Pierre Frogier fait sa proposition au Sénat

Mardi au Sénat, un premier débat en séance publique s’est tenu sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. À cette occasion, le sénateur Pierre Frogier a formulé une proposition institutionnelle qu’il avait qualifiée, avant son départ pour Paris, « d’innovante ».

L es sénateurs ont débattu pendant plus d’une heure sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle- Calédonie, mardi à Paris, et Pierre Frogier a été le premier à s’exprimer. Après avoir dressé un bilan sévère de l’Accord de Nouméa, il a déclaré qu’il était temps de « tourner la page de cet accord » qu’il dit « dépassé » et dont « l’esprit est moribond ». Le sénateur a précisé « que nous sommes dans une impasse » et il propose donc, après deux accords, « de négocier un désaccord. » C’est, pour lui, « l’assurance d’une coexistence apaisée dans le respect de nos identités et de nos différences ».

Le cœur de sa proposition, c’est de redonner toute sa place à la collectivité provinciale. En clair, Pierre Frogier propose de donner plus de pouvoir aux trois provinces dans la France, l’État conservant les domaines régaliens, comme la police, la justice et l’armée. Chaque assemblée de province serait installée selon son propre régime électoral afin que nul ne soit exclu et le gouvernement local serait remplacé par un collège médiateur, composé de représentants de l’État et des trois provinces qui seraient sur « un pied d’égalité ». Pierre Frogier propose une nouvelle organisation institutionnelle sous l’égide de l’État avec des provinces plus autonomes. Au fond, pas de réelle révolution par rapport à notre organisation actuelle.

Des réactions très mitigées

La proposition a fait réagir l’hémicycle de la Haute-Assemblée. Elle a reçu le soutien de Bruno Retailleau, le président du groupe Les Républicains, en faveur d’« un projet de provincialisation, mais surtout pas une partition ». Celui-ci a aussi demandé à l’État de ne pas attendre la campagne présidentielle pour organiser le référendum et de sortir de sa neutralité. Le groupe socialiste est monté au créneau. Patrick Kanner a ainsi indiqué que cette proposition était tout simplement « insoutenable » parce qu’elle reviendrait à une division du territoire calédonien. Le sénateur calédonien UDI, Gérard Poadja, a déclaré que l’Accord de Nouméa reste le « seul chemin possible » et qu’une répartition, comme la propose Pierre Frogier, effacera « 150 ans d’histoire commune ».

Gérard Poadja suggère plutôt un troisième référendum qui rassemblerait les populations sans en définir véritablement le contenu. Pour Les Centristes, compte tenu des actions hostiles lors du dernier référendum et du conflit Vale, Pierre Médevielle a estimé que laisser se tenir un référendum binaire dans la situation actuelle, c’est « prendre un risque majeur pour l’avenir ». Le sénateur wallisien, Mikaele Kulimoetoke, s’est inquiété des conséquences d’une indépendance : « À quelques mois du prochain référendum, aucun accord n’a été trouvé. Aucune assurance n’est donnée aux Calédoniens qui veulent rester Français (…) S’ils ne souhaitent pas vivre selon les règles de Kanaky, quelles perspectives l’État leur propose-t-il ? »

Référendum possible

Présent au débat, évidemment, Sébastien Lecornu, le ministre des Outre-mer, a indiqué que l’organisation du référendum était possible avant la fin de l’année, mais qu’elle dépendrait en grande partie des discussions qui seront menées lors de la réunion de Paris, du 25 mai au 3 juin, et de la « capacité d’éclairer le oui et le non ».


Réactions en Nouvelle-Calédonie

Sonia Backes (Avenir en confiance) a exprimé sa position. Il faut, selon elle, fixer la date du référendum au plus tôt. Et elle préconise, pour la suite, une réforme d’ampleur de nos institutions en s’appuyant sur les provinces tout en maintenant l’unité de la Nouvelle- Calédonie dans la République. Elle observe ainsi que le gouvernement est « arrivé à bout de souffle » tout comme le Congrès, « qui n’arrive plus à voter aucune réforme faute de majorité claire ». Il faut, selon elle, faire le bilan de ce qui a fonctionné ou pas dans l’Accord de Nouméa.

Générations NC a exprimé son « profond désaccord » avec cette prise de position personnelle de Pierre Frogier, délivrée « en dehors de toute concertation avec les forces loyalistes calédoniennes ». « Alors que le sénateur semble désormais militer pour une Nouvelle-Calédonie divisée, Générations NC prône une Nouvelle-Calédonie pour tous, une et indivisible ». Installer une différence géographique serait, pour le parti, « signe de régression » et en contradiction avec le fait « démocratique et démographique », les résultats du deuxième référendum ayant démontré que les indépendantistes sont plus nombreux dans le Sud que dans le Nord. Ce serait aussi faire fi des 8 000 électeurs loyalistes en province Nord et des 2 500 dans la province des Îles.

Selon Wassissi Konyi du FLNKS, au micro de NC La 1ère, Pierre Frogier est « complètement déconnecté de sa base, de sa formation politique et il propose quelque chose qui n’a rien à voir avec ce que les gens ici veulent, c’est-à-dire l’unité du pays ».

D.P.

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