Le ministre des Outre-mer Manuel Valls est de retour samedi 29 mars en Nouvelle-Calédonie, conscient de la fragilité des équilibres mais décidé à progresser vers un accord global sur l’avenir. L’inconnue réside dans l’attitude du FLNKS et de l’UC pendant ce séjour.
« L’accord doit être nourri de rapprochements et, à un moment, de concessions qui seront consenties ou non par les uns et par les autres, et que nous essaierons de faciliter mais aussi de nourrir. » Quelques heures avant son départ de La Tontouta samedi 1er mars en soirée, le ministre d’État des Outre-mer exprimait sa conviction, devant les médias, pour la construction de l’avenir institutionnel du territoire.
Cette résolution s’était forgée au fil des visites sur le terrain et des travaux à Nouméa avec les formations politiques durant une semaine. Un proche retour dans l’archipel était annoncé.
Manuel Valls, toujours accompagné du conseiller spécial du Premier ministre, Éric Thiers, est attendu samedi 29 mars pour quatre jours en Nouvelle- Calédonie afin de poursuivre les discussions. Ces échanges n’ont pas cessé en réalité entre les deux visites. La venue du locataire de la rue Oudinot est précédée de réunions en visioconférence avec les représentants de cabinets ministériels sous forme d’ateliers thématiques. Les sujets sont issus du document sur les « orientations présentées par le gouvernement » central fin février.
Trois questions « essentielles à la formation d’un compromis politique » étaient alors abordées dans le texte remis : le lien avec la France et l’autodétermination, la citoyenneté calédonienne et le corps électoral, et enfin la gouvernance et les institutions calédoniennes avec un point particulier sur le rôle des provinces.
Ce principe de la rencontre à distance a présenté au moins deux avantages. Tout d’abord, maintenir l’ensemble des délégations politiques autour de la table même virtuelle. Enfin, approfondir les sujets, entrer dans leur technicité.
« AVANCER COLLECTIVEMENT »
Et maintenant ? Dans un entretien avec le quotidien Ouest-France samedi 22 mars, Manuel Valls est prudent quant à l’objectif poursuivi. « Je souhaite rentrer dans une phase de négociations. Quel est le but ? Un préaccord, un accord global, une méthode ? On verra. Je veux continuer à avancer collectivement », a déclaré le ministre conscient de la fragilité des équilibres.
Philippe Dunoyer, de Calédonie ensemble, « souhaite qu’il ressorte de ce séjour un temps nouveau, un cran nouveau, dans la construction de l’accord. Que l’on sorte avec au moins l’annonce que l’on a commencé à négocier ».
L’accord de Nouméa peut constituer le plancher des pourparlers, et le résultat des référendums en faveur du maintien de la Nouvelle- Calédonie dans la République, le plafond. La solution est ainsi à isoler dans le cadre d’une large autonomie. Les points de tension entre les politiques sont connus, au premier rang desquels figure le calendrier d’une nouvelle consultation d’autodétermina- tion, un droit établi comme inaliénable.
Une avancée n’est toutefois pas acquise. Dans cet espace de travail, participent trois formations non indépendantistes ‒ Les Loyalistes, le Rassemblement-LR et Calédonie ensemble ‒, L’Éveil Océanien au centre, ainsi que deux groupes indépendantistes ‒ l’UNI et le FLNKS, dont l’Union calédonienne est désormais le moteur. Une part d’inconnu plane au-dessus de cette dernière force politique. Puisque la convention du 4 mars à Dumbéa a confirmé le mandat de discussion de la délégation du Front, mais des « éléments incontournables devront être traités et trouver des réponses avant de s’engager dans la phase de négociation ».
Dans cette liste des affaires à démêler, sont inscrits la trajectoire vers la pleine souveraineté, la présence aux négociations du président du FLNKS, Christian Tein, toujours en détention provisoire en Métropole, ou encore le traitement judiciaire de la situation des prisonniers dits politiques.
Un bureau politique de la coalition devait se tenir jeudi 27 mars afin de faire le point sur la visite ministérielle. La délégation conduite par le député Emmanuel Tjibaou siègera a priori autour de la table deux jours plus tard, auprès de Manuel Valls. Pour des discussions, uniquement.
« ON EST LOIN D’UN ACCORD GLOBAL »
L’ancien Premier ministre socialiste compte avancer sagement. Mais « on est loin d’un accord global aujourd’hui quand on examine les positions extrêmes des deux côtés politiques », estime Victor Tutugoro, membre de l’UNI et signataire de l’accord de Nouméa. Dans une phase de statu quo, l’État pourrait alors peser en livrant des propositions.
Farouchement attaché néanmoins à la recherche d’« un compromis politique », Manuel Valls avait affiché une position franche en cas d’échec, fin février, dans le document sur les orientations. « La responsabilité de tous les acteurs est ici engagée et chacun d’entre eux se trouvera comptable devant les Néo-Calédoniens et devant l’histoire des conséquences de l’impasse qu’il aura contribuée à créer si telle était sa tentation. »
Yann Mainguet