Portrait – En devenant cheffe d’entreprise, Christiane Waneissi a trouvé sa voix

Avec la création de la plateforme de vente de robes mission pacifikmarket.nc et l’obtention du label French Tech Tremplin en début d’année, Christiane Waneissi est devenue une figure de l’entrepreneuriat féminin kanak.

« Les femmes prennent la parole avant les hommes avec respect et humilité.» C’est la coutume, ce samedi matin à l’ouverture de la matinée de restitution des travaux menés lors du Noumea Women’s Forum à la province Sud. Christiane Waneissi prend la parole devant le grand chef de La Roche, Hippolyte Sinewami-Htamumu, et le souligne en souriant. Depuis qu’elle a reçu le prix French Tech Tremplin pour sa plateforme de vente en ligne de robes mission, Christiane Waneissi s’exprime. Elle a trouvé sa voie et utilise sa voix. « Il y en a de femmes kanak élues, dirigeantes d’association, cadres, mais peu de cheffes d’entreprise et cela manque. »

Du collège de Havila au consulat de Nouvelle-Zélande

Ce parcours, elle le doit notamment à son éducation, affirme celle qui est née à Lifou en 1972 dans une famille de fonctionnaires de l’Éducation nationale. L’école a toujours fait partie de sa vie. Son passage au collège privé protestant de Havila, où est employé son père, l’a particulièrement marquée. « Il nous a structuré autour de principes et de valeurs. C’était une grande famille. On faisait tout tous ensemble. » Elle arrive ensuite à Nouméa, au lycée Lapérouse, puis à l’université, où elle intègre un cursus anglais. L’étudiante obtient une bourse pour la Nouvelle-Zélande. Plus tard, Christiane Waneissi s’envole pour la Métropole avec Cadres avenir afin d’obtenir un diplôme d’ingénierie culturelle à Toulouse.

De retour au pays, elle devient cheffe de service à la bibliothèque Bernheim avant d’être la première Mélanésienne à occuper le poste de directrice de la culture à la province Sud, en 2004. Toujours à la province, elle coordonne, trois ans plus tard, la coopération régionale. « J’ai tissé beaucoup de liens pendant cette période, comme lorsque j’étais en Nouvelle-Zélande. » La polyglotte, qui parle le drehu, le français, l’anglais, l’espagnol et le bichlamar, gère ensuite le Centre de formation professionnelle (ancien Giep), à Nouville. « J’ai rencontré beaucoup de femmes du Nord et des Îles souvent sans bagage scolaire pour lesquelles le centre représentait la dernière chance et j’ai pris conscience que les femmes kanak continuaient de subir. »

Le design l’a fait connaître

En 2016, après avoir été responsable administrative et financière au consulat de Nouvelle-Zélande pendant deux ans, elle quitte le salariat pour devenir entrepreneure. « Il n’y a pas de hasard dans la vie. Mon grand-père était instituteur de la seule école de Lifou. Il répétait à ma mère que c’est l’instruction qui emmènerait loin ses enfants. Ma mère a commencé à être institutrice en 1958. C’était rare une femme qui travaille, mais quelqu’un lui a donné sa chance et cela a déterminé ma trajectoire. »

Mais Christiane Waneissi veut être indépen- dante, gérer son temps et voir sa fille grandir. « À un moment donné, pour briser le plafond de verre, il faut créer son entreprise. Je me suis dit qu’il fallait se lancer. » Devenue consultante et formatrice, elle aide les associations de femmes à concrétiser leurs projets et est sous-traitante pour des entreprises australiennes et néo-zélandaises.

C’est le design qui la fera connaître. « J’assistais des designers maoris et aborigènes et j’ai participé, en 2019, à la World Indigenous Fashion Week à Vancouver. C’est là que j’ai vu la nécessité de faire connaître la robe mission à l’extérieur. » Christiane Waneissi crée sa start-up en 2020 et est lauréate du French Tech Trem- plin en 2021. « Je suis à l’incubateur mode et luxe. J’apprends sur le métier, la colorimétrie, les techniques de couture, etc. Je vois le potentiel de développement de ce vêtement. »

Ce nouveau statut a eu une conséquence inattendue. Celle d’ouvrir la parole. « J’ai acquis une liberté et je m’implique dans le débat public parce que j’ai envie de parler. Il y a des choses à dire et ça suffit de subir. » Également engagée dans le milieu associatif en tant que vice- présidente de Talents calédoniens, Christiane Waneissi s’investit en tant que citoyenne. « Je n’ai pas de mandat, mais je fais de la politique avec mes actions. »

A.-C.P.

 

©A.-C.P.