Plan d’une ampleur inédite « pour sauver Air Calédonie »

La compagnie aérienne desservira le Vanuatu à partir du 3 octobre. (© Archives A-C.P.)

Les exactions en cours depuis le 13 mai mettent en péril la compagnie, déjà en difficulté, contraignant la direction à prendre des mesures d’urgence très fortes : réduction des effectifs et des investissements, mise en location d’un appareil, demande de subvention…

♦ ARRÊT DE L’ACTIVITÉ

Les conséquences des violences ont été immédiates, provoquant l’annulation de tous les vols commerciaux pendant plus de trois semaines. Air Calédonie a, en revanche, était réquisitionnée par l’État afin d’assurer le pont aérien entre Magenta et La Tontouta. « Les événements ont anéanti toutes les ambitions », indique Daniel Houmbouy, directeur, qui tablait sur une augmentation du trafic de 10 % cette année par rapport à 2023, soit 430 000 passagers (le record date de 2019 avec 465 000 voyageurs) et, en ligne de mire, « l’amélioration des recettes et un retour à l’équilibre comptable de l’entreprise fin 2024 ».

♦ REPRISE « TIMIDE »

L’activité a recommencé le 5 juin avec un vol par jour et par destination, « mais on ne les remplissait pas », ajoute Daniel Houmbouy, notamment vers Ouvéa et l’île des Pins, d’où la décision de réduire la fréquence des liaisons. « La reprise a été timide, la demande très faible. » Le trafic est fortement affecté avec une perte de 70 % de clientèle. « On estime une baisse du nombre de vols de 53 % entre mai et décembre et de 35 % sur l’année. » 2024 devrait s’achever sur un total de quelque 300 000 passagers et un manque à gagner de 1,7 milliard de francs. En contrepartie, le ralentissement des opérations a occasionné quelques économies (sur le carburant, l’entretien des avions, etc.) à hauteur de 350 millions.

♦ CHÔMAGE PARTIEL

La compagnie se trouvait déjà en difficulté avant les événements, enregistrant des « déficits chroniques ». Trois audits ont été menés en 2023 et la société a été placée sous mandat ad hoc dans l’objectif de « transformer l’entreprise dans la durée ». Prise de cours par l’actualité, la direction s’est vue contrainte de « prendre très rapidement des mesures de sauvegarde de notre trésorerie » en plaçant la majorité du personnel en chômage partiel. 271 salariés sur 350 ont travaillé entre 50 % et 80 % de leur temps habituel.

♦ VASTE PLAN SOCIAL

Air Calédonie table sur une baisse de trafic durable (300 à 330 000 passagers en 2025) et « une augmentation modérée les années suivantes ». « Le chômage partiel ne suffira pas », affirme Daniel Houmbouy, ce qui conduit la direction à procéder à un plan social. Ce dernier concerne un tiers des effectifs (environ 115 employés). La procédure, lancée, doit se conclure par le départ des salariés dans deux à trois mois. D’autres résolutions sont actées : arrêt des investissements (hors maintenance), demande de report d’échéances bancaires, mise en location d’un des quatre ATR à une compagnie de la région, et demande d’une subvention « de soutien à la trésorerie » de 600 millions de francs à la Nouvelle- Calédonie, actionnaire. Autant de solutions nécessaires dans ce moment critique « pour sauver la compagnie », insiste le directeur, Aircal ayant de la visibilité seulement jusqu’au mois d’août. Si ces réponses ne peuvent être apportées, le risque est « la cessation de paiements ».

Daniel Houmbouy, directeur d’Air Calédonie, présente le plan de restructuration de la société, mercredi 17 juillet. (© A.-C.P.)

♦ NOUVELLE LIGNE ET GAMME TARIFAIRE

L’ouverture de lignes, comme Port-Vila au Vanuatu, qui représente « un potentiel », est à l’étude. « On l’a déjà fait et on pense le refaire. On y travaille en coopération avec Aircalin. » Il est aussi prévu de poursuivre l’élargissement de la gamme tarifaire en proposant des prix en lien avec de nouvelles options, par exemple un tarif pour un vol sans bagage.

♦ OBJECTIF

La déclinaison effective de ce plan dans son ensemble doit permettre à Air Calédonie de tenir au-delà de 2024. « L’objectif n’est pas juste de passer le cap, mais de pérenniser notre activité. » Et de viser l’équilibre comptable fin 2025. « La condition, c’est que l’ensemble des mesures fonctionnent. » Il s’agit, selon Daniel Houmbouy, d’un « changement important, presque d’une révolution par rapport à ce qu’on a connu jusqu’à aujourd’hui ».

♦ UNE FUSION ?

L’idée d’une fusion des compagnies aériennes du territoire a récemment refait surface, portée par une actualité compliquée pour les deux principaux opérateurs. Aircalin et Air Calédonie collaborent déjà, note Daniel Houmbouy, notamment au niveau commercial. « Avec le code share, il est possible d’acheter des places sur nos vols en passant par Aircalin. La réflexion va s’accélérer pour voir ce que nous pouvons mutualiser en termes de services. » Le regroupement des activités sur Tontouta fait également partie des pistes « d’amélioration de l’organisation à l’échelle du territoire sur le transport aérien ».

Anne-Claire Pophillat