Plus de 100 morts et toujours la même incompréhension

The intensive care unit at the Gaston-Bourret Territorial Hospital in New Caledonia is saturated due to the Covid-19 epidemic. The state of health emergency is in force in the country since September 9, 2021. New Caledonia, Noumea, September 23, 2021. Photograph by Delphine Mayeur / Hans Lucas. Le service de reanimation du Centre Hospitalier Territorial Gaston-Bourret en Nouvelle-Caledonie est sature en raison de l epidemie de Covid-19. L etat d urgence sanitaire est en vigueur dans le pays depuis le 9 septembre 2021. Nouvelle-Caledonie, Noumea, 23 septembre 2021. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

La Nouvelle-Calédonie a franchi mardi la barre des 100 décès liés à l’épidémie de Covid-19. Le dispositif original mis en œuvre par les services sanitaires permet de prendre en charge de très nombreux malades, mais la réanimation subit une extrême tension qui devrait encore durer plusieurs semaines. Et si le confinement strict a permis de faire décroître les contaminations, la vaccination est insuffisante pour envisager une sortie de crise comme on l’a connu par le passé.

Le Dr Thierry de Greslan, seul, pour donner la conférence de presse quotidienne du gouvernement. Tout un symbole. La crise sanitaire a pris le pas sur toute la vie calédonienne. En cette quatrième semaine épidémique, la barre des 100 décès a été franchie. Avec parfois plusieurs morts dans une même famille.

Le territoire déplore plus de huit décès quotidiens depuis dix jours (21 septembre) pour un total de 114 morts mercredi. L’âge moyen des personnes décédées est de 71 ans. Mercredi, 289 personnes étaient hospitalisées en unité Covid et 57 en service de réanimation. La baisse de la moyenne d’âge des cas critiques se confirme : mardi, elle était de 52 ans contre 60 la semaine dernière, le plus jeune patient étant âgé de 27 ans. Sur les 7 176 cas de Covid-19 détectés depuis le début de l’épidémie, la moyenne d’âge est de seulement 40 ans.
Le nombre de cas positifs détectés quotidiennement dépasse généralement les 300. « Des nouvelles préoccupantes qui montrent la gravité de l’épidémie et le faible taux de vaccination », a regretté le président de la commission médicale d’établissement du CHT.

De la souffrance

Au CHT, soignants et malades sont en souffrance. L’établissement flirte avec la saturation des lits de Covid depuis une semaine : 83, 81, 95 %… « Samedi, on a eu l’impression que ça ne rentrerait pas et dimanche, miraculeusement, c’est passé », a raconté Thierry de Greslan. Les capacités ont encore été augmentées : à 340 lits Covid en médecine et 61 lits en réanimation (il y a également 10 lits de réanimation non Covid). C’est 400 lits sur les 500 que compte l’hôpital. « Absolument colossal. » En clair, l’établissement ne fait presque plus que du Covid.

Le Médipôle est aussi devenu une « gigantesque bonbonne d’oxygène ». Lundi, 120 patients étaient à plus de six litres et 90 sous quinze litres, c’est dire le niveau de gravité des malades qui sont donc de plus en plus jeunes, et ne présentent pas forcément un panel de comorbidités.

Le ballet des ambulances y est incessant. Elles arrivent de l’agglomération, mais aussi du Nord et des Îles dont les établissements saturent bien plus rapidement. Les malades sont souvent dans des états déjà très graves. Un tiers des patients en réanimation sont intubés, les autres suivent un protocole d’hyperventilation.

3 818 personnes sont considérées comme guéries par les services hospitaliers. Elles ne sont plus contagieuses, mais peuvent être maintenues à l’hôpital en fonction de leur état et des séquelles de la maladie. La plupart ont besoin d’une surveillance prolongée et d’une rééducation pneumologique. Une offre spécifique de rééducation post-Covid est en cours d’élaboration.

 

Un système qui fonctionne

Dans son malheur, la Nouvelle-Calédonie a néanmoins de la chance. La coordination territoriale « permet de prendre en charge tous les malades dans des conditions humaines et adaptées ». Mais l’on sait néanmoins qu’un « tri » des patients est effectué.

Les renforts venus de Métropole ont apporté un peu de souffle au CHT, au CHN, à l’hôpital de Poindimié, aux hôtels, au CHS et à la Dass. Ils permettront surtout que les équipes puissent tenir dans la durée. Par ailleurs, l’hôpital s’appuie encore davantage sur la Direction de la Sécurité civile qui gère l’accueil des Calédoniens dans les hôtels et réalise visiblement un travail « incroyable ». Les sirènes résonnent aussi à plein régime du côté de l’Anse-Vata.

Chaque jour, ces établissements récupèrent désormais, en plus des orientations depuis les domiciles, des sorties de CHT, des patients oxygèno-dépendants (en dessous de deux litres) dont l’état néanmoins demeure stable. Une cinquantaine étaient ainsi sous oxygène lundi en hôtel pour un dispositif qui concerne au global 175 personnes dont 145 en province Sud, 18 dans les Îles et 12 dans le Nord.

Les Calédoniens peuvent aussi compter sur les Forces armées et leur escadron de transport qui a permis, samedi à la demande du gouvernement, d’acheminer huit malades depuis Koné vers le Médipôle en Puma et Casa. Des Fanc qui apportent également leur concours à la campagne vaccinale dans les zones isolées.

On peut aussi citer l’équipe mobile de soins palliatifs pour ceux qui choisissent une fin de vie à domicile ou les équipes de psychologues qui soutiennent les proches (lire pages suivantes). Et enfin, évidemment, la clinique Kuindo- Magnin qui accueille les spécialités non Covid ne pouvant pas être assumées au Médipôle.

L’aide ne suffit pas

La Nouvelle-Calédonie dispose d’une offre de soins deux fois et demie supérieure à la Métropole en matière de lits de réanimation. Majorer cette offre serait impossible sans renforcer encore les ressources humaines. Le Dr de Greslan a indiqué que des aides supplémentaires avaient été demandées à la France. Sans plus de précisions. On sait tout de même que l’armée est venue faire une expertise et que l’une des options de la Nouvelle-Calédonie est effectivement de solliciter ses besoins en réanimation. Le territoire pourrait également formuler un appel supplémentaire à la réserve nationale.

 


 

L’obésité, facteur aggravant

L’obésite, même légère, est un facteur de risque très sérieux qui conduit des patients relativement jeunes vers des formes graves de la maladie. L’oxygénothérapie reste le premier traitement : plus de six tonnes d’oxygène par jour sont utilisées au CHT. Les malades du Covid restent une quinzaine de jours en médecine, et entre trois et six semaines pour la réanimation. Beaucoup de patients seront donc pris en charge jusqu’à mi-décembre. Ce qui explique aussi la surroccupation.

 

Chloé Maingourd (© Delphine Mayeur / Hans Lucas via AFP)