« Plus on sera nombreux, plus on sera pris en compte »

Pratiquer le vélo au quotidien s’avère parfois compliqué, surtout pour traverser Nouméa. Des joies aux frustrations, exemple d’un trajet entre les quartiers Sud, le centre-ville et Ducos.

De nombreux automobilistes parcourent tous les jours les 10 km qui séparent les quartiers Sud de Nouméa de Ducos. Entre les embouteillages matinaux, de rares usagers du vélo se glissent non sans quelques efforts entre les files de voitures. Ils ou elles pédalent pour se rendre au travail, zigzaguant entre sourire et indignation. « Le vélo est un choix de conviction et de bien-être. Et malgré tout ce qu’on peut penser, un choix de facilité », assure Marie, 47 ans.

Hissée sur son vélo à assistance électrique (VAE), la cycliste fait le trajet trois fois par semaine depuis trois ans. Elle met moins de temps qu’en voiture, se fait plaisir et pratique une activité physique.  Marie a tracé trois parcours différents : un court, mais plus dangereux, rue Bénébig par l’ancienne clinique Magnin ; un long, en longeant les baies et l’aérodrome de Magenta ; un parcours intermédiaire en passant par la Vallée-du-Tir.

Avant que « l’enfer de Ducos » ne commence, elle passe par le centre-ville ou le rond-point de Belle-Vie. Ses trajets lui font parcourir une bonne partie de la capitale à vélo. Et aucun des trois itinéraires n’est réellement adapté. Route de l’Anse-Vata, les voitures roulent à vive allure et dépassent au niveau des terre-pleins centraux et des rétrécissements de voierie. Rue Frédéric Surleau, qui dessert toutes les banques du centre-ville, le trafic est intense.

« Devant Doniambo, il faudrait séparer les flux au niveau de Montagne coupée, estime-t-elle. En tant que cycliste, tu vas plus doucement et tu te fais doubler par les voitures alors qu’il n’y a pas la place. Les véhicules te frôlent. » Le Code de la route impose une distance d’1 mètre en ville et de 1,5 mètre hors agglomération pour doubler un cycliste.

EMBOUTEILLAGES ET ENGUEULADES

Marie choisit certes selon le temps dont elle dispose, mais surtout selon son humeur. Parce qu’aux infrastructures insuffisantes ou inexistantes, s’ajoutent les comportements des automobilistes. « Tu te fais engueuler par les automobilistes. Je choisis mon trajet selon si je suis capable d’absorber leur animosité. »

Son VAE lui permet de se déplacer avec aisance, plus rapidement qu’un vélo dit musculaire. Elle s’immisce dans le flux des véhicules. « Le vélo demande une attention terrible, tu n’as pas le droit de penser au boulot, à ce que tu vas faire à manger le soir. Dès que tu te déplaces avec des enfants, c’est vraiment trop dangereux. »

Si elle milite pour une voie réservée ou mieux partagée, elle réclame d’abord plus de pédagogie. « Les vélos sont des véhicules à part entière et qui ont le droit d’être sur la route, martèle- t-elle. Des automobilistes me demandent souvent de dégager de LEUR route. » « C’est le pire, confirme Vincent, 42 ans, cycliste régulier entre la Vallée-du-Génie et Ducos, en passant par Montagne coupée. Ils ne font pas gaffe aux modes doux, alors que le trajet n’est pas aménagé pour les cyclistes. Il faut vraiment être aux aguets pour se mettre en sécurité. »

Dans certains virages, le quadragénaire se retrouve coincé entre les rambardes et les voitures. Déterminée, Marie tente régulièrement d’expliquer les risques aux conducteurs qui la mettent en danger. « Le tout est de ne pas énerver les automobilistes tout en leur faisant comprendre qu’il faut changer leurs comportements. »

À force, les habitudes changeront peut-être. La mauvaise foi des uns et des autres ne démotivera pas Marie. Car elle n’est pas prête à arrêter de pédaler des quartiers Sud à Ducos. « Plus on sera nombreux, plus on sera pris en compte », insiste Vincent. Conscient des risques, le cycliste préfère pointer le « bonheur de se déplacer sans jamais être en retard », le « sentiment de liberté » et le moindre impact sur l’environnement. Aux gens qui hésiteraient à enfourcher leur vélo, Vincent rétorque qu’il prend un « grand plaisir » à le faire tous les matins.

Brice Bacquet

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