Police de sécurité du quotidien : Nouméa, ville test ?

Comme dans toute la France, les concertations ont été lancées en Nouvelle- Calédonie pour la mise en place de la « police de sécurité du quotidien » voulue par le président de la République. 15 villes seront choisies à l’échelle nationale pour expérimenter ce dispositif en 2018 et la Calédonie espère que Nouméa en sera.

C’est l’un des grands chantiers sécuritaires promis par Emmanuel Macron et réaffirmé le 18 octobre dernier face aux forces de sécurité intérieure. Sur la durée de son quinquennat, le Président veut mettre en place une police de sécurité du quotidien (PSQ). Une police « plus proche du terrain, mieux intégrée dans le tissu social des quartiers, mieux à même d’intervenir avec discernement et de traiter les problèmes de proximité ».

Cette police « sur mesure » doit apporter la réponse « la plus adaptée » pour restaurer la tranquillité dans les villes et les quartiers face à la montée de la violence et des incivilités en tout genre qui perturbent la vie quotidienne des Français. Elle doit être adaptée à son environnement qu’il soit urbain, rural, d’outre-mer, avec ses spécificités propre, et recentrée sur ses missions premières, car libérée de certaines tâches. Le dispositif implique concrètement, selon les précisions du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, une « déconcentration de certaines décisions », une « association plus étroite avec les maires et les partenaires locaux » ainsi qu’une « réforme de la procédure pénale » (lire ci-dessus).

Il implique aussi que la police soit « mieux équipée », « plus connectée » avec 30 000 véhicules livrés d’ici cinq ans, 60 000 gilets pare-balles d’ici fin 2018 et 115 000 tablettes numériques. Si 10 000 postes de policiers et gendarmes doivent être créés durant le quinquennat dont 1 850 en 2018, « le défi, a ajouté le ministre, est surtout qualitatif ». Et il a été précisé par le Président qu’il n’agissait pas du retour de la police de proximité instaurée par Lionel Jospin, puis supprimée par Nicolas Sarkozy. « Son rôle ne sera pas de jouer au foot avec les jeunes … »

Saisir l’opportunité

On l’aura compris, pour l’instant, cette réforme reste encore théorique, un peu floue. Mais justement la PSQ a vocation a être imaginée par les acteurs concernés, d’où la « grande concertation », lancée dans tous les territoires à l’échelle nationale.

À Nouméa, le haut-commissaire, Thierry Lataste, a débuté ses consultations. Il doit rencontrer les commerçants, les entreprises de sécurité, les bailleurs et les services sociaux, les réseaux de transport, les maires, l’association des maires, les autorités administratives et judiciaires et évidemment la police et la gendarmerie. « Le sujet intéresse », a noté Thierry Lataste qui « attend les propositions ».

Le retour des policiers et gendarmes, premiers concernés, est indispensable pour s’assurer que l’évolution de leurs missions sur le terrain soit au plus proche de leurs besoins et de leurs attentes. « Nous espérons surtout qu’il y aura des propositions qui feront avancer les choses. Il faut qu’ils saisissent cette possibilité de parler, commente le commissaire général Alain Martinez. Cela fait des années qu’on nous charge la mule de tâches non prioritaires et, c’est vrai, qu’on ne peut pas se concentrer comme on le devrait sur notre mission première. Par exemple, ce n’est pas normal que nous devions nous occuper d’individus sous main de justice. Une fois qu’ils sont incarcérés, c’est l’administration pénitentiaire qui devrait les traiter jusqu’à Z. Or qu’ils soient à l’hôpital ou en zone gendarmerie ou jugés ici, en zone police, c’est à nous à les traiter. Et tout cela prend énormément de temps et de personnels. »

Partout en France, les syndicats restent prudents et disent qu’ils ont surtout besoin de moyens, d’effectifs, de voitures, de locaux en bon état. En matière de coopération, certains ont insisté sur une meilleure information en amont des élus aux policiers et gendarmes sur les évolutions locales ou évoqué la création de référents par quartier à même de tisser des liens particuliers avec les habitants. Des consultations de syndicalistes policiers et de chercheurs aboutiront à une doctrine nationale d’ici deux mois, qui sera déclinée localement.

 

Nouméa forcément « sous les projecteurs »

La phase de concertation doit s’achever le 20 décembre, avec une conclusion livrée dans les jours suivant afin que les premières expérimentations débutent dès le mois de janvier. La PSQ doit être expérimentée dans une quinzaine de sites et une trentaine de villes se sont portées candidates : Lille, Lens, Roubaix, Beauvais, Toulouse et aussi Nouméa. Des demandes en ce sens ont encore été faites à l’État par les élus, lors du dernier Comité des signataires.

Vue de Métropole, la situation est double : on peut à la fois imaginer que l’on estime que la Nouvelle-Calédonie est déjà bien dotée et qu’elle est aussi un cas particulier avec des outils propres (ex : Code de la route, réglementation de l’alcool, etc.), mais la situation est aussi « suffisamment intéressante, particulière et sous les projecteurs pour avoir une bonne chance », estime de « façon tout à fait personnelle » Thierry Lataste. La réponse, le mois prochain.

C.M.

©C.M. / HC.

Thierry Lataste a auditionné la gendarmerie cette semaine.

©gendarmerie de Nouvelle-Calédonie 


La justice également partie prenante

Une fois élaboré, le concept de la police de sécurité du quotidien devrait aboutir à une réforme qui sera « pleinement articulée et concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice » conduite par la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, avait prévenu le Président. Il est question en particulier de la création de nouvelles sanctions comme les sanctions immédiates pécuniaires (pour possession de drogue par exemple). Et il est aussi question de lancer une simplification de la procédure pénale pour décharger policiers et gendarmes de certaines tâches et missions (ex : extractions judiciaires, transport à l’hôpital pour des examens, procurations électorales, mise en œuvre de certaines polices administratives spéciales, protection des personnalités). Justice et forces de l’ordre profiteront au final de ces changements s’ils permettent effectivement de mieux détecter et traiter cette délinquance du quotidien…