges (13 %), quand leur population représente moins de 7 % de celle du pays.

Gérald Darmanin entend réaffirmer le droit à l’autodétermination, mais exclut un nouveau vote binaire sur l’indépendance. « C’est aux Néo-Calédoniens de proposer un projet en respectant le choix fait, par trois fois, de rester français. »

Ce référendum de projet devrait être demandé par les deux tiers d’un Congrès certainement plus loyaliste qu’aujourd’hui, contre un tiers actuellement. « C’est une base de départ, ouverte à la discussion », lance le ministre, qui annonce que la réforme constitutionnelle sera votée « en février-mars » et « sera suivie d’un référendum de projet, d’une loi organique adoptée au Parlement, et des élections provinciales, d’ici à la fin de 2024 ».

POUR LES LOYALISTES, IL Y A DU POSITIF

Une « vraie belle étape » a été franchie avec la reprise des trilatérales, non tenues depuis 2019, a déclaré Sonia Backes, dimanche, à Outre-mer La 1ère, reconnaissant une victoire pour le camp loyaliste. L’abandon des référendums aux questions binaires correspond tout à fait à sa position. « Cela fait 35 ans qu’on vit un enfer, avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. On ne veut pas laisser à nos enfants cette incertitude des référendums d’autodétermination, parce que ça fait stagner la Nouvelle-Calédonie et ça nous clive. »

La présidente de la province Sud insiste cependant sur de « vrais points de désaccord » avec l’État, « rédhibitoires », par exemple au sujet du dégel du corps électoral. Nicolas Metzdorf revient pour sa part de Paris avec un sentiment « positif ». « Si les indépendantistes ne reviennent pas sur ce qu’ils ont dit à Paris, ça aura été productif », estime le député de la seconde circonscription.

POUR LE FLNKS, L’ÉTAT EST « SORTI DU BOIS »

À l’issue des rencontres parisiennes, au micro d’Outre-mer La 1ère, Gilbert Tyuienon a qualifié d’« inacceptable » le document de travail produit par l’État, qui « sort du bois (…) parce que le temps presse ». « Darmanin nous a dit que c’était un document martyre… Nous allons le martyriser, vous pouvez compter sur nous pour ça ! »

Le représentant du FLNKS ne retrouve dans les propositions de l’État aucune de celles qui ont été formulées par son camp. Il aimerait que soient précisées les relations entre le futur État et la France – « il n’a jamais été question pour nous d’une indépendance couperet ».

Les indépendantistes souhaitent que le préambule de l’Accord de Nouméa, « dans son esprit et dans sa lettre », soit inscrit dans la réforme constitutionnelle qui définira le nouveau statut de la Nouvelle- Calédonie, « parce que la période qui a été ouverte par les accords était une période transitoire vers la décolonisation du pays ».

Gilles Caprais