Candidat aux législatives de 2022, Pascal Lafleur a cette fois décidé de suivre l’ancien sénateur, lui-même soutenu par le Rassemblement national et Les Républicains d’Éric Ciotti. Il explique les raisons de ce choix.
DNC : Pourquoi ce soutien à Simon Loueckhote ?
Pascal Lafleur : Il a souhaité se présenter. On en a discuté. Je considère que c’est une bonne candidature et il porte un projet avec lequel je suis en total accord et qui est en grande partie celui que j’ai défendu il y a deux ans, alors que lui-même me soutenait. Je n’avais aucun intérêt à me présenter, si ce n’est à nous affaiblir tous les deux.
Pourquoi est-ce une bonne candidature ?
Parce que Simon Loueckhote a une expérience du Parlement, il a toujours des contacts en Métropole. C’est un Mélanésien et dans le nécessaire dialogue actuel entre communautés, il a peut-être des clefs que moi je n’aurais pas. Il est aussi des îles qui dépendent de notre circonscription, et ont été mises de côté depuis un certain nombre d’années.
La division n’est-elle pas un risque ?
J’entends « Simon divise ». Je ne le crois pas. On divise quand on défend les mêmes choses. Simon Loueckhote propose le seul véritable projet. Nicolas Metzdorf est le candidat de la présidente de la province Sud qui a pour orientation l’hyperprovincialisation. Philippe Dunoyer est le candidat de Philippe Gomès qui a pour orientation l’indépendance association. Ça n’a rien de commun avec ce que porte Simon Loueckhote. On est donc simplement dans le jeu démocratique et ce sont aux Calédoniens de choisir. Qui plus est dans la première circonscription où il n’y a aucun risque d’élection d’un indé- pendantiste. Dans la seconde, où il y a un risque, nous apportons notre soutien à Alcide Ponga.
Simon Loueckhote se présente sous la bannière du Rassemblement national. N’est-ce pas une ligne rouge ?
D’abord, je ne suis encarté dans aucun mouvement politique national ou local. Je m’engage en tant que chef d’entreprise, représentant de la société civile, pour le candidat qui porte le seul projet qui me paraît viable sur le plan institutionnel et économique. Le Rassemblement national soutient sa candidature, mais il n’est pas le seul. C’est aussi le cas d’Éric Ciotti, président LR. Ce n’est donc pas une candidature RN, mais d’union de la droite pour un projet. Et le RN n’est plus le Front national. Un grand nombre de ses élus viennent des Républicains. Il y a eu un recentrage et quand on voit le score réalisé aux européennes, ça voudrait dire que 35 % de la population est extrémiste ? Je n’y crois pas.
Ce vote n’est pas qu’un vote d’adhésion, c’est aussi un signal pour dire que la politique menée depuis un certain nombre d’années n’est pas la bonne. Le gouvernement d’Emmanuel Macron a échoué en Nouvelle-Calédonie et semble avoir échoué en Métropole. D’ailleurs il explique qu’avec l’arrivée des extrêmes au pouvoir, ce sera la guerre civile. Mais ici nous sommes en guerre civile sous son gouvernement !
Le centre n’est plus une option ?
Le RN et les LR seront sûrement amenés au pouvoir. Moi je préfère un gouvernement d’alliance RN et LR qu’un gouvernement mené par Jean-Luc Mélenchon. Ce sont les deux grandes forces de l’Assemblée nationale et je pense que c’est au centre de faire un choix. Ensuite, à Paris, personne ne connaît le dossier calédonien. Les représentants du président de la République ici l’ont mal orienté, l’ont piégé et ont participé à le faire échouer. L’idée est de ne pas refaire une telle erreur. Nous préconisons un changement de méthode. La dépolitisation du sujet, l’écoute des forces vives après la radicalisation des élus de tous bords.
Les représentants du président de la République ici l’ont mal orienté, l’ont piégé et ont participé à le faire échouer.
Quelles sont les grandes lignes de ce projet ?
C’est d’abord une Nouvelle-Calédonie française. Les Calédoniens ont voté par trois fois leur souhait de rester français, donc ça ne se discute plus. En revanche, il faut trouver un projet qui sera équilibré, et qui ne marginalisera pas les gens qui sont indépendantistes.
Pour plus d’efficacité et d’économies, nous préconisons la réduction du nombre de provinces. Les sommes extravagantes versées dans le Nord et les Îles n’ont abouti à aucun développement. Les élus du Congrès ne doivent plus être les mêmes que ceux des provinces. La Nouvelle-Calédonie doit rester unie et avoir des prérogatives territoriales et les provinces des prérogatives liées à la proximité.
Il est important de réviser le corps électoral, parce qu’on ne peut pas empêcher les gens de voter à vie. Nous ne sommes pas opposés à un temps de résidence, j’avais proposé cinq ans. L’autre sujet c’est l’éventuel nouveau référendum. Au-delà de la nouvelle consultation pour valider une solution institutionnelle, la question du référendum sur l’indépendance est dans la Constitution française. Le projet tient compte de cette possibilité mais nous voulons qu’il ne puisse pas avoir lieu avant cinquante ans. Il n’est pas obligatoire comme dans les accords de Nouméa. L’important ce sont les modalités du déclenchement, par exemple un référendum d’initiative populaire ou une majorité qualifiée des 3/5e du Congrès.
Je voudrais dire aux délinquants et terroristes qui ont mis le pays à feu et à sang qu’ils se trompent. Ce n’est pas la France qui est responsable de leur situation. Ce sont leurs élus.
Votre regard sur la situation actuelle ?
C’est une catastrophe, bien entendu économique, mais d’abord sociale. Des gens ont perdu ou vont perdre leur emploi, vivent dans des conditions déplorables, craignent d’être agressés, leurs biens brûlés, et ont des difficultés à s’alimenter. On ne peut pas laisser des gens vivre ainsi. Je voudrais dire aux délinquants et terroristes qui ont mis le pays à feu et à sang qu’ils se trompent. Parce que ce n’est pas la France qui est responsable de leur situation. Ce sont leurs élus, en échec sur la gestion provinciale, en échec politique.
Tout le monde savait qu’il y aurait, 20 ans après 1998, des référendums. Pour gagner, les indépendantistes devaient réussir à convaincre une toute petite partie des non-indépendantistes. Ils n’ont même pas essayé. N’ayant aucune chance de l’emporter ainsi, ils ont manipulé leur électorat à qui ils ont promis l’indépendance avec des discours de plus en plus haineux pour pouvoir être réélu à chaque échéance. Après, je suis persuadé qu’il y a une grande partie de la population qui souhaite l’indépendance et rejette cette façon de faire. Ça leur nuit terriblement. L’image qui est donnée est extrêmement négative. Il est temps qu’ils se manifestent pour que tout cela cesse.
Propos recueillis par Chloé Maingourd.